Dieu est mort - Nietzsche
Publié le 04/04/2016
Extrait du document
«
1) Explication du texte.
Lecture.
« Le dément.
N’avez-vous pas entendu parler de ce dément
qui, dans la clarté de midi alluma une lanterne, se précipita au
marché et cria sans discontinuer : « Je cherche Dieu ! Je
cherche Dieu ! »Etant donné qu’il y avait là beaucoup de ceux
qui ne croient pas en Dieu, il déchaîna un énorme éclat de rire.
S’est-il donc perdu ? disait l’un.
S’est-il égaré comme un
enfant ? disait l’autre.
Ou bien s’est-il caché ? A-t-il peur de
nous ? (…) Ainsi criaient-ils en riant dans une grande pagaille.
Le dément se précipita au milieu d’eux et les transperça du
regard.
« Où est passé Dieu ? lança-t-il, je vais vous le dire !
Nous l’avons tué, vous et moi ! Nous sommes tous ses
assassins ! Mais comment avons-nous fait cela (…) ? Que
fîmes-nous en détachant cette terre de son soleil ? Vers où
roule-t-elle à présent ? Vers quoi nous porte son mouvement ?
Ne sommes-nous pas précipités dans une chute continue ? Et
ce en arrière, en avant, de tous les côtés ? Est-il encore un
haut et un bas ? N’errons-nous pas comme à travers un néant
infini ? (…) Ne faut-il pas allumer des lanternes à midi ? Dieu
est mort ! Dieu demeure mort ! Et c’est nous qui l’avons tué !
Comment nous consolerons-nous, nous, assassins entre les
assassins ? (…) La grandeur de cet acte n’est-elle pas trop
grande pour nous ? Ne faut-il pas devenir nous-mêmes des
dieux pour apparaître seulement dignes de cette action ?
Jamais il n’y eut d’action plus grande, et quiconque naîtra
après nous appartiendra, en vertu de cette action même, à
une histoire supérieure à tout ce que fut jamais l’histoire
jusqu’alors ! » Le dément se tut alors et considéra de nouveau
ses auditeurs : eux aussi se taisaient et le regardaient
déconcertés.
Il jeta enfin sa lanterne à terre : elle se brisa et
s’éteignit ».
Nietzsche, Le Gai Savoir , aphorisme 125 Il y a de nombreux passages de Nietzsche qui traitent de cette
question, mais celui-ci me semble particulièrement marquant.
Il donne aussi un exemple du style très particulier de
Nietzsche, qui multiplie les registres de langue.
Nietzsche est
fils d’un Pasteur protestant et il connaît la Bible par cœur.
Ses
textes sont donc bourrés de références, le plus souvent
implicites, de citations transformées, etc.
C’est pourquoi un
texte de Nietzsche a généralement plusieurs strates, se lit à
différents niveaux.
Cette complexité est voulue par Nietzsche :
il prend un malin plaisir à brouiller les pistes.
Pourquoi ce ton prophétique ? Nietzsche, nous l’avons dit,
cherche à expliquer comment la croyance en Dieu a pu naître.
Mais il n’interprète pas la croyance en Dieu simplement en
terme de besoin individuel ou de faiblesse de l’homme
(comme le fait Freud par exemple).
Il l’interprète surtout par
rapport à un destin de l’humanité : beaucoup de ses textes ont
ce ton prophétique, visionnaire, exalté.
Pour Nietzsche,
l’humanité a un destin qu’elle se doit d’accomplir (c’est ce qui
explique les références à la fin du texte à l’histoire à venir).
Or ce destin est obscur, le sens même de la mort de Dieu nous
échappe : c’est sans doute une des raisons pour lesquelles
Nietzsche place cette nouvelle dans la bouche d’un dément,
d’un insensé, d’un de ces fous très sages qui disent la vérité
sans savoir ce qu’ils disent, qui ne maîtrisent pas la vérité de
leur parole.
Surtout, les hommes ne vont pas se méfier de la
parole du fou, qui pourra ainsi proférer de terribles vérités.
On
voit bien ce mouvement dans le texte : au début les hommes
rient, ensuite ils se taisent.
Le meurtre de Dieu est une action incompréhensible, aux
conséquences imprévisibles.
Mais seul l’insensé en prend la
véritable mesure.
On note en effet une différence entre « ceux
qui ne croient pas en Dieu » et qui rient, qui se moquent du
fou et de Dieu lui-même, « mais enfin ! Tout le monde sait bien
que Dieu n’existe pas ! Il faut être fou pour le chercher ! »
L’allusion ironique au « Dieu qui se cache », pour que les
hommes fassent l’effort de le découvrir, est un thème qui est
2.
»
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