Dialogues sur la religion naturelle, Deuxième partie - Hume
Publié le 23/03/2015
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«
Textes commentés 47
L'argument principal que le sceptique Philon oppose, dans les Dialogues
sur
la religion naturelle, au « théisme expérimental » repose sur notre expé
rience des inférences causales et critique l'usage qui en est fait par Cléanthe.
D'une part, comme il vient de le montrer, on ne saurait établir -fût-ce
problématiquement -une relation causale sur
un seul cas, comme on le fait
en rapportant
l'« objet »-monde à un Dieu créateur comme à sa cause.
Quel
que soit l'objet, en effet,
il ne révèle jamais à première vue ce qui l'a produit ;
pour celui qui l'examine,
«
n'importe quelle chimère de sa fantaisie serait sur
le même
piedl » -et, d'ailleurs, Philon ne manquera pas de multiplier les
hypothèses qui font concurrence à celle d'une intelligence créatrice (sixième à
huitième parties).
Car, d'autre part,
il conteste, comme dans le texte ci-contre,
la suprématie accordée au modèle de l'activité finalisée des hommes.
La reli
gion naturelle commet une faute logique grave, en prenant une partie de
l'univers comme image de la cause productrice de cet univers ; ce n'est pas
l'homme qui est à l'image de Dieu, comme la religion chrétienne le professe,
c'est plutôt l'inverse, si l'on examine le raisonnement des théistes.
En réalité,
ce raisonnement se construit sur une analogie parfaitement discutable, car
il
faudrait que les objets comparés (le monde et une machine, l'intelligence de
l'homme et l'hypothétique intelligence du principe) soient aussi semblables
que possible.
L'on peut aussi bien considérer l'univers
comme un animal, ou
une plante, sa production comme une croissance aveugle, ou son principe
comme strictement matériel.
Mais ces hypothèses n'ont pas pour vocation de
substituer un modèle
à un autre ; elles appartiennent à la stratégie sceptique
de Hume, qui veut ici délier la contemplation de l'ordre (d'ailleurs contestée
par le fait du mal naturel) de l'inférence, au fond trivialement religieuse, d'une
cause finale.
Si les hypothèses du théisme expérimental proviennent d'une
authentique curiosité scientifique, elles ne peuvent se maintenir que par un
reniement de cet attachement
au vrai : finalement, elles ne se soutiennent que
des mêmes motifs passionnels qui inspirent les croyances populaires et
supposent, comme elles, l'ignorance -sauf que les savants peuvent ne pas
vouloir savoir, quand beaucoup de déistes verraient leur foi se dissoudre,
s'ils
savaient.
La grande énergie de ces Dialogues sans ressentiment, tout le talent de
l'auteur appliqué
à masquer ses thèses, à écrire à double sens, à brouiller les
pistes, la continuité d'une contestation intellectuelle à la fois nuancée, précise
et décidée, font interpréter sa conclusion non comme
une« volte-face» dont
elle peut sembler donner l'apparence, mais plutôt comme la réduction du
contenu intellectuel de la religion au peu qu'il est.
1.
Dialogues ...
, Il, p.
72..
»
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