Dialoguer permet-il d'éviter la violence ?
Publié le 11/04/2009
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«
Le dialogue exclut -il toute violence ?
Introduction : Dialogue (du grec "dialegein", « discourir l'un avec l’autre » ).
Chez Platon, forme de recherche philosophique de la vérité.
Dans la pensée contemporaine, communication des consciences.
E n politique, effort de conciliation
par la discussion.
Dans tous les cas, respect de l'autre. Engager le dialogue, est -ce affirmer que la raison peut triompher du chaos et de la violence ? L'art du dialogue n’est -il pas souvent un art de la tromperie et une façon insi dieuse de
dominer l'autre sans en avoir l'air ?
THESE : Le dialogue est un outil polémique puisque rien n'interdit de
prêter à l'un des participants des opinions que l'on veut critiquer.
C'est
un artifice qui permet de venir à bout d'un opposant sans viol ence
apparente.
ANTITHESE : Le dialogue est le propre de l’homme raisonnable.
Seul un
tel homme est capable, non seulement de communiquer avec autrui,
mais encore d’échanger des idées avec lui, de poser des questions, de
répondre.
SYNTHESE : A quelles cond itions un dialogue exclut -il vraiment la violence ?
1a) L'art du dialogue est un art du mensonge .
La sophistique grecque a la
mauvaise réputation d'avoir été la pratique d'un discours déréglé,
cherchant, au moyen d'arguments fallacieux, à séduire un auditoire et à
flatter l'opinion plutôt qu'à atteindre la vérité. Dans Gorgias, Platon fait
parler l'un de cesprofesseurs de rhétorique; le sophiste ne fait aucun
usage du langage en vuedu vrai, qu'il tient d'ailleurs dans un solide mépris.
Son but est ail leurs : capter - autant dire capturer - l'assentiment de
l'interlocuteur, même et surtout si lathèse défendue est fausse.
Gorgias se
fait fort de dissuader un malade deprendre un médicament prescrit par le
médecin ! Il ne s'agit plus d'avoir raisoncontre un interlocuteur, mais
d'avoir raison de lui; le sophiste ne veut pasconvaincre, mais vaincre.
Un
tel usage du langage traite les mots comme des armes, dont il faut
seulementapprendre le maniement ; le dialogue fait place à un combat
oratoire où la stratégi e s'appelle rhétorique La fable de La Fontaine, « Le
Corbeau et le renard », illustre le pouvoir des mots dans son aspect le
moins noble et le plus flatteur.
Avec la société contemporaine, l’usage du
langage comme instrument de pouvoir se développe.
Penson s aux médias,
aux scientifiques, aux experts, aux publicitaires, aux spécialistes de la
communication (qui sont en quelque sorte les sophistes d’aujourd’hui –
nos « menteurs professionnels », diront les plus critiques) …
2a) Le dialogue est fondé sur la ra ison .
Le dialogue institue entre les
hommes un rapport fondé sur la raison et non sur la violence.
Le discours
rationnel a ses lois, communes à tous, qui sont préférables à la loi du plus
fort.
Affirmer la nécessité du dialogue, c'est dire que la vérité es t toujours
l'objet d'une recherche commune et rationnelle, et jamais une révélation
susceptible de s'imposer par la force. Dans l’expérience du dialogue se
constitue entre moi et autrui un terrain commun.
Penser, c’est penser
avec autrui, en se confrontant puis se confondant avec autrui.
Le dialogue
est l’expérience de la réciprocité.
La raison est « communicationnelle ».
Elle est dialogique. La relation de violence s'installeentre des hommes ou
des groupes lorsque le dialogue n'est plus possible, ou n'est pas voulu ; la
relation violente estpur déchaînement de forces, où chacun des
protagonistes ne compte que sur ses forces pour venir à bout de celuiqui
est désormais un adversaire à abattre.
A l'inverse, lorsque s'apaisent les
conflits violents, surviennent souvent laparole, le dialogue, la négociation.
« Les hommes qui sont déjà d'accord sur l’essentiel (...) acceptent le
dialogue, parce qu’ils ont déjà exclu la violence.
» Éric Weil, La Logique de
la philosophie.
a) Le dialogue implique l’égalité des interlocuteurs (# relation d’autorité, de
maître à esclave).
Dans le dialogue, autrui est un semblable, un égal.
Dans le
dialogue, le « je » et le « tu » font un « nous », cad une communauté de
communication en vue de l’accord et de la vérité.
b) Le dialogue implique la liberté des interlocuteurs .
c) Le dialogue implique la reconnaissance d'autrui .
« Reconnaître », autrui a ici
le sens de le respecter comme être et comme autre.
A l'inverse, le mépris, la
haine, la volonté de domination, qu'ils se mani festent de façon directe
(agressivité) ou indirecte (ruse et manipulation des consciences), annihilent le
dialogue comme tel.
La plupart du temps nous traitons d’« idiots », de « fous »,
de « fasciste » (reductio ad hitlerium), etc., ceux et celles qui ne partagent pas
nos opinions, nos conceptions, nos résolutions => « Loi de Godwin » ! A
l'inverse, la reconnaissance d'autrui suppose que nous acceptons l'autre comme
un semblable et qu'il a le droit d'avoir son point de vue, ses opinions, ses
intérêts, ses besoins et ses attentes ...
différents des nôtres.
Etre tolérant, c’est
respecter surtout ceux qui ne pensent pas comme nous.
d) Le dialogue implique la sincérité et la spontanéité personnelles dans la
participation.
« Participer » c'est vouloir faire part ie du dialogue (ou du groupe
de discussion), se considérer comme coresponsable de ce qui s'y passe et de ce
qui s'ensuivra.
Cette volonté d’« en être » s'exprime au plus haut degré par la
sincérité et la spontanéité des interventions personnelles dans la d iscussion.
Ceci suppose un climat de confiance.
e) Le dialogue implique l’interaction .
L’interaction réside dans le fait qu'elle
opère la mobilisation du système des opinions de chacun, et ainsi la discussion
évolue vers la découverte en commun (par suite de l'être ensemble) d'idées ou
de solutions qui sont nouvelles pour tout le monde et qui scellent la
coresponsabilité de la décision ou de l'action.
Il y a dialogue authentique
lorsqu’on éprouve la naissance d'idées nouvelles venues de la participation
effective des esprits.
II se produit dans ces dialogues une sorte d'excitation de la
pensée personnelle par celle d'autrui ; des solutions, des résolutions ou des
idées jaillissent en s'engendrant les unes les autres, dans l'approbation
commune.
1b) Le dialo gue n'exclut pas nécessairement la violence .
La parole
révolutionnaire transgresse délibérément les normes du discours
conformiste qui prétend justifier l’injustice, elle peut ainsi apparaître à
l’homme révolté comme une contestation radicale de l’ordre ét abli.
Pour
mieux exprimer son refus, il cherchera à s’exprimer dans un autre langage
que celui de l’ordre qu’il conteste.
Pour lui, respecter les convenances de
langage établies par la société, ce serait encore accepter de se soumettre
à ses lois.
En expri mant bruyamment sa colère, son mépris et sa haine de
la société, il aura le sentiment de se libérer des contraintes qui voulaient
l’obliger à se taire.
Le dialogue serait donc bien le lieu d’affrontement de forces antagonistes.
Soit par exemple une négocia tion politique ou commerciale : il y a bien,
comme dans un dialogue, deux (ou plusieurs) partenaires quirecherchent
un accord.
Mais cet accord n'est qu'un compromis entre des points de vue
2b) Le dialogue est un échange d'idées, non un échange de coups .
Dialoguer, c'est moins communiquer à autrui des idées toutes faites que
s'efforcer de les recréer en les formulant devant lui et en s'exposant à la
critique.
Dialoguer, c'est éprouver la solidité de ses arguments, c'est
accepter la critique.
C'est aussi accepter de répondre avec des mots, et
jamais avec des armes lourdes. L’essence de la parole est accueil et
bienveill ance, hospitalité et bonté.
Lorsque la parole devient malveillance
et violence, elle se renie elle -même.
L’essence du langage est non -
violence.
Faire violence, c’est toujours faire taire, et priver l’homme de sa
parole, c’est déjà le priver de sa vie. Reco nnaître l’humanité en autrui,
c’est lui parler.
Le langage est l’acte de l’homme raisonnable qui renonce
à la violence pour entrer en relation avec l’autre..
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