« Devenir soi-même » : quel sens donnez vous a cette expression ?
Publié le 06/08/2005
Extrait du document
«
tremblant de tous ses membres...
« ...
Cette vie tu devras la revivre...
d'être renversé à nouveau.
»Le temps tel que se le représente la science historique (et aussi le christianisme qui a une perspective historique : lacréation, le pêché, la Rédemption) est irréversible.
Chaque instant est vécu, puis englouti à jamais.
Le temps ainsireprésenté est comme une ligne parcourue par un mobile qui ne revient jamais en arrière.
NIETZSCHE récuse cetteimage moderne de la temporalité et retrouve l'image que les philosophes antiques se faisaient du temps.
Le tempsétait pour eux plutôt comme un rythme, comme un parcours circulaire qui sans cesse repasserait par les mêmesendroits ; non pas un point mobile sur une ligne, mais un point décrivant toujours le même cercle dans une courseinfinie, « toujours recommencée » comme dit Valéry.
Le temps, disait Platon, c'est « l'image mobile de l'éternitéimmobile ».
Les stoïciens avaient expressément formulé ce thème : pour eux, au terme d'un cycle de plusieursmillions d'années, à la suite d'une conflagration universelle, tout le cours du temps recommençait avec les mêmespéripéties...
« Ne te jetterais-tu pas...
le démon ? »Notons d'abord ici que ce qui intéresse NIETZSCHE dans l'Eternel Retour c'est l'effet de cette croyance sur l'hommequi en serait pénétré.
Le thème est envisagé non plus dans une perspective cosmologique (comme dans la penséeantique) mais dans une perspective existentielle, psychologique, et morale.
C'est de moi, c'est de ma vie dont ils'agit : « Cette vie, tu devras la revivre ».
La question est de savoir si nous sommes capables de supporter cettepensée de l'Eternel Retour.
L'homme qui a la révélation de l'éternel retour est tenté de maudire le démon.
Carl'éternel retour nous condamne à accepter, pour l'éternité, toutes les épreuves qui nous sont advenues et qui,éternellement, se reproduiront.
D'où l'aspect terrifiant de cette sorte d'immortalité qui nous est promise.
Calypso,après le départ d'Ulysse pleurait à la pensée qu'elle était immortelle, condamnée pensait-elle à souffrir sans fin.
Poursupporter l'éternel retour il faudrait l'avènement d'un homme d'une force morale et d'un courage inouï.
On voit icicomment les deux thèmes fondamentaux du nietzschéisme, le thème du surhomme et de l'éternel retour sontétroitement liés.
Le surhomme c'est avant tout l'homme qui serait capable de regarder en face l'éternel retour, dedire au démon qui le lui a révélé : « Tu es un dieu...
».
« ...
Cette pensée te transformerait...le plus lord sur ton agir !...
»Le thème de l'éternel retour est fondamentalement un thème éthique.
Même si la répétition cyclique n'est qu'unepossibilité, une simple hypothèse non prouvée, « sa seule pensée pourra nous transformer » comme la croyance àl'enfer agissait profondément sur les hommes du moyen âge.
Mais tandis que le mythe de l'enfer nous invitait àconfronter sans cesse nos actes à la loi extérieure au nom de laquelle nous serions jugés, à vérifier dans la crainteet le tremblement la conformité de notre existence au diktat d'une volonté étrangère, l'hypothèse de l'éternel retournous demande seulement de nous confronter nous-mêmes à nous-mêmes, de savoir ce que nous voulons de notrevolonté la plus profonde, de « vivre de telle sorte que nous voudrions revivre de même et ainsi de suite jusqu'enéternité » (« Vdp », II, $245).
On pourrait exprimer en ces termes le commandement unique de l'éthiquenietzschéenne : Agis toujours de telle sorte que tu acceptes le retour éternel des actes que tu as, dans cette vie,jugé bon accomplir.
Morale « immoraliste » puisqu'il n'y a ici aucune obligation transcendante, puisque la morale deNIETZSCHE nous dit seulement : « Deviens ce que tu es », morale extrêmement rigoureuse puisque poser un actec'est le poser pour toujours, la croyance à l'éternel retour donnant à cette vie éphémère une terrible gravité.
Lemythe de l'éternel retour sert de pierre de touche, d'épreuve inexorable à l'immanence du vouloir : « Si dans tout ceque tu veux faire tu commences par te demander : est-il sûr que je veuille le faire un nombre infini de fois ? Ce serapour toi le centre de gravité le plus solide.
»
L'éternel retour n'est qu'accessoirement chez Nietzsche un thème cosmologique.
C'est pourquoi il est futile dechercher à le réfuter comme si c'était une affirmation scientifique.
Cette hypothèse doit être considéré plutôtcomme propre à changer mon attitude à l'égard de la vie.
C'est donc un thème éthique.
L'éternel retour estl'équivalent d'une sanction éternelle, une sanction immanente.
Il confère à chacun de mes actes le sérieux del'éternité..
c'est également un thème mystique.
L'éternel retour est la confirmation éternelle de cette vie présente.NIETZSCHE se veut pieux devant le Dieu de la vie.
L'éternel retour est une propédeutique à l'adorationinconditionnelle de cette présente vie..
Le nietzschéisme est un panthéisme mystique.Adoration de la vie à travers ses énigmes et ses souffrances, la philosophie tragique de NIETZSCHE est unephilosophie de la joie.
Là où « ça » était, « Je » dois devenir (Freud).
Dans la trente et unième des « Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse » (1932), intitulé « Ladécomposition de la personnalité psychique », Freud décrit le but du traitement psychanalytique par cette formule :« Là où « çà » était, « je » dois devenir », où le « ça » représente l'inconscient.
Il est remarquable que la traductionde la phrase allemande ait prêté à controverses.Pour comprendre l'enjeu de cette phrase, il faut garder à l'esprit que la psychanalyse, avant d'être une discipline,voire une science, est avant tout une thérapie, une façon de guérir des patients.
Dans notre texte, Freud affirme « C'est que l'être humain tombe malade en raison du conflit entre lesrevendications de la vie pulsionnelle et la résistance qui s'élève en lui contre elles ».
La maladie provient d'un conflitentre les normes « éthiques, esthétiques et sociales » et des désirs qui « semblent remonter d'un véritable enfer ».Or ces désirs censurés ne sont pas plus conscients que la censure elle-même.
Le malade subit donc un combat.
»
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