Désirer est-ce necessairement aimer ? Le désir est-il nécessairement amour ?
Publié le 27/02/2008
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Désirer est-ce necessairement aimer ? Le désir est-il nécessairement amour ?
- Construction de la problématique :
Le sujet part de deux termes qui sous certains aspects se recoupent, tandis que sous d’autres ils s’opposent. En effet, il semble parfois possible de résorber l’amour dans le simple désir sexuel, et à voir dans ce dernier l'expression d'un besoin conditionné par l'exigence biologique de la reproduction de l'espèce. Pourtant, dans le cas de l’amour maternel, ou dans le cas de l’amour d’une idée, il semble que ce désir sexuel soit exclut. Cela est d’autant plus frappant que le désir porte sur un objet, et qu’une idée n’en est pas un.
- Se pose donc la question de savoir qu’est-ce qui dans l’une des notions n’existe pas dans l’autre. Autrement dit, existe t-il des caractéristiques qui permettent de distinguer l’amour du désir, est-ce qu’elles sont des critères valables pour toutes les situations, ou est-ce que dans certains cas la distinction est impossible voir inutile ?
«
Le véritable amour pour Platon ne peut donc pas se confondre avec le désir.
Autant ce dernier se rattache aumonde sensible, autant l'amour n'y séjourne qu'un court instant pour monter vers des sphères plus hautes.
II/ L'amour ne serait que l'amour de Dieu ? :
Selon Platon, tout amour envers autrui ne serait donc pas possible, nous ne pouvons rien aimer qui appartienne aumonde sensible : l'amour se réduirait donc à celui que nous pourrions éprouver envers les Idées, ou Dieu.
Pourtant,dans certaines relations humaines, il nous semble parfois que nous aimons réellement, sans pour autant éprouver dedésir : par exemple dans l'amour maternel.● C'est ce qu'explique Descartes dans Le traité des Passions, lorsqu'il montre qu'il est possible d'éprouver de l'amour,et que le désir vient seulement ensuite ou non se greffer par dessus.
Descartes range l'amour au nombre despassions, et si il distingue les objets auxquels il s'applique, il n'en reste pas moins qu'« il n'est pas besoin dedistinguer autant d'espèces d'amour qu'il y a de divers objets qu'on peut aimer.
» En effet, selon lui, on peut aimerl'argent, la gloire, l'alcool, une femme, ses enfants, et ces types d'amour participent tous du même amour.
La seulechose qui est différente, c'est que l'amour de l'alcool ou de l'argent correspond à la possession d'objets auxquels serapportent ces passions, et non pas à l'amour des objets eux-mêmes.
Il semblerait donc pour Descartes que l'amourd'un père pour ses enfants soit supérieur car désintéressé : cet amour est pur – encore plus pur que celui qu'il peutporter à une femme car cet amour comporte aucun désir de possession.
Aimer, c'est se considérer «dès à présentcomme joint avec ce qu'on aime » (Les Passions de l'âme, § 80).
Cette jonction est d'abord ressentie commes'effectuant « de volonté », c'est-à-dire d'âme à âme.
On n'aime pas seulement de tout son coeur, mais de touteson âme.
« L'amour qu'un bon père a pour ses enfants est si pur qu'il ne désire rien avoir d'eux, et ne veut point lesposséder autrement qu'il fait, ni être joint à eux plus étroitement qu'il est déjà; mais, les considérant commed'autres soi-même, il recherche leur bien comme le sien propre.
»● Mais l'amour n'exclut pas nécessairement le désir pour Descartes, il peut le contenir.
Dans le cas de l'amourhumain, cela n'empêche nullement que le désir vienne dans un second temps se greffer sur l'amour : « Si on jugeque ce soit un bien de posséder [l'objet aimé] ou d'être associé avec lui d'autre façon que de volonté, on le désire :ce qui estaussi l'un des plus ordinaires effets de l'amour » (Les Passions de l'âme, §81).
Ainsi, Descartes décrit l'amour que l'ona pour sa maîtresse comme participant à la fois de l'amour pur et désintéressé, et à la fois de l'amour désir depossession.
L'essentiel dans l'amour quel qu'il soit est donc que l'on consent à être uni à l'autre en un tout dont onpense n'être soi-même que la moindre partie.
III/ L'amour n'est qu'un leurre pour la reproduction :
Il semblerait donc avec l'amour désintéressé, qu'en réalité l'amour ne soit qu'un sentiment de bienveillance dégagéde toute considération personnelle.
Mais lorsqu'il est question du bonheur d'autrui, du dévouement total de soi àautrui, peut-on appeler cela amour ?● C'est la question que pose Kant dans les Principes métaphysique de la morale.
Il montre que souvent on appelleamour la bienveillance pour les hommes, mais que cette dénomination est impropre.
Kant distingue « l'amour pratique» auquel chacun doit s'efforcer de parvenir et « l'amour pathologique » qui est le fruit de la déraison.
Pour Kant,nous confondons amour et désir sexuel, ou plutôt nous appelons amour notre désir de reproduction simplementparce que nous pensons que celui-ci est différent des animaux.
Or, ce n'est pas réellement le cas, la seuleparticularité que nous ayons est que notre désir est relayé par l'imagination et que cette dernière lui donne unedimension supplémentaire – ce qui ne signifie pas supérieure.
Autrement dit, pour Kant, nous avons - du fait de notre animalité – des désirs sexuels, mais nous transformons ceux-ci en lesrendant plus digne, et en parlant d'amour.
Il parle ainsi de «l'artifice quiconduisit l'homme des attraits simplement sensuels aux attraits idéaux, et,peu à peu, du désir simplement animal à l'amour.
» Cet amour estpathologique, c'est-à-dire qu'il est lié à la partie sensible de l'individu, à soncôté animal.● A l'inverse, il existe pour Kant un véritable amour, qu'il appelle « l'amourpratique ».
Cela consiste à aimer les autres hommes : il ne faut pas confondrecet amour avec un devoir à accomplir, car comme le montre Kant, tout devoirest une contrainte, or on ne peut pas dire que ce que nous faisons par forcesoit de l'amour.
Ainsi, si on dit « Ru dois aimer ton prochain », cela ne signifiepas que ce soit un devoir à accomplir immédiatement, mais qu'i ; faut d'abordfaire du bien aux hommes, agir dans l'amour, imiter l'amour ; et ensuite lebienfait produira en nous l'amour du prochain.
L'amour pratique se distinguedonc de l'amour pathologique par le fait qu'il réside dans la volonté, principede l'action, et non pas dans le penchant, la sensibilité.
Conclusion :
Il semble donc possible de distinguer l'amour du désir, même si ces deuxnotions se rejoignent parfois.
Le désir se réduit à la possession d'un objet,tandis que l'amour, même s'il peut contenir cette dimension ne s'y réduit pas..
»
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