Désir et droit de nature de B. SPINOZA
Publié le 05/01/2020
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Qu'il soit engendré par la raison, c’est-à-dire par notre propre nature, ou par les causes extérieures, le désir est toujours le mouvement par lequel nous nous efforçons d'exercer et de déployer notre puissance d’agir, ce qui définit le droit naturel, et que l’instauration du droit dans la société ne saurait abolir.
Par droit de nature, donc, j’entends les lois mêmes ou règles de la Nature suivant lesquelles tout arrive, c’est-à-dire la puissance même de la nature. Par suite le droit naturel de la Nature entière et conséquemment de chaque individu s’étend jusqu’où va sa puissance, et donc tout ce que fait un homme suivant les lois de sa propre nature, il le fait en vertu d’un droit de nature souverain, et il a sur la nature autant de droit qu’il a de puissance.
Si donc la nature humaine était disposée de telle sorte que les hommes vécussent suivant les seules prescriptions de la raison, et si tout leur effort tendait à cela seulement, le droit de nature, aussi longtemps que l’on considérerait ce qui est propre au genre humain, serait déterminé par la seule puissance de la raison. Mais les hommes sont conduits plutôt par le désir aveugle que par la raison, et par suite la puissance naturelle des hommes, c’est-à-dire leur droit naturel, doit être défini non par la raison mais par tout appétit qui les détermine à agir et par lequel ils s’efforcent de se conserver. Je l’avoue à la vérité, ces désirs qui ne tirent pas leur origine de la raison, sont non pas tant des actions que des passions humaines. Mais comme il s’agit ici de la puissance universelle de la nature, qui est la même chose que le droit de nature, nous ne pouvons reconnaître en ce moment aucune différence entre les désirs que la raison engendre en nous, et ceux qui ont une autre origine : les uns et les autres en effet sont des effets de la nature et manifestent la force naturelle par où l’homme s’efforce de persévérer dans son être. Qu’il soit sage ou insensé, l’homme est toujours une partie de la nature, et tout ce par quoi il est déterminé à agir doit être rapporté à la puissance de la nature en tant qu’elle peut être définie par la nature de tel ou tel homme. Qu’il soit conduit par la raison ou par le seul désir, l’homme en effet ne fait rien qui ne soit conforme aux lois et aux règles de la nature, c’est-à-dire en vertu du droit de nature.
Baruch Spinoza, Traité politique, II, § 4-5 (inachevé), Éd. Flammarion, coll. « G.F. », trad. Ch. Appuhn, 1966, t. 4, pp. 16-17.
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POUR MIE.UX COMPRENDRE LE TEXTE
Le « droit de nature » ou « droit naturel », c'est-à-dire
ce que l'individu est en droit de faire dans le cadre des
règles de la nature pour agir et se conserver, est identifié à
la sphère d'exercice de sa « puissance » naturelle, autre
ment dit : tout ce qu'il est capable de faire (1.
1-7).
Qu'il soit raisonnable ou insensé, l'individu a le droit
naturel d'exercer au maximum sa puissance pour persévérer
dans son être, et cela par l'entremise du désir (1.
8-32) qui,
nous faisant nous « efforcer » vers une chose, nous la fait
juger bonne {texte 14).
Certains désirs sont engendrés par la raison tandis que
d'autres sont « aveugles » (1.
8-17) : les premiers sont des
actions, car ils découlent adéquatement de notre nature
propre ; les seconds sont des passions car ils dépendent
en définitive de l'action des causes extérieures sur nous
(1.
17-19).
L'homme étant une partie de la nature (1.
19-25),
il est sujet à l'influence d'autres puissances dont il ne
saisit pas toujours ni la force ni le sens.
Aussi la condition naturelle des hommes est-elle la servi
tude passionnelle.
Par le développement de la raison, le
désir se comprend comme essence de l'homme et
comme désir de connaissance afin de déployer sa propre
nature.
La société n'abolit pas le droit naturel, elle n'en est
que la continuation (1.
25-32), mais elle concourt à rendre le
désir conforme à la raison, donc à l'amener à sa vérité de
principe d'action et non de servitude..
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