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Descartes, Réponses aux sixièmes objections adressées aux Méditations Métaphysiques.

Publié le 18/03/2015

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descartes

Le bâton rompu

Quand on dit qu'un bâton paraît rompu dans l'eau à cause de la réfraction, c'est de

même que si l'on disait qu'il nous paraît d'une telle façon qu'un enfant jugerait de

là qu'il est rompu, et qui fait aussi que, selon les préjugés auxquels nous sommes

accoutumés dès notre enfance, nous jugeons la même chose. Mais je ne peux

demeurer d'accord de ce que l'on ajoute ensuite, à savoir, que cette erreur n'est

point corrigée par l'entendement, mais par le sens de l'attouchement: car bien que

ce sens nous fasse juger qu'un bâton est droit, et cela par cette façon de juger â

laquelle nous sommes accoutumés dès notre enfance, et qui par conséquent peut

être appelée sentiment, néanmoins cela ne suffit pas pour corriger l'erreur de la

vue, mais outre cela, il est besoin que nous ayons quelque raison qui nous enseigne

que nous devons en cette rencontre nous fier plutôt au jugement que nous faisons

ensuite de l'attouchement qu'à celui où semble nous porter le sens de la vue;

laquelle raison, n'ayant point été en nous dès notre enfance, ne peut être attribuée

aux sens, mais au seul entendement; et partant, dans cet exemple même, c'est

l'entendement seul qui corrige l'erreur des sens, et il est impossible d'en apporter

jamais aucun dans lequel l'erreur vienne pour s'être plus fié à l'opération de

l'esprit qu'à la perception des sens.

Descartes, Réponses aux sixièmes objections adressées

aux Méditations Métaphysiques.

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« 106 L'aventure des sens La rame n'est donc pas rompue : le mouvement qui la plonge et replonge sous la surface semble déjouer l'illusion première.

Un enfant se laisserait-il prendre à l'apparence dès lors qu'il la verrait se faire et se refaire à loisir ? Magie étrange des formes et des milieux, de l'air et des eaux.

La pluie tombée sur la campagne a ciselé les formes, dont les arêtes vives semblent dessiner un nouveau paysage.

L'arc­ en-ciel vient de sourdre dans la fraîcheur de la lumière.

Fusion et séparation des couleurs dessinent la courbe étrange qui unit le ciel et la terre.

Désert.

La vibration brûlante de l'air semble mêler les dunes et le ciel.

Surgissent alors dans le miroitement indistinct qui trouble l'horizon des villes célestes et des statues improbables, des arbres nus aux torsions étranges.

Mirages qui se décompo­ sent et se recomposent à mesure que changent le regard et l'angle de visée.

Magie des sables, quand la lumière se fait cap­ tive de la chaleur et s'échappe en rayons fous, réinventant le monde entre les couches d'air qui miroitent.

Expérience.

D'où viennent les phénomènes optiques du bâton rompu, de l'arc-en-ciel, des mirages? Les rayons lumineux traversent des milieux qui leur résistent plus ou moins.

Dans l'eau, ils progressent plus vite que dans l'air.

Dans le désert, ils donnent naissance à des formes de proportions et de reliefs insoup­ çonnés.

Snellius, puis Descartes, ont remarqué la déviation des rayons de lumière qui franchissent la ligne de séparation de deux milieux différents, comme l'air et l'eau.

Ils ont formulé la loi de réfraction, qui pose un rapport constant entre le sinus de l'angle d'incidence et celui de l'angle de réfraction.

Comment se déprendre de l'illusion ? Rousseau suggère qu'il est possible de faire varier les points de vue, activement, afin de préparer une réflexion distanciée.

Mais il met en évi­ dence que celle-ci est elle-même nécessaire pour inventer les dispositifs de cette variation : « ce bâton qui trempe à moitié dans l'eau est fixé dans une situation perpendiculaire.

Pour savoir s'il est brisé, comme il paraît, que de choses n'avons­ nous pas à faire avant de le tirer de l'eau ou avant d'y porter la main ! D'abord, nous tournons autour du bâton et nous voyons que la brisure tourne comme nous; c'est donc notre œil seul qui la change, et les regards ne remuent pas les corps.

Nous regardons bien à plomb sur le bout du bâton qui est hors de l'eau; alors le bâton n'est plus courbe, le bout voisin de. »

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