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Descartes, Méditations métaphysiques, sixième méditation

Publié le 11/04/2012

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«La nature m'enseigne aussi, par ces sentiments de douleur, de faim, de soif, etc., que je ne suis pas seulement logé dans mon corps, ainsi qu'un pilote en son navire, mais, outre cela, que je lui suis conjoint très étroitement, et tellement confondu et mêlé que je compose comme un seul tout avec lui. Car, si cela n'était, lorsque mon corps est blessé, je ne sentirais pas pour cela de la douleur, moi qui ne suis qu'une chose qui pense, mais j'apercevrais cette blessure par le seul entendement, comme un pilote aperçoit par la vue si quelque chose se rompt dans son vaisseau; et lorsque mon corps a besoin de boire ou de manger, je connaîtrais simplement cela même, sans en être averti par des sentiments confus de faun et de soif. Car en effet tous ces sentiments de faim, de soif, de douleur, etc., ne sont autre chose que de certaines façons confuses de penser, qui proviennent et dépendent de l'union et comme du mélange de l'esprit avec le corps.«

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« Développement Première partie : analyse du sujet En envisageant, de façon problématisée, un e telle analogie (Méditations métaphysiques, VI), Descartes esquisse l'analyse du difficile problème du statut du corps dans l'activité humaine.

Tout d'abord, quel peut être le sens de l'analogie proposée? Énoncée en première personne, la comparaison porte sur le JE, qui, en tant que pronom personnel, peut être entendu à la fois comme sujet au sens grammatical (donc celui qui fait l 'act ion) et colTITfie personne se comprenant elle-même dans son identité irréductible.

La conscience de soi sous-jacente à cette affirmation en première personne, lorsqu 'elle fait l'objet d'une intuition séparée, distincte des perceptions diverses de l'expérience sensible, est appelée par certains philosophes (Leibniz, et Kant, Critique de la raison pure) « aperception ».

Mais que nous révèle cette aperception du sujet en tant qu'il se distingue du corps? Le pilote ne se confond pas avec son navire, qu'il saisit comme un objet « exté­ rieur», même s'il forme avec lui un tout fonctionnel.

L'analogie proposée fait donc du rapport du «je » au corps une relation d'extériorité (l'identité personnelle du «je » saisit le corps comme un lieu où elle se trouve installée).

Mais l'analogie suggère aussi le caractère indissociable des deux termes : un pilote, ce n'est pas un homme quelconque, mais un homme identifié à sa fonction (conduire un navire ).

En ce sens, le pilote n'a de raison d'être et même d'existence réelle que pour son navire, et par lui.

De même, le navire en question, livré à lui-même, n'a urait aucune utilité, et dériverait au gré des flots, sans pouvoir atteindre une destination précise.

Telles sont les déterminations essentielles suggérées par l'analogie.

Jusqu'à quel point celle-ci est-elle éclairante? Quelles en sont les limites, voire les inadéquations? L'enjeu de la question est décisif pour la réflexion philosophique, notamment en raison de ses implications éthiques.

Les philosophes grecs s'interrogeaient sur les troubles qui affectent l 'homme et la meilleure façon de les maîtriser : Épicure, entre autres, et les stoïciens, se demandaient comment promouvoir la sérénité de l'âme, dans son rapport au corps.

Descartes, quant à lui, formulait la difficulté de concevoir à la fois l'union de l 'âm e et du corps et leur réelle distinction, éprouvée notamment dans la conscience réflexive.

À l'horizon de ce type de problème, la liberté humaine, entendue comme maîtrise de soi et autonomie de la volonté.

C'est en déployant, dans un premier temps, toutes les implications de l'analogie proposée qu'on pourra esquisser le type de rapport qu'elle suggère entre le corps et Je moi-sujet.

Dans w1 second temps, une mise à l'épreuve de cette conception sera envisagée à partir d'une réflexion sur ses présupposés éventuels.

Deuxième partie: quelles sont les implications de l'analogie proposée? Dans le tout fonctionnel que forment le pilote et son navire, c'est bien le premier qui commande au second.

Entre les mains du pilote, le gouvernail. »

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