DESCARTES: L'esprit peut connaître tout ce qui se présente à lui.
Publié le 16/04/2005
Extrait du document

Le problème abordé : comment penser la diversification des sciences, et la démarche de l'homme de science lui-même ? La thèse défendue : l'unité de la démarche scientifique renvoie à celle de l'esprit comme condition de possibilité et origine de la connaissance. La thèse critiquée par Descartes : la distinction des objets respectifs des différentes sciences implique, à l'instar des arts et des métiers, une spécialisation exclusive, condition d'efficacité. La problématique : il s'agit de statuer sur la diversité de fait des domaines d'étude scientifique, et d'en interpréter la signification sans mettre en cause l'unité fondamentale de la connaissance. Le texte ne dit pas comment et à quel niveau peuvent se concilier unité et diversité, mais il récuse le parallélisme fréquent entre la spécialisation nécessaire des arts (métiers, techniques) et la différenciation des sciences. Implicitement, c'est l'unité même de la réalité étudiée (saisie comme un tout) qui est posée.

«
seront respectées les exigences de rigueur requises dans une telle entreprise et une « ouverture » à ladiversité des objets étudiés, afin de mieux spécifier l'application de la méthode, ce qui en déterminera lafécondité.
Il ne s'agit donc pas de nier une telle diversité, mais de la situer à son niveau réel et d'en tirer lesconséquences dans le cadre d'une problématique affirmant l'unité profonde de la démarche scientifique (cf.sur tous ces thèmes le texte de Descartes, Règles pour la direction de l'esprit, Éd.
Vrin).Rétrospectivement, à partir de l'extraordinaire diversification des sciences dont Descartes lui-même n'a vuque le début, certains ont effectué la critique de l'entreprise cartésienne, et ce, de plusieurs points de vue.• D'abord, en soulignant les présupposés philosophiques de la conception de Descartes (unité du réel, unitéde la connaissance renvoyant elle-même à la nature de l'esprit ; postulat de l'universalité de l'explicationmécaniste, etc.).• Ensuite, en mettant en cause le type d'articulation que propose Descartes entre les principes de ladémarche scientifique et les concepts que ceux-ci produisent dans les différents domaines d'étude propresaux diverses sciences.
Une mise à l'épreuve de la conception cartésienne ne peut cependant être effectuéequ'à partir d'une explicitation plus poussée.
On rappellera à cet effet le rôle que Descartes attribue àl'expérience (étudiée selon des exigences de spécificité) dans la production des connaissances : s'il faut eneffet « trouver en général les principes ou premières causes de tout ce qui est ou qui peut être dans lemonde » (Discours de la méthode, sixième partie), il n'en est pas moins nécessaire de mettre à l'épreuve leshypothèses dans une démarche qui permette de passer de la simplicité des généralités mathématiques à lacomplexité des cas concrets.
C'est à ce moment, semble-t-il, que s'articule sur l'unité des principes ladiversité des pratiques scientifiques.
La question est de savoir, notamment à partir des discussions del'épistémologie moderne, si l'autonomisation des sciences et de leurs méthodes propresn'a pas conduit à une crise, voire à un éclatement, de l'unité des principes auxquels on se réfère ici.Comment interpréter, notamment, l'existence de déterminismes régionaux (cf.
Bachelard) et la mise encause, par la physique moderne (cf.
Einstein, Heisenberg), de certains principes traditionnels de l'explicationscientifique (cf.
par exemple le statut du déterminisme, l'introduction de la notion d'incertitude, larelativisation des repères spatio-temporels, etc.) ? Les malentendus sur la notion de principes ont souventété en cause dans de telles discussions.
Ce qui semble préservé, en tout cas, c'est la nécessité d'uneréflexion philosophique sur les fondements des sciences (statut et validité de leurs principes).En récusant, sur un plan épistémologique, le thème cartésien de la mathesis universalis, c'est-à-dire lestatut accordé par Descartes aux mathématiques dans l'explication du réel, Koyré (Études galiléennes, Éd.Hermann) a même pu montrer que la « mathématisation » abusive de la physique a conduit Descartes àcertaines « méprises » et, notamment, a fait qu'il n'a pu formuler correctement la loi de la chute des corps(que l'on doit à Galilée) ; le même ouvrage signale cependant que la conception mentionnée a permis àDescartes de livrer une première formulation de la loi d'inertie, ce qui appelle un jugement nuancé sur le bilanscientifique de la problématique cartésienne (cf aussi la tentative cartésienne de produire une physiologiemécaniste dans le Traité de l'homme et une psychophysiologie du même type dans le Traité des passions del'âme).L'intérêt du texte pourra aussi être apprécié sur le plan du rapport entre science et culture : outre lafécondité « interne » de tel ou tel point de vue scientifique (dans l'explication des lois d'un domaine définilui-même pensé comme partie d'un grand tout) se trouve mis en jeu le statut de la connaissance dansl'exercice courant du jugement : l'ouverture à l'ensemble des champs du savoir (qu'il ne faut pas confondreavec l'érudition encyclopédique) doit marquer l'entreprise philosophique elle-même.
Celle-ci, en effet, vise lamaîtrise du jugement et des connaissances ; elle appelle donc un effort pour statuer sur la fonction de cesconnaissances dans leur rapport virtuel ou réel avec la pratique humaine et les fins propres de la raison (cfaussi sur ce point Kant, Critique de la raison pure).
L'intérêt philosophique du texte (éclairage différentiel ; quelques références utiles pour une approchecomparative)
Il serait trop long de développer ici toutes les implications philosophiques du texte, notamment au niveau desréférences permettant d'aborder les deux thèmes majeurs qui constituent son « horizon »• les arts (techniques, métiers) et la science ;• la science et les sciences (les sciences et la connaissance).La philosophie grecque comporte, sur les thèmes mentionnés, des analyses tout à fait éclairantes(généralement solidaires de problématiques philosophiques spécifiques).
On peut citer, entre autres,quelques passages célèbres :
Platon :
• Sur le statut des différents « arts » (= techniques, savoir-faire appropriés) à la fois par rapport auxpratiques empiriques routinières et par rapport à la connaissance.On lira le célèbre extrait de l'Apologie de Socrate, où artisans, orateurs et hommes politiques apparaissentmunis d'un savoir-faire empirique(recettes) sans réflexivité propre.
Dans le Gorgias Platon précise d'ailleurs que l'habitude et la routine nepeuvent à elles seules définir une véritable technique (technè : « savoir-faire approprié et conscient de soi»).
Les techniques elles-mêmes, dans leur plein sens, impliquent semble-t-il un véritable savoir (epistemè)dans la mesure où elles se constituent comme pratiques fondées sur une compétence, systématisations.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Descartes écrit : « L'esprit est plus aisé à connaître que le corps ». Qu'en pensez-vous ?
- J'appelle vices des maladies de l'âme, qui ne sont point si aisées à connaître que les maladies du corps, parce que nous faisons assez souvent l'expérience d'une parfaite santé du corps, mais jamais de l'esprit. [ Cogitationes privatae ] Descartes, René. Commentez cette citation.
- Il n'y a rien qui me soit plus facile à connaître que mon esprit... Descartes. Commentez cette citation.
- RÈGLES POUR LA DIRECTION DE L’ESPRIT de René Descartes. Résumé et analyse
- RÈGLES POUR LA DIRECTION DE L’ESPRIT, René Descartes (résumé)