Devoir de Philosophie

DESCARTES: Il est des devoirs qui ne découlent pas du droit d'autrui

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

descartes
Il est des devoirs qui ne découlent pas du droit d'autrui, par exemple le devoir de bienfaisance. Le malheureux n'a, pour ce qui est de lui, de droits sur ma bourse que dans la mesure où il suppose que c'est moi qui me ferais un devoir d'assister les malheureux; quant à moi, mon devoir ne se fonde pas sur son droit : son droit à la vie, à la santé, etc., ne concerne pas des individus mais l'humanité en général (le droit de l'enfant à la vie concerne les parents) et ce droit impose à l'État, ou tout simplement à ses proches, et non à l'individu, le devoir de l'entretenir. (Quand on prétend demander à quelqu'un d'aider à lui seul un pauvre, il répond souvent par une échappatoire : il ne sait pourquoi ce serait lui, un autre le pourrait tout aussi bien que lui. Il y consent plus volontiers sous forme de contribution partagée avec d'autres, d'une part, naturellement, parce que ainsi il n'a pas à supporter la totalité de la dépense, mais, d'autre part, parce qu'il sent bien que ce devoir n'incombe pas à lui seulement, mais également aux autres.) C'est en ma qualité de membre de l'État que le pauvre doit exiger de moi l'aumône comme un droit, mais ici il formule son exigence de manière immédiate alors qu'il devrait le faire par l'intermédiaire de l'État. DESCARTES
descartes

« Même si le pauvre n'a aucun droit sur moi, et si je n'ai pas de devoir particulier à son égard, tout geste debienfaisance individuelle est-il pour autant condamné ? Hegel n'écrit rien de tel.

Toutefois, à la lumière du texte, onpeut comprendre les limites de la générosité privée.

Si le pauvre n'a aucun droit sur moi, c'est donc librement que jelui viens en aide.

Autant dire que pour sa vie et sa mort, il dépend du bon vouloir de ceux qui l'assistent.

Nousvoyons que l'aumône asservit les individus les uns aux autres.

C'est encore plus flagrant quand un riche fait vivreses « pauvres » : quand la vie d'un homme dépend du bon plaisir d'un autre, qu'y a-t-il sinon de l'esclavage?Si le don est gratuit, ne répondant à aucun devoir, je dépends du bon vouloir d'autrui.

Je ne veux donc reconquérirl'indépendance que je perds qu'en faisant à mon tour un don à celui qui m'a donné.

Ainsi, dans le don, je ne suis passeulement tributaire de la volonté d'autrui, mais je suis placé en position d'infériorité : je suis redevable, « obligé ».Or, précisément, le pauvre n'a pas les moyens de s'acquitter de sa dette.

Il ne peut s'en acquitter qu'en vouant unereconnaissance éternelle à son bienfaiteur, par quoi il accentue encore sa dépendance.

Nous découvrons donc àquel point l'exercice de la bienfaisance est délicat.

Elle risque toujours d'être humiliante ; elle doit se cacher : on faitpasser le geste gratuit pour un dû ou pour un service anodin — « que ta main gauche ignore ce que fait ta maindroite », dit l'Évangile au sujet de l'aumône (Évangile selon saint Matthieu, VI, 3-4). 2.

L'État libère de cette dépendance.Cette dépendance d'individu à individu disparaît quand l'État s'occupe d'assister les pauvres.

Non seulement lebienfaiteur est libéré des sollicitations du pauvre, mais le pauvre est libéré de l'emprise de son bienfaiteur.

D'abord,parce qu'il n'est plus asservi à une ou plusieurs personnes particulières.

Ensuite parce que ce qui à l'échelle privéeétait un geste de générosité, devient, au niveau de l'État, un acte de justice.

Pour Hegel, l'assistance des pauvrespar l'État n'est pas un acte apparenté à la générosité d'un individu.

Il s'agit d'un devoir qui répond au droit despauvres à l'existence.D'une manière générale, nous comprenons que l'instauration d'un État substitue à l'arbitraire des relationsindividuelles des rapports réglés sur le droit et la justice.

Ainsi, à la vengeance de celui qui veut régler ses comptespersonnellement, la médiation des institutions (force de l'ordre, tribunaux, prison...) substitue des rapports dejustice.

De même, cette autre forme d'arbitraire qu'est la largesse est remplacée par des rapports fixés par le droit. 3.

L'État doit lutter contre les mécanismes qui engendrent la pauvreté.— Loin de minimiser le rôle de l'État, on doit plutôt l'accroître.

Le rôle de la communauté politique n'est passeulement d'assister les pauvres, mais de lutter contre les facteurs qui entraînent cette pauvreté.

Le problèmedépasse la seule sphère du droit, pour devenir économique et politique.

Aucun geste de charité ne compensera lescandale constitué par l'inégalité des conditions.

L'assistance n'est jamais mieux qu'un pis-aller.

Le vrai traitementde la question doit s'attaquer aux racines du mal.— On rapprochera cela de la critique marxiste de l'État bourgeois.

La liberté est certes affirmée, mais elle resteformelle sans une transformation des conditions matérielles qui engendrent la servitude.

Si l'État se fait paternalistepour secourir les pauvres, ce n'est que pour maintenir l'ordre nécessaire à la bonne marche du système.

L'Étatbourgeois, loin de vouloir lutter contre les mécanismes de la pauvreté, est l'appui idéologique et musclé ducapitalisme.

Tant que l'État est asservi aux intérêts d'une classe particulière, la liberté et l'universalité (l'État estsensé représenter l'intérêt commun) dont il se fait le champion ne sont que des leurres. II.

La prise en charge de la question de la pauvreté n'interdit pas d'autres types de solidarité. 1.

D'autres formes de solidarité.S'il y a une responsabilité collective à l'égard de la pauvreté, pourquoi incombe-t-elle prioritairement à l'État et nonà la famille, ou à un groupe social soudé? Le parent vient en aide au parent, le villageois au villageois.

Chaqueindividu a pleinement conscience de son appartenance au groupe.

Il n'existe que par le groupe.

Aussi ne jouit-il pasen propre de ses biens, mais il est amené à les partager avec ceux de son groupe.On opposera le caractère « concret » de cette assistance à une aide impersonnelle organisée par uneadministration.

On décrira alors l'avènement de l'État comme le signe d'une dislocation du réseau des liens danslequel l'individu est inséré.

Ainsi, le problème de la pauvreté ne se pose pas tant que le pauvre a sa place assuréedans la société, tant qu'il n'est pas exclu des liens qui forment le tissu social.

C'est seulement quand les individusont été projetés loin les uns des autres, arrachés au sol communautaire qui les portait, que l'État impersonnel doitprendre en charge les pauvres. 2.

Insuffisance de ces solidarités.La solidarité liée à l'appartenance à une communauté de la terre ou du sang risque en effet d'être porteused'exclusion.

Là où la cohésion du groupe ne se fait qu'au nom d'une particularité, d'une différence, elle implique,comme contrepartie, l'exclusion de l'étranger, de l'autre.

L'État à cet égard représente une unité supérieure aux liens« naturels », car c'est une loi, une constitution politique, un droit « universel » (même si l'État n'est toujours qu'unÉtat parmi d'autres) qui assurent cette unité.

La loi est universelle, car elle s'applique à tous et peut être reconnuepar tous.

Elle ne fait pas acception de personne et vaut quelles que soient la religion, la nationalité, l'origine, ducitoyen.

C'est seulement avec la notion d'État que l'assistance n'est pas sélective, mais que tout homme, commetel, a droit d'être assisté par autrui.

L'État, à la différence des liens qui unissent les hommes dans une communautésoudée, introduit entre les citoyens des rapports libres et universels : libres en ce que l'individu est affirmé dans sesdroits par rapport au groupe ; universels car le devoir de chaque citoyen s'étend à l'égard de tous les autres, pardelà les solidarités spontanées.De plus, on ne pourrait se passer de l'État que dans une société où l'intégration sociale serait forte, où le liencommunautaire tiendrait en bride les intérêts privés.

Là où ce n'est plus le cas, les rapports entre les hommes sont. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles