Démocratie: conception politique et/ou morale ?
Publié le 22/03/2004
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Discussion.
Vous pouvez alors vous demander si, lorsqu'on dit que la démocratie est aussi et surtout une conception morale, onraisonne sur la démocratie définie théoriquement, ou sur la démocratie telle qu'elle est diversement — et toujoursincomplètement — réalisée dans le monde.
Nous essaierons de raisonner d'abord théoriquement, en notant à mesureles divergences qui peuvent exister entre la théorie et l'application.
1° Demandons-nous d'abord ce que serait une conception strictement politique de la démocratie.a) L'État, avons-nous dit, légifère; le gouvernement est l'organe de ce pouvoir législateur.
Or, par définition, une loiest un commandement valable pour tous indistinctement; elle s'applique non à des individus particuliers mais à dessituations, à « quiconque » a commis tel acte ou se trouve dans telle situation.
Autrement dit, tous les citoyenssont égaux devant la loi; cela n'est donc pas vrai simplement de la démocratie, mais l'est de tous les régimespolitiques.
b) Nous n'avons considéré jusqu'ici que la forme des lois, mais quel est leur contenu, autrement dit leur fin ? Elles nepeuvent pas ne pas prendre pour fin, en toute circonstance, le respect de la personne humaine.
Pourquoi ? Parcequ'on ne gouverne pas des hommes comme on administre des choses.
L'éducation des enfants ne se pratique pascomme l'élevage des bestiaux.
« Prendre toujours l'humanité pour fin », n'est-ce pas, chez KANT, une des formulesdu principe suprême de la moralité ? L'ordre politique rencontre ici l'ordre moral, nous aurons à nous en souvenir.
Entout cas, ce que nous considérons là concerne encore l'État en général et non la démocratie en particulier.
Ortraiter un homme comme une personne et non comme une chose, c'est reconnaître sa qualité d'être pensant etlibre.
c) Que reste-t-il alors pour caractériser la démocratie? C'est, dit-on, le gouvernement du peuple par le peuple etpour le peuple, le gouvernement de tous par tous.
Telle était notre définition initiale.
Il s'agit donc alors de comparercette forme de gouvernement aux autres qui sont, pour simplifier: le gouvernement par un seul individu, d'essencesupérieure, que l'on tient pour envoyé par Dieu, ou inspiré de Dieu, ou élevé au-dessus du commun des mortels parsa perfection; et le gouvernement par une classe, la classe de ceux qui, par leur naissance (ou par leur fortune)sont « les meilleurs ».
En théorie, on pourrait penser que tous les régimes se valent: en théorie, entendons par là :à condition que le monarque, ou le dictateur, ou le législateur soit parfaitement juste, ou que la classe des meilleursétablisse bien les lois les meilleures, ou que la somme des volontés individuelles exprime infailliblement ce qu'onappelle la « volonté générale ».
Ce qui fait qu'aujourd'hui les gouvernements monarchique ou aristocratique sont àpeu près unanimement condamnés, c'est peut-être au nom d'un principe d'égalité, parce qu'on exige à la fois laliberté devant la loi, qui est la condition de tout État digne de ce nom, et la liberté dans l'exercice dugouvernement, qui est le propre du régime démocratique ; c'est peut-être aussi parce qu'on pense auximperfections inévitables de toute législation, à la nécessité de « contrôler » ceux qui disposent du pouvoir, car,comme le dit Rousseau, il faut prendre les hommes « tels qu'ils sont » ; et la démocratie serait le régime quipermettrait le mieux ce contrôle.
En tout cas, il ne s'agit plus là de la théorie, mais de l'application.C'est donc au point de vue de l'application qu'il faut se placer pour apprécier comparativement les différents régimespolitiques.
Beaucoup de penseurs l'ont fait, vous le savez, et ils n'ont pas tous conclu de même façon.
A vous defaire, par vos propres moyens, cette comparaison.
2° Cherchons maintenant en quoi la démocratie peut être une conception morale.
Que faut-il entendre par là ?Plusieurs choses, semble-t-il.
a) On peut se demander si les principes qui définissent la démocratie sont conformes à la morale.
En théorie, tousles régimes se proposent les mêmes fins : assurer l'égalité, sauvegarder la liberté de chacun « dans la mesure où ellene nuit pas à celle des autres ».
Mais en fait l'égalité apparaît comme compromise dans les régimes où legouvernement est aux mains d'un seul, ou aux mains d'un petit nombre.
Et la liberté semble inégalement répartie.
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