DE L'ACTIVITE ET DE SES DIVERS CARACTÈRES. — DE L'ACTIVITÉ VOLONTAIRE ET LIBRE. — DÉCRIRE LE PHÉNOMÈNE DE LA VOLONTÉ ET TOUTES SES CIRCONSTANCES.

« 7.

Nous agissons aussi ou nous faisons effort sur nos sentiments, et c'est par là que nos sentiments ne sont pasdes modifications purement passives, mais que nous les excitons ou que nous les réprimons, et que notre sensibilitémorale est en partie notre ouvrage.8.

Enfin l'activité agit ou fait effort sur elle-même en retenant ou en redoublant son mouvement naturel.

Cet empirede l'activité sur elle-même, qui est son triomphe, se nomme volonté.9.

Mais la volonté n'est pas l'état primitif de l'activité.

L'activité est une force, une cause qui se développe d'abordspontanément et qui produit les effets qui lui sont propres sans aucune délibération, comme le vent, comme le feu,comme la puissance vitale.10.

L'activité considérée dans cet état primitif s'appelle spontanée.

C'est à l'activité spontanée que sont dus nospremiers mouvements et, non pas nos premières idées, mais les actes d'attention nécessaires pour les acquérir.

Plustard, lors même que la volonté s'est formée, l'activité spontanée conserve encore la plus grande part dans lesdiverses volitions que nous produisons.11.

On applique quelquefois à l'activité spontanée l'épithète de libre.

Cette épithète ainsi appliquée signifie que notreactivité est cause de nos volitions, et qu'elle les produit par sa propre énergie.

Mais ce sens du mot libre n'est pasle sens consacré par l'usage.

Il en est de même du mot liberté pris comme synonyme d'activité spontanée.12.

L'époque où notre activité est purement spontanée et celle où elle devient volonté, sont séparées parl'apparition des premières idées et la formation de l'intelligence. III.

De l'Activité volontaire et libre. 1.

Les efforts produits par notre activité sur les organes, sur les idées ou sur les sentiments, sont instinctifs dans leprincipe, c'est-à-dire qu'ils ne sont point produits en vertu d'une résolution prise.

En effet, nous ne connaissons lepouvoir que nous avons d'agir et d'être cause qu'après avoir instinctivement fait des efforts soit pour agir, soit pourvaincre une résistance.

Une fois que nous avons, pour ainsi dire, le secret de notre force, nous en usons avecréflexion; il y a volonté, ou activité volontaire.2.

On peut donc dire que l'activité est instinctive dans l'origine; elle se manifeste alors par des efforts irréfléchis.Ensuite elle devient volontaire et se manifeste par des résolutions suivies d'efforts réfléchis.

La volonté n'est doncqu'un état particulier de l'activité, c'est l'activité se déterminant après délibération.3.

Or, pour vouloir, il faut souvent faire violence aux instincts.

Toutes les fois que je prends la résolution de ne pasproduire un acte que l'activité purement instinctive aurait produit, ou d'en produire un que l'activité purementinstinctive n'aurait pas produit, il y a, dans cette résolution ainsi prise, et dans les efforts qui la suivent, une luttedont le résultat est d'affranchir ma volonté des instincts aveugles.

On voit que les volontés sont ainsi plus ou moinsasservies ou plus ou moins indépendantes; cet asservissement et cette indépendance sont, à des degrés divers, enraison de l'énergie plus ou moins grande que nous déployons dans ces luttes.

L'homme complètement dégradé, lesage dont toutes les actions sont dirigées par un motif moral, sont aux deux extrémités de cette progression danslaquelle chacun de nous occupe une place intermédiaire.4.

Cette indépendance ou affranchissement de notre volonté se nomme liberté morale.

On voit que la liberté moraleest diverse dans les divers individus; elle est nulle dans les enfants, les idiots, les hommes absolument soumis àleurs passions; elle ne serait complète que dans le sage parfait, qui ne se trouve nulle part.5.

Les trois mots activité, volonté, liberté, ont donc, d'après l'exposé précédent, trois sens différents qui nedésignent d'ailleurs que trois aspects d'une seule et même faculté.6.

L'activité, c'est en général le pouvoir d'être cause.

Son caractère fondamental est la personnalité.

Ses troiscaractères accessoires et successifs sont d'être instinctive, volontaire et libre.7.

L'activité volontaire, ou la volonté, c'est l'activité se dirigeant elle-même.8.

Enfin, l'activité volontaire et libre, ou la liberté, c'est l'état progressif de la volonté s'affranchissant des motifsinstinctifs.9.

Ces trois mots sont du reste dans le langage vulgaire employés fréquemment l'un pour l'autre.

Il suffit de se bienrendre compte des trois états de l'activité; après cela peu importent les mots. IV.

Décrire le phénomène de la Volonté et toutes ses circonstances. 1.

En appelant comme précédemment activité le poil-voir d'être cause, et activité volontaire ou volonté le pouvoird'agir avec réflexion, le pouvoir de se résoudre, on voit que l'activité et la volonté ne sont pas deux pouvoirsdifférents.

Le second n'est que le premier se possédant lui-même.

La résolution est le produit de la volonté.

Or cefait se présente escorté de plusieurs circonstances qui doivent être énumérées.2.

Prendre une résolution, c'est choisir entre plusieurs partis.

Chacun de ces partis sollicitant la volonté de quelquemanière, il est souvent nécessaire d'examiner quel est celui qui a le plus de droit à l'emporter sur les autres; cetexamen préalable se nomme délibération.

Pour délibérer, il faut retenir momentanément son action : c'est ce qu'onnomme se posséder.

Se posséder,' délibérer, ces deux faits précèdent donc souvent et à divers degrés le fait de serésoudre.

Enfin la résolution , une fois prise, doit être suivie de l'exécution, ce qui constitue un quatrième et dernierélément clans le phénomène complexe de la volonté.3.

Or, il y a volonté dans le fait de se posséder, il y a encore volonté dans le fait de se résoudre; mais ladélibération étant une oeuvre de l'intelligence, n'appartient pas proprement à la volonté.

Je puis cesser de délibérer,reprendre la délibération; mais ce sont là autant de volitions qui sont indépendantes de la délibération elle-même.Quant au quatrième fait, il est le plus fatal des quatre, bien qu'au premier coup d'oeil il semble être le produit direct. »