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De la transpassibilité, Henri Maldiney

Publié le 07/05/2014

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               L’un des projets fondamentaux d’Henri Maldiney dans son œuvre a été d’analyser la façon qu’a l’être-homme d’être présent au monde et à l’autre. Ainsi, le monde n’est pas « en face « de nous, mais ce par quoi on accède à nous-mêmes et à l’autre. Henri Maldiney s’est en cela souvent confronté à la pensée de Martin Heidegger -pour qui l’ouverture du dasein se pense comme souci- et à sa réinterprétation anthropo-psychiatrique par Ludwig Binswanger –souvent critiqué pour avoir mésinterprété Heidegger.

               Le passage que nous allons étudier est extrait d’un article intitulé « De la transpassibilité «, tiré de l’ouvrage de Maldiney Penser l’homme et la folie (première édition en 1991, mais nous travaillerons à partir de l’édition de 2007). L’auteur y étudie une capacité propre à l’être-homme, qu’il a lui-même nommée « transpassibilité «. Mais qu’est-ce que la « transpassibilité « ? Quel rapport l’homme non-malade entretient-il au monde ? Qu’est-ce qui fait défaut dans la psychose ? Tout au long de notre analyse, nous tenterons d’explorer les réponses que l’auteur aura pu apporter à ces questions. C’est en effet en étudiant l’attitude du normopathe que Maldiney va pouvoir mettre au jour ce qui fait défaut dans la psychose. C’est par l’analyse du mode d’ouverture au monde qu’Henri Maldiney va pouvoir comprendre le mode d’être du malade et du non-malade.

 

               Dans un premier temps (lignes 1 à 12), l’auteur étudie ce qui constitue la transpassibilité de l’être-homme. Cela l’amène ensuite à explorer tout ce qu’un défaut de transpassibilité implique chez l’individu psychotique (lignes 13 à 25). On retrouve ainsi dans ce passage la volonté de Maldiney de penser à partir du « normopathe « pour comprendre le malade. La maladie mentale se présente ainsi comme une possibilité de l’être-homme.

« L’évènement est par conséquent atypique, on ne peut pas le ramener à une certaine catégorie d’un autre déjà rencontré.

Ainsi, l’évènement suscite nécessairement la surprise, car on ne peut pas s’y attendre, rien ne le présage.

La transpassibilité (ligne 2), est un terme propre à Henri Maldiney.

Il l’utilise pour désigner la capacité humaine de pâtir de l’ imprévisible en s’y faisant réceptif.

La transpassibilité semble donc être à la fois ouvert ure à l’inattendu et accueil de l’ évènement.

Elle n’est limitée par aucun a priori .

Ainsi, la transpassibilité « exclut toute tentative de le [l’évènement] ramener à une expression déjà mienne » (ligne 3).

En effet, comme nous l’avons vu, la transpassibilité implique une ré ceptivité à l’imprévu , donc exclut toute attitude d’appropriation de l’évènement, qui, puisqu’il est « toujours autre », ne se laisse pas ramener à notre monde déjà existant, à notre « mienneté ».

Au contraire, mon rapport à l’évènement doit se faire sur le mode de la rencontre.

En m’ouvrant à l’évènement, en l’accueillant, je reçois quelque chose de lui : « mon propre visage » (ligne 5).

Cela peut paraitre étrange qu’en m’ouvrant à la rencontre avec l’évènement, donc avec quelque chose d’autre que moi - même , j’en reçoive finalement mon propre visage.

Cela s’explique parce que l’évènement, m’ouvre un autre monde , me permettant de me découvrir sous un autre horizon : en quelque sorte, dans mon rapport à l’évènement, je suis en rapport avec moi -même .

Cela m’app ellera, comme nous le verrons, à une certaine transformation.

Ma transpassibilité, ma capacité d’accueillir l’évènement « précède et ouvre l’appel » à la transformation (ligne 6) .

Cette phrase peut nous renvoyer à une formule employée plus avant dans le te xte par Maldiney : « L’accueil de l’évènement et l’avènement de l’existant sont un » (page 422, §3) .

Maldiney nous dit ensuite que puisque que la capacité d’accueillir vient d’une ouverture à la nouveauté qu’est l’évènement, alors une incapacité d’accuei llir s’explique par « une fermeture à l’évènement, au nouveau » (ligne 7).

En disant cela, Maldiney ouvre la possibilité d’une absence de transpassibilité : cette attitude d’ouverture à la nouveauté peut être absente, elle n’est pas pour toujours acquise t elle quelle.

En effet, l’homme peut s’ouvrir à la nouveau té sur le mode de la fermeture : le mode d’ouverture est un mode d’ouverture justement parce qu’il a la possibilité de se fermer.

Ainsi, la fermeture à la nouveauté et tout ce qu’elle implique fait p artie d’une des possibilités de l’être- homme.

L’auteur revient ensuite sur le fait que « le nouveau n’est pas destinal » (ligne 8) , et par « nouveau », Maldiney entend très certainement désigner l’évènement.

L ’homme est face au destin, il est en prise ave c « la puissance du monde objectif », comme le dit Schelling dans sa Dixième lettre sur le dogmatisme et le criticisme , cité par Henri Maldiney plus avant dans l’ouvrage (page 420).

L’être- homme, dans son rapport au destin, est donc dans un rapport de sujet à objet.

Seulement le nouveau qu’est l’évènement, lui, « surgit » de l’imprévisible, l’individu ne le découvre pas face à lui dans le monde .

C’est cela que veut probablement signif ier Maldiney quand il dit « Ce rien d’où l’évènement surgit, l’évènement l’exprime lui -même par son originarité ».

L’évènement est surgissement imprévisible, il est hors d’attente, il n’est pas massivement un là dans lequel je serais jeté.

L’homme subit l’ évènement, et en cela l’évènement est personnel car il suscite une certaine métamorphose de l’individu exposé à sa nouveauté.

Ainsi, la transpassibilité de l’existant (c’est -à -dire de l’être- homme, ligne 12) est constituée par l’ouverture à l’originaire de l’évènement, c’est- à-dire au rien d’où il provient, et non par l’ouverture à l’ « originel » (au sens de « déjà là », de « premier »), comme le précise l’auteur.

L’individu qui subit l’évènement accepte donc le fait d’exister à partir de rien, de se const ituer dans la rencontre avec l’évènement et le rien dont il provient.

Mais la transpassibilité est aussi une transformation suite à cette ouverture.

La transpassibilité est donc la capacité de s’ouvrir à la nouveauté, de l’accueillir et d’en pâtir pour se transformer.. »

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