De la justice divine à la justice humaine
Publié le 19/03/2020
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Malheureusement, la métaphore du don ne permet pas d'apprécier les parts du naturel et du non naturel dans la justice : tout au plus est-il permis de dire que selon « Protagoras », la justice est ce qu'il y a de moins originel, tout en restant d'origine divine. Dans d'autres contextes, sont plus radicalement opposés deux ordres de réalité, celui de la phusis (la nature), celui du nomos (la loi, la convention, la norme instituée). Ainsi des thèses énoncées par Antiphon, dont nous ne savons d'ailleurs pas s'il les fait siennes : « les prescriptions de la loi sont d'institution, alors que celles de la nature sont nécessaires ». Selon cette position, « la justice consiste à ne pas transgresser le loi de la cité où l'on exerce ses droits de citoyen », mais le déshonneur n'affecte que celui dont le délit ou le crime vient à être connu,
Ainsi, c'est évidemment une propriété de cette sorte qui appartient à l'injustice, une propriété telle que, en quelque sujet que soit née l'injustice, que ce soit un État, ou une famille, ou une armée, ou n'importe quoi d'autre, son premier effet est de produire en ce sujet une incapacité d'être, dans son activité, cohérent avec soi-même, en raison des dissensions, des contradictions ; de produire, en outre, une hostilité foncière aussi bien envers soi-même qu'envers son contraire tout entier, c'est-à-dire envers le juste ? n'en est-il pas ainsi ? — Hé ! absolument. — Et voici que, à mon sens, l'existence de l'injustice à l'intérieur de l'individu y produira tous ces effets, qu'il est précisément dans sa nature d'opérer : le premier sera de produire en lui une incapacité d'agir, du fait qu'il est en dissentiment et sans concorde avec lui-même ; ensuite une hostilité, tant envers lui-même qu'envers ceux qui sont justes. N'en est-il pas en effet ainsi1 ?
L'appropriation croît et se relâche. Ainsi, ceux qui dérivent la justice de l'appropriation, si d'un côté ils disent que l'appropriation à soi-même est égale à l'appropriation au dernier des Mysiens, en posant cela ils sauvent la justice ; mais d'un autre côté, on ne peut leur concéder cette égalité de l'appropriation. Elle va contre l'évidence et contre la conscience qu'on a de soi-même. Car l'appropriation à soi-même est naturelle et sans intervention de la raison, alors que l'appropriation aux voisins, bien que naturelle aussi, n'est certes pas indépendante de la raison1.

«
Le cosmos, les dieux, les hommes, la cité 7
élémentaire à un autre ne se fait pas n'importe comment, il doit impliquer
comme des règles, même si Anaximandre ne s'exprime pas en ces termes.
Comme il s'agit que se constituent des choses précises, cet
« illimité » doit
rencontrer certaines limites.
Nous sommes déjà dans une pensée de la
justice, car chez les hommes aussi, n'est-ce pas quand certaines règles sont
respectées que la justice règne
? Quand l'illimitation du désir de se procurer
des avantages, présent en chacun, rencontre un certain type de limite ?
On pourrait en particulier imaginer un élément, la terre ou le feu par
exemple, prenant en quelque sorte tout pour lui : ne causerait-il pas alors un
tort aux autres éléments en les empêchant de trouver leur place
? C'est ici
qu'Anaximandre fait intervenir la justice, disant des choses qu'elles
commettent les unes envers les autres des « injustices
», qu'elle « réparent»
ultérieurement (le passage en caractères italiques, en vers, est une citation).
Elles ne pourraient le faire si elles ne respectaient des règles cosmiques, et
si elles n'avaient rien de commun entre elles -pas de rapports de justice
sans quelque chose comme un fond commun, qu'Anaxagore appelle
« l'illimité
», et dont la nature est à préciser lorsqu'il s'agit des hommes.
Anaxagore semble avoir considéré aussi qu'il y a dans le tout dont les
parties changent, quelque chose d'invariable.
On peut hésiter sur le rôle de
la« nécessité» : peut-être doit-on comprendre que la justice s'apparente à la
nécessité (il est juste que ce qui doit arriver arrive, ou bien : ce qui est juste
arrive dans la nature nécessairement) ; peut-être doit-on comprendre à
l'inverse que la justice s'oppose à certaines évolutions nécessaires.
En
plaçant par ailleurs la terre
au centre du monde à égale distance des limites
de celui-ci
(Al 1 ; A26), Anaxagore semble avoir pensé qu'au sein du
monde règne un certain équilibre.
Ces notions, que nous trouvons employées par lui à propos de la réalité
cosmique, doivent d'une façon ou d'une autre se retrouver, précisées, et
avec d'autres, dans le discours par lequel on entreprend de penser la justice
entre les hommes.
Très ancienne est la notion d'une loi divine, réglant par la
nécessité, outre le reste de l'univers, la conduite humaine, ou entendant la
régler en constituant aux hommes des obligations.
Ainsi, selon Héraclite,
cet autre philosophe présocratique (fragment B 114),
Toutes les lois humaines se nourrissent
d'une seule loi, la loi
divine( ...
].
Cela dit, s'il existe originellement une loi divine ou naturelle, se pose la
question de savoir, pour paraphraser une question de Platon dans.
»
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