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David Hume, Traité de la nature humaine, II, 3e partie, section III. « Une passion est une existence primitive, ou, si vous le voulez, un mode primitif d'existence »

Publié le 04/04/2012

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«Une passion est une existence primitive, ou, si vous le voulez, un mode primitif d'existence et elle ne contient aucune qualité représentative qui en fasse une copie d'une autre existence ou d'un autre mode. Quand je suis en colère, je suis actuellement dominé par cette passion et, dans cette émotion, je n'ai pas plus de référence à un autre objet que lorsque je suis assoiffé, malade ou haut de plus de cinq
pieds. Il est donc impossible que cette passion puisse être combattue par la vérité et la raison ou qu'elle puisse les contredire ; car la contradiction consiste dans le désaccord des idées, considérées comme des copies, avec les objets qu'elles représentent.
Ce qui peut se présenter sur ce point, c'est que, puisque rien ne peut être contraire à la vérité ou à la raison sinon ce qui s'y rapporte et que seuls les jugements de notre entendement ont cette référence, il doit en résulter que les passions peuvent être contraires à la raison dans la seule mesure où elles s'accompagnent d'un jugement ou d’une opinion. Selon ce principe, qui est si évident et si naturel, c'est seulement en deux sens qu'une affection peut être appelée déraisonnable. D'abord, quand une passion telle que l'espoir ou la crainte, le chagrin ou la joie, le désespoir ou la sérénité, se fonde sur la supposition de l'existence d'objets qui effectivement n'existent pas. Deuxièmement, quand, pour éveiller une passion, nous choisissons des moyens pertinents pour obtenir la fin projetée et que nous nous trompons dans notre jugement sur les causes et les effets. Si une passion ne se fonde pas sur une fausse supposition et si elle ne choisit pas des moyens impropres à atteindre sa fin, l'entendement ne peut ni la justifier ni la condamner. Il n'est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde entier à une égratignure de mon doigt. Il n'est pas contraire à la raison que je choisisse de me ruiner complètement pour prévenir le moindre malaise d'un indien ou d'une personne complètement inconnue de moi. Il est aussi peu contraire à la raison de préférer à mon plus grand bien propre un bien reconnu moindre. Un bien banal peut, en raison de certaines circonstances, produire un désir supérieur à celui qui naît du plaisir le plus grand et le plus estimable ; et il n'y a rien de plus extraordinaire que de voir, en mécanique, un poids d'une livre en soulever un autre de cent livres grâce à l'avantage de sa situation. Bref, une passion doit s'accompagner de quelque faux jugement pour être déraisonnable ; même alors ce n'est pas la passion qui est déraisonnable, c'est le jugement. «
David Hume, Traité de la nature humaine, II, 3e partie, section III.

Alors que la philosophie morale traditionnelle est fondée sur une opposition conflictuelle entre la raison et la passion, Hume dénonce ce combat en démontrant qu'il n'a pas de sens car il ne peut jamais avoir lieu. Or, s'il ne peut avoir lieu, c’est grâce d'une part à la nature même de la passion et, d'autre part, à la fonction intellectuelle ou théorique de la raison. La conséquence de cette thèse sera de réfuter toute critique de la passion comme déraisonnable, puisque cette catégorie relève de la raison. Faut-il alors réhabiliter la passion en lui redonnant tous ses droits au détriment de la raison ?

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« Introduction Alors que la philosophie morale traditionnelle est fondée sur une opposition conflictuelle entre la raison et la passion, Hume d énonce ce combat en démontrant qu'il n'a pas de sens car il ne peut jamais avoir l ieu.

Or, s'il ne peut avoir lieu, c’est grâce d'une part à la nature même de la passion et, d'autre part, à la fonction intellectuelle ou théorique de la raison.

La conséq uence de cette thèse sera de réfuter toute critique de la passion comme déraisonnable, p uisque cette catégorie relève de la raison.

Faut-il alors réhabiliter la passion en lui redonnant tous ses droits au détriment de la raison ? I.

L'inanité d'un combat entre passion et raison a) De la passion comme « existence primitive » Hume définit la passion comme « une existence primi tive ».

La passion relève d'une expérience affective caractérisée par l'origi nalité et la totalité exclusive : elle est originaire et originale dans le sens où elle est un événement singulier qui existe d'elle-même et par elle-même en m'affectant sur « u n mode primitif », c'est-à-dire sur un mode non dérivé ou secondaire.

En ce sens, elle est un événement qui se produit en notre affectivité et non une représentation qui se produirait en notre esprit.

La passion est donc un fait absolu et complet en lui-m ême, qui n'est pas de l'ordre de la représentation.

« Elle ne contient aucune qualité r eprésentative », c'est-à-dire qu'en elle, il n'y a rien qui ne fasse référence à quelqu e chose d'extérieur à elle-même et que la passion rendrait présent.

Elle n'est pas une cop ie représentative de quelque chose, mais une expression de l'affectivité humaine.

Par l à, Hume affirme l'autonomie absolue de la passion dont il donne immédiatement u n exemple, celui de la colère.

La colère est un exemple privilégié car il rend specta culaire cette invasion de la passion dans un être qu'elle s'accapare tout entier.

Parce que la colère se vit et s'éprouve, elle relèv e du sentiment et non du jugement.

« Quand je suis en colère, je suis réelle ment possédé par cette passion», au point que mon être se confond avec elle.

Je suis ma colère, diraient aujourd'hui les philosophes de la phénoménologie.

Hume fait là une analyse moderne et phénoménologique de la passion à travers cet exempl e de la colère, exemple que Merleau-Ponty reprendra dans Phénoménologie de la perception : « je lis la colère dans le geste, le geste ne me fait pas penser à la colèr e, il est la colère elle-même » (II, 6).

Hume s'autorise à comparer cette passion à la sensa tion de soif, au fait de la maladie et à la taille de l'individu.

Cette comparaison est stratégique car elle permet de montrer de manière encore plus sensible que la pass ion ne se réfère à rien d'autre qu'à elle-même.

Comparable à la sensation de soif, la passion est de l'ordre du sentir et non du penser.

Comparable à une maladie, elle es t de l'ordre du vécu et du fait qui s'impose d'abord à moi, indépendamment de toute réf lexion.

Comparable à la taille, elle est une donnée irréductible de mon corps.

Hume inscrit sa définition dans une conception atom istique des faits affectifs qui se donnent à chaque fois sur le mode d'une tota lité achevée.

Cette définition de la passion est aux antipodes de la conception intellec tualiste qui y voit une « maladie de l'âme ».

La passion n'est pas définie négativement comme une perte ou une déroute de la raison, mais .positivement et absolument comm e « existence première » sans référence à la raison.

b) l'impossibilité d'un combat par la raison. »

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