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David HUME et la question de l'identité personnelle

Publié le 05/04/2005

Extrait du document

hume
Pour moi, quand je pénètre le plus intimement dans ce que j'appelle moi-même, je tombe toujours sur une perception particulière ou sur une autre, de chaleur, de froid, de lumière ou d'ombre, d'amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne parviens jamais, à aucun moment, à me saisir moi-même sans une perception et je ne peux jamais rien observer d'autre que la perception. Quand mes perceptions sont absentes pour quelque temps, quand je dors profondément, par exemple, je suis, pendant tout ce temps, sans conscience de moi-même et on peut dire à juste titre que je n'existe pas. Et si toutes mes perceptions étaient supprimées par la mort, si je ne pouvais plus penser, ni éprouver, ni voir, aimer ou haïr après la destruction de mon corps, je serais entièrement anéanti et je ne conçois pas du tout ce qu'il faudrait de plus pour faire de moi une parfaite non-entité. Si un homme, après une réflexion sérieuse et dénuée de préjugés, pense qu'il a une notion différente de lui-même, je dois avouer que je ne peux plus discuter avec lui. Tout ce que je peux lui concéder, c'est qu'il peut, tout autant que moi, avoir raison et que nous différons essentiellement sur ce point. II se peut qu'il perçoive quelque chose de simple et de continu qu'il appelle lui-même, encore que je sois certain qu'il n'y a pas un tel principe en moi. David HUME
Dans le cadre de cet extrait, Hume tente de caractériser l'expérience par laquelle je tente de me saisir, par laquelle je tente de saisir mon moi. Puis-je d'ailleurs le saisir en lui-même, épuré de toutes sensations, de toutes émotions? Lorsque je mène une introspection, m'est-il possible de rencontrer cette substance propre qu'est l'ipséité, cette essence même de ma subjectivité à son état pure?
La réponse de Hume est négatif, et cet extrait tente de justifier une telle position qui rentre en pleine opposition avec celle que, Descartes avant lui, tentait de défendre. En effet, ce texte peut être perçu comme une réponse empiriste au cogito innéiste cartésien, un cogito où le sujet fait précisément l'expérience de cette irréductible substance pensante qu'est le moi dans son plus pure état. Le moi, pour Hume, est toujours occupé à ressentir quelque chose, à penser quelque chose, de telle sorte que ces idées, ces sentiments, sont autant de barrages pour une saisie du moi dans son plus sincère éclat. 
 

hume

« I. donc conclure et tenir pour certain que cette proposition: je suis, j'existe, est nécessairement vraie chaque foisque je la prononce ou que je la conçois en mon esprit », il illustre par là sa stratégie susbtantialiste: il veut faire de la conscience que j'ai de moi-même l'expérience même de ma susbtance pensante ( res cogitan ).

Comment comprendre cela? Lorsque j'ai une idée, quelque soit son objet, qu'il s'agisse de quelque chose de bien réel ouencore d'une chimère, elle a quelque chose de commun avec toutes les autres idées que je peux avoir: sa forme .

En effet, il y a plein de pensées qui peuplent ma vie mentale, mais lorsque j'ai conscience de l'une d'elle, i-e que j'aiconscience qu'il s'agit d'une pensée en générale, je saisis alors sa forme, sa nature idéelle .

C'est parce que j'ai conscience d'une pensée que cette pensée est une idée car je saisis en elle sa forme idéelle, ce qu'elle a decommun avec toutes les autres idées.

Or, il se trouve que pour Descartes cette nature idéelle est porteuse d'uncontenu fondamental: cette matière dans laquelle se constitue chacune de mes pensées, cette matière métaphysique , c'est ma substance pensante.

Et en ce sens, chacune de mes idées n'est qu'une modification de cette substance pensante.

Je peux ainsi, selon Descartes, faire l'expérience de mon ipséité la plus pure tout simplement en ayant une perception immédiate et interne de chacune de mes pensées. Pour Hume, ce geste cartésien qui consiste à faire de la conscience de mes pensées l'expérience de ma sustancepensante est proprement illusoire.

Je ne peux me représenter une telle abstraction.

A chaque fois que je tente deme saisir comme moi, une perception ou une émotion vient s'interposer comme un voile entre ma recherche et monipséité.

Nous pourrions dire que Hume énonce en substance, et ce avant Husserl, que toute conscience estconscience de quelque chose.

Lorsque je me pense, je me pense entrain de penser à quelque chose, ou entrain de ressentir quelque chose.

Si l'on me demandait de me représenter mon moi dans son essence même, i-e sous uneforme épurée, susbtantielle, je n'y parviendrai pas.

Mon esprit est toujours pré-occupé, entendons par là qu'il esttoujours occupé à percevoir quelque chose lorsque je suis éveillé et que je tente de m'en saisir.

La réflexivité parlaquelle l'esprit fait retour sur lui, saisit toujours un esprit entrain de s'affairer dans le monde ou entrain d'éprouverquelque chose, au point que je ne puis même être certain qu'il existe bien un moi substantiel en deça de sesreprésentations ou des affections. « Quand mes perceptions...

raisonner longtemps avec lui »: conscience et existence II. Hume nous invite à présent à envisager la réciproque de son raisonnement.

Il nous disait dans un premier temps quela conscience de soi bute toujours sur un esprit en activité.

A présent, il précise que c'est précisément parce qu'il ya activité de l'esprit que nous avons conscience de nous-même en activité.

L'esprit ne peut se penser qu'enmouvement, et c'est parce qu'il y a ce mouvement qu'il y a conscience de soi.Qu'advient-il lorsque je m'endors? Jene perçois plus rien de l'extérieur, je suis dans une sorte d'autarcie psychique.

Et en même temps, je ne me perçoispas non plus moi-même.

Le sommeil équivaut à une petite mort pendant laquelle je m'oublie simplement.

Parce queje ne peux saisir que l'esprit qui perçoit quelque chose, cette cessation de la perception fait disparaître touteconscience de soi.

Or, avoir conscience de soi, c'est avoir conscience qu'on existe.

En effet, si nous n'avions pas laréflexion, nous serions hâpé par le présent, affairé tout entièrement à notre tâche.

Ainsi, la tique qui est en suspendsur sa tige et qui lache prise dès qu'elle ressent la présence de follicules sébacés propres aux mammifères, estentièrement vouée à sa tâche.

Et en ce sens, elle n'a pas conscience de son existence, elle se contente d'agirsimplement. La conscience de soi fait surgir un nouveau type de représentation: l'esprit fait de ses opérations un théâtre poursa propre vue: il devient alors à la fois sujet et objet.

Et dans ce retour sur lui-même, il a alors une vision de luientrain d'exister, entrain de s'occuper à sa tâche.

Nous pourrions ici faire la distinction entre être en vie et exister. La tique est en vie, en ce sens qu'elle n'a aucune conscience d'elle-même mais se contente de s'affairer pourrépondre à ses besoins.

A contrario , l'homme, parce qu'il se regarde entrain de regarder, parce que son esprit peut s'élever au carré, existe proprement, au sens où il a conscience de ses activités mentales, il a une représentationde lui-même entrain de former des représentations.

Mais le message de Hume, c'est de dire que cette conscience desoi vient précisément du fait que l'esprit est mise en branle par quelque chose.

Si je ne percevais rien, si je neressentais rien, je n'aurais alors conscience de rien, même pas de moi entrain d'exister.

En effet, je ne peux mereprésenter un esprit en soi comme chez Descartes.

Cette représentation est impossible parce qu'elle est vide,abstraite.

Saisissons ici la place de l'image dans la pensée humienne.

Celui-ci pense les idées comme dérivant toutesd'objets empiriques et constatables.

Or la pensée ne travail que par l'image.

Je ne peux me représenter le conceptde triangle: j' imagine toujours un triangle en particulier.

Pour Descartes, si l'imagination existe, elle ne recouvre pas toute l'activité cognitive.

Je peux ainsi très bien penser un chiliogone (figure géométrique à mille côtés) bien que je ne puisse me représenter une telle figure par image.

On peut comprendre en ce sens pourquoi une idée comme lasubstance pensante est envisageable pour le philosophe français, et non pour Hume qui instaure une placeprivilégière à l'image dans la cognition. Aussi, parce que c'est du corps que viennent les sens, et parce que l'esprit ne se sait toujours qu'entrain de sentir,la déstruction du corps, donc de l'activité sensorielle rime avec la mort de l'esprit.

Si le corps ne permet plus deressentir, et que l'esprit ne se sait qu'entrain de ressentir, on comprendra que la dissolution de l'un implique celle del'autre.

Si l'activité en mon esprit était réduite à néant, je ne me percevrais pas mieux, je ne metterais pas la mainsur mon ispéité statique et épurée, mais je sombrerai également dans le néant: en ce sens, on précisera que la mortde l'esprit, ou la mort du corps, c'est la mort de l'être tout court. Rien ne me prouve qu'en deça du ressenti se dissimule un quelconque sujet substantiel: l'empirisme de Hume, parcequ'il est radical, fait l'économie de la substance par une sorte de scepticisme.

Parce que Descartes est innéiste, les. »

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