David Hume, Enquête sur l’entendement humain
Publié le 31/01/2020
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David Hume, Enquête sur l’entendement humain
Ce qu’on n’a jamais vu, ce dont on n’a jamais entendu parler, on peut pourtant le concevoir; et il n’y a rien au-dessus du pouvoir de là pensée, sauf ce qui implique une absolue contradiction.
Mais, bien que notre pensée semble posséder cette liberté illimitée, nous trouve-rons, à l’examiner de plus près, qu’elle est réellement resserrée en de très étroites limites et que tout ce pouvoir créateur de l’esprit ne monte à rien de plus qu’à la fin de composer, d’accroître ou de diminuer les matériaux que nous apportent les sens et l’expérience. Quand nous pensons à une montagne d’or, nous joignons seulement deux idées compatibles, or et montagne, que nous connaissions auparavant. Nous pouvons concevoir un cheval vertueux; car le sentiment que nous avons de nous-mêmes nous’permet de concevoir la vertu; et nous pouvons unir celle-ci à la figure et à la forme d’un cheval, animal qui nous est familier. Bref, tous les matériaux de là pensée sont tirés de nos sens, externes ou internes ; c’est seulement leur mélange ou leur composition qui dépendent de l’esprit et de la volonté. Ou, pour m’exprimer en langage philosophique, toutes nos idées ou perceptions plus faibles sont des copies de nos impressions, ou perceptions plus vives.
Traduction M. Beyssade, Garnier-Flammarion, 1983, p. 64-65.
«
COMMENTAIRE DE TEXTE
C.
JI y a néanmoins une limite au pouvoir de notre pensée, «ce qui implique
une absolue contradiction », c'est-à-dire à des idées qui sont logiquement incom
patibles.
L'.esprit ne peut pas réellement penser à un cercle carré.
·
...
2.
Notre pensée« est réellement resserrée en de très étroites limites»
A Ce pouvoir de notre esprit n'est qu'apparent, comme l'indique le verbe
« sembler».
Hume identifie la notion de liberté à la notion de pouvoir utilisée pré
cédemment: la liberté se réduit au pouvoir d'agir spontanément, sans entraves.
Les
termes« illimité» et« créateur» font peut-être référence à la description cartésienne
de la pensée.
B.
La pensée ne peut produire la matière des idées qu'elle crée : celle-ci pro
vient« des sens et de l'expérience», c'est-à-dire de l'action des objets extérieurs à
notre esprit sur nos sens et donc sur notre esprit passif.
Par exemple, nous ne
sommes pas capables d'imaginer une couleur jamais perçue, un son jamais
entendu ...
«Les matériaux» désignent à la fois les sensations et les idées d'objets
perçus.
C.
Le pouvoir de l'esprit est en fait double.« Composer» d'une part, c'est-à
dire mettre ensemble des choses perçues séparément et séparer les objets perçus
ensemble, comme dans le cas de l'imagination d'une licorne.
D'autre part,« accroître
et diminuer» nos perceptions, c'est-à-dire faire varier l'intensité des sensations qui
composent les idées .
• 3.
« Toutes nos idées sont des copies de nos impressions »
A Hume illustre sa thèse avec un certain nombre d'exemples: nous n'avons
jamais perçu de montagne d'or, mais nous pouvons en concevoir une à partir des
idées que nous avons grâce à nos perceptions de l'or et des montagnes.
Le second
exemple souligne que la matière sur laquelle agit notre pensée ne provient pas
seulement des objets externes, mais aussi de nous-mêmes, c'est-à-dire de la
connaissance que nous avons de nous-mêmes par introspection.
B.
Notre pensée dépend de nos perceptions : ce que produit la pensée est une
« copie » de nos perceptions, puisque la matière de toute pensée vient de nos sens.
Bien plus, il y a une supériorité des idées issues des sens sur celles produites par
la pensée en termes d'intensité .
...
Discussion
Ce texte réfute la thèse cartésienne selon laquelle l'esprit serait absolument
libre.
Pour Descartes, l'esprit est composé de l'entendement et de la volonté.
Celle-ci
est à l'image de celle de Dieu, et est absolument libre : rien ne peut la contraindre.
Au contraire, selon Hume, l'esprit ne peut produire la matière des idées qu'il conçoit
et ne peut qu'agir sur la matière tirée des sens, internes et externes.
En outre, les idées
de la pensée sont moins intenses que les perceptions directes..
»
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