Dans quelles circonstances a-t-on le droit de mentir ?
Publié le 22/08/2005
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Le mensonge est un thème au carrefour de plusieurs interrogations philosophiques. Il met en effet en jeu notre rapport à autrui, les possibilités du langage ou encore la place de la vérité. Comme on le sait le mensonge est, d’après la Bible, un pêché ; toutefois nous verrons que la morale ne saurait, sans s’exposer à d’inextricables difficultés, condamner absolument le mensonge. La question « a-t-on parfois le droit de mentir ? « devrait donc se dédoubler en celle-ci : mentir n’est-ce pas parfois un devoir ? En effet s’il faut justifier un droit ne faut-il pas invoquer un devoir ?
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Conclusion : Il faut se débarrasser à la fois du souci de fonder une morale épurée de tout défaut (le défaut étant peut-être le signe d'une conscience humaine libre) et du présupposé qui consiste à lier le faux et le mal.
Il y a un droit dementir si l'on perçoit que le mensonge est un devoir, en effet le devoir ne s'impose pas à l'individu comme une forcequi l'oblige : en tant qu'individu il choisit d'y obéir ou non.
Rigoureusement il faut dire qu'abstraitement il y a un droitau mensonge qui ne se soutient concrètement qu'en apparaissant, en tant qu'événement particulier, comme devoir.Le devoir imparti à un droit ne lui est pas nécessairement symétrique, il semble que cette réciprocité soit exigéedans le cas du mensonge.
SUPPLEMENT: A) Moralité du devoir et responsabilité.
La morale du devoir ordonne simplement : fais ce que tu dois, et, de son point de vue, on doit faire son devoir sansse préoccuper de ce que les autres sont susceptibles de faire.
Advienne que pourra ! or, le fait que le mal puisserésulter du bien et le bien du mal est une réalité.
On peut se demander, dès lors, si l'homme de conviction, qui agittoujours par devoir indépendamment des circonstances, n'est pas irresponsable et s'il ne faut pas subordonner touterègle morale à la considération des conséquences de son application.
L'homme de responsabilité ne réfléchit-il pas,avant de prendre une décision, au bien ou au mal qu'il pourrait produire ?Supposons que des assassins me demandent si mon ami qu'ils poursuivent n'est pas réfugié dans ma maison et queje ne puisse éviter de répondre par oui ou par non.
Dois-je me soumettre inconditionnellement à l'interdiction dementir ? Ce cas invoqué par Benjamin Constant semble ruiner toute prétention à poser des principes supposés valoirtoujours et partout.
Au rigorisme kantien s'opposerait l'impossibilité d'ériger le devoir de véracité en principeinconditionné, sous peine de favoriser les assassins.
Une petite entorse au devoir de véracité ne se justifie-t-ellepas relativement à la fin poursuivie ? Mieux, n'avons-nous pas, en pareil cas, des raisons morales de mentir ? Nefaut-il donc pas admettre qu'il n'y a pas une seule et unique source de valeur morale, mais plusieurs ? Ne faut-il pasdistinguer deux positions morales : l'une que l'on peut qualifier de « déontologique » (respect des règles), l'autre de« conséquentialiste » (considérer le plus grand bien comme motif de nos décisions) ?
B) La fin ne justifie pas les moyens.
A Constant qui affirme un droit naturel de mentir par humanité, Kant répond que la véracité dans des déclarationsqu'on ne peut éviter « est un devoir formel de l'homme à l'égard de chacun, quelle que soit l'importance du dommagequi peut en résulter pour lui ou pour un autre » (« Sur un prétendu droit de mentir »).
L'homme qui ment fait ensorte qu'aucune déclaration n'ait de crédit.
Ainsi il porte atteinte à la finalité interne de communicabilité et faitperdre à tous les droits, qui sont fondés sur des contrats, leur force.
Même si le mensonge ne nuit pas à un hommeparticulier, il nuit à l'humanité en général.
A quoi il faut ajouter qu'on ne peut jamais prévoir les conséquences deses actes.Supposons, par exemple, que mon ami, voyant les assassins diriger leurs pas vers la maison, décide de s'enfuir àmon insu.
En affirmant qu'il est sorti alors que je le crois à l'intérieur de la maison, j'exprime le contraire de ce que jepense, mais je dis la vérité ce qui est.
Mon mensonge « bienveillant » peut ainsi mettre les assassins sur les tracesde mon ami et être cause de sa mort.
Mais suis-je vraiment responsable ? le meurtre de cet homme n'est-il pas lafaute des meurtriers ? Le fait que l'accomplissement d'un devoir en entraîne des conséquences désastreuses n'est-ilpas imputable à quelqu'un d'autre ?Le « conséquentialiste » objectera qu'on ne peut pas toujours rester « les mains propres », qu'il y a descirconstances extraordinaires où nous sommes certains que le respect d'une exigence « déontologique » aurait degraves conséquences.
On peut admettre cette objection et soutenir qu'en pareil cas nous pouvons être forcés àagir autrement que mus par cette exigence.
Mais faut-il pour autant accorder une valeur morale à un tel acte ?autrement dit, peut-on affirmer qu'il peut être moral de mentir, voire de tuer , Si je tue un homme pour en sauverdix, puis-je pour autant affirmer que le meurtre peut avoir une valeur morale ? N'aurais-je pas, en pareil cas,conscience d'avoir transgressé la loi morale ? N'éprouverais-je pas quelque part du remords, en me demandant, parexemple, si je n'aurais pas pu éviter un tel acte ? car, au fond, ne faut-il pas reconnaître, avec Kant, que toutemorale qui prétend justifier les moyens au nom des fins, en vient à anéantie ce qui, dans ces fins, peut justifier lesmoyens ? le devoir reste le devoir .
« Etre véridique dans les propos qu'on ne peut éluder, c'est là le devoir formel de l'homme envers chaquehomme, quelle que soit la gravité du préjudice qui peut en résulter pour soi-même ou pour autrui.
Etmême si, en falsifiant mon propos, je ne cause pas de tort à celui qui m'y contraint injustement, il restequ'une telle falsification, qu'on peut nommer également pour cette raison un mensonge ( même si ce n'estpas au sens des juristes), constitue, au regard de l'élément le plus essentiel du devoir en général, un tort :car je fais en sorte, autant qu'il est en mon pouvoir, que les propos (les déclarations) en général netrouvent aucun crédit et, par suite, que tous les droits fondés sur des contrats deviennent caducs etperdent toute leur force ; ce qui est un tort causé à l'humanité en général .
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Kant in « D'un prétendu droit de mentir »..
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