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Dans quelle mesure la forme Littéraire peut-elle rendre une argumentation plus efficace ?

Publié le 19/09/2011

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« Dans quelle mesure la forme littéraire peut-elle rendre une argumentation plus efficace ? «    I) La littérature au service de l’engagement    A – Ecrire, c’est vouloir agir, c’est agir    B – le pouvoir des mots    C – Le pouvoir des rythmes et de la musicalité    II) La littérature, permet une accessibilité renforcée de l’argumentaire…    A - L’argumentation explicite    B- le succès non démenti de l’argumentation implicite    III) …ou frein à la transparence de la réflexion ?    A- l’intertextualité, les références à l’actualité : la nécessité de la contextualisation    B- le danger du vieillissement de la langue     

« jeunesse, jeunesse ! » d’une grande efficacité grâce à l’emploi du vocatif latin « Ô», la répétition du terme, lamodalité de phrase exclamative et l’emploi du terme générique de « jeunesse », qui englobe une communautéd’individus unis par l’âge.

Le terme a ici un effet dramatique puisqu’il conglomère par ce biais les jeunes en uneentité unique et puissante qu’il prend à parti dans une même unité.

De même, Kipling, dans son célèbre poème enalexandrins « If », publié en 1918 et traduit en Français par André Maurois, dresse un portrait moral élogieux del’homme idéal, et joue sur les contrastes qui traduisent les difficultés rencontrées dans cette quête de la sagesse :« si tu peux rester peuple en conseillant les rois » (vers 14) : ici l’opposition des termes « peuple », et « roi », lenom peuple étant ici adjectivé, qui met en évidence l’impératif de montrer de l’humilité en toutes circonstances,frappe l’esprit par la force de l’image évoquée, puisque sont réunis en un seul vers deux classes situées auxantipodes de l’échelle sociale et ici inscrites dans une liaison nette.

Les idées, explicites et puissantes, sont ainsimises en évidence par l’agencement des termes et leurs relations logiques.

L’auteur peut par ailleurs parvenir àl’aboutissement de son argumentaire lorsqu’il fixe sa thèse en une formule éclatante qui frappe l’esprit et possède uncaractère d’évidence incontournable, se hissant à la maxime, à l’expression d’une vérité générale et absolue.

On enrencontre ainsi fréquemment dans les Fables de La Fontaine, comme par exemple la morale qui clôt la fable Lesgrenouilles qui demandent un roi (Livre III, fable 4 ) : « De celui-ci contentez-vous/ De peur d’en rencontrer unpire » (en parlant du roi): la morale devient dès lors maxime, entendue comme une phrase énonçant une véritémorale, une règle de conduite, et ce grâce à l’emploi de l’impératif « contentez-vous » qui traduit une paroled’autorité, l’emploi du présent de vérité générale, et la présence d’une allitération en (r) au second vers qui traduitbien la menace d’un pouvoir tyrannique.

Ces deux vers, de par leur efficacité rhétorique martèlent le propos et luiconfèrent un caractère incontestable. Le choix des mots justes et de leur agencement, dont on a vu l’efficacité, est par ailleurs associé au travail sur lamusicalité de ceux-ci, elle-même mise en valeur par un rythme entraînant.

Ainsi, si l’on reprend pour exemplel’ouverture de la « Lettre à la jeunesse » de Zola, on remarque très rapidement qu’aux autres procédés déjàretenus, la présence très nette d’une allitération en (s) confère au discours une efficacité redoublée, la supplicationtraduite sémantiquement (« je t’en supplie ») étant relayée par l’accent plaintif de cette sonorité : « Ô jeunesse,jeunesse ! Je t’en supplie, songe à la grande besogne qui t’attend ».

De même, dans son court roman qui constitueun véritable réquisitoire politique pour l’abolition de la peine de mort, Le dernier jour d’un condamné, publié en 1828,Victor Hugo laisse transparaître l’ineptie de ce jugement par la description poignante du désespoir du condamné faceà la perspective de sa mort imminente : « Cette idée fixe qui me possède ne se présente-t-elle pas à moi à chaqueheure, à chaque instant, sous une nouvelle forme, plus hideuse et plus ensanglantée à mesure que le termeapproche ? ».

Les figures rhétoriques employées (personnification de l’idée fixe, de la mort évoquée par le « terme»,formulations hyperboliques) sont en effet affermies par la puissance du rythme, d’abord ternaire (« à chaque heure,à chaque instant, sous une nouvelle forme »), puis binaire (« plus hideuse et plus ensanglantée »), dans une phrasede plus en plus ample, évolution qui montre la montée et le paroxysme du désespoir, puis l’apathie de la résignation.De la sorte, les exemples ici évoqués ont pu nettement mettre en évidence l’efficacité indubitablement renforcée del’argumentation au sein de textes littéraires, efficacité associée à un travail inédit et intense sur le langage, à la foismatériau sonore et sémantique.

Après avoir vu les procédés littéraires au service de l’engagement idéologique, nousverrons désormais dans quelle mesure les formes littéraires assurent une efficacité accrue de l’argumentaire del’auteur. L’argumentation littéraire s’incarne dans plusieurs genres spécifiques, que nous avons recensés ci-dessus, à savoirl’essai, le pamphlet, l’apologue, et ses dérivés la fable et le conte –philosophique ou non-, l’utopie, ou la parabole.Parmi ceux-ci, on peut relever les genres relevant de l’argumentation explicite : l’essai, le pamphlet, et ceuxrelevant de l’argumentation implicite : l’apologue, l’utopie et la parabole.

L’essai, entendu comme un écrit à viséenon exhaustive, revendiqué par un auteur qui s’exprime à la première personne et nous livre ses réflexionspersonnelles sans revendication d’objectivité ou sans prétention à un écrit de spécialisation, bénéficie d’une portéeaccrue de l’argumentation car le lecteur instaure, comme nous l’avons dit, un dialogue avec les réflexions énoncées.L'essai est une prise de parole assumée de l’auteur.

Cet écrit expose les variations d’une pensée qui se forme,évolue, se transforme en permanence.

Comme l’indique l’intitulé du genre, dans ce type d’écrits, la pensée s’essaye,s’attache à plusieurs sujets de natures différentes au sujet desquels elle s’interroge, propose des solutions ous’essaie à l’anticipation : les Essais de Montaigne, œuvre inaugurale qui éleva ce type d’écrit au rang de genre,traite ainsi de sujets aussi divers et nombreux que la tristesse, les affections, l’âme, les intentions, l’oisiveté, lemensonge, la constance, la peur, la mort, l’imagination, la coutume, le pédantisme, l’éducation, l’amitiéetc…réflexions philosophiques, morales, sociales etc.

L’auteur à son époque fit preuve d’originalité car il prit le partide s’inscrire profondément dans son œuvre : « je suis moi-même la matière de mon livre, lecteur » et, en sesaisissant, de saisir l’ensemble de « l’humaine condition ».

Cette inscription de l’auteur dans l’œuvre constitue unprocédé argumentatif efficace puisque le lecteur peut trouver un attrait à pénétrer les pensées d’un espritparticulier, avec lequel il peut avoir des similitudes d’opinion ou de manières de penser.

Ainsi, l’un des buts de l’essaisemble être, pour l’auteur, de parfaire sa connaissance du monde et de lui-même, de se découvrir en précisant sapensée : or le lecteur, en réfléchissant lui-même grâce aux réflexions exposées, en se situant par rapport à elles,peut être à même d’opérer la même démarche.Par ailleurs, l’argumentation implicite, perceptible dans une pluralité de genres tels que l’apologue, l’utopie ou laparabole, bénéficie d’une portée d’autant plus importante que l’aspect didactique semble occulté par la dimensionludique prédominante mise en valeur.

Ces formes littéraires permettent d’évoquer de manière concrète et intelligibledes idées abstraites.

Ainsi, dans l’apologue et notamment les recueils de Fables de La Fontaine, les animauxtraduisent une image de la société et permettent de contourner la censure : il n’est de meilleur exemple que celui dulion, qui peut permettre d’exprimer une réflexion sur le pouvoir monarchique, comme dans Les Animaux malades de lapeste, fable au sein de laquelle la morale : « Selon que vous serez puissant ou misérable,/. »

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