Dans quelle mesure est-il vrai de dire que la psychologie pose des problèmes métaphysiques ?
Publié le 22/06/2009
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Toute étude procède en deux temps : l'observation des faits et de leurs réactions conduit à poser la question du pourquoi de ce comportement et du comment de sa structure. Ainsi procédera le philosophe à l'égard du monde et de lui-même. Dans un premier moment, il analysera les faits psychiques que lui auront livré ses expérimentations, pour découvrir les lois qui les régissent : devenu psychologue, il travaillera en savant. Dans un second temps, qui sera un retour vers lui-même, il interrogera sa raison; et celle-ci lui permettra alors d'ébaucher, sur les données précédemment établies, une hypothèse capable de satisfaire en lui ce double désir d'unifier ses multiples découvertes en une vue synthétique du monde et de répondre au pourquoi le plus profond des choses : de psychologue, le voici devenu métaphysicien. Ces deux temps se rejoignent. Le psychologue appelle le métaphysicien; le métaphysicien utilise les découvertes du psychologue. C'est, qu'en effet, depuis le développement de la psychologie expérimentale et l'éclosion de la phénoménologie, personne ne conteste l'existence d'un lien étroit entre, la psychologie et la métaphysique, « deux disciplines que nous croyons faites pour s'entendre et dont le divorce prolongé, sur un objet d'étude commun, serait à la longue inconcevable et ruineux pour le bon renom des sciences de l'esprit. « (Traité de psychologie générale, par PRADINES, Préface). Mais il ne suffit pas de reconnaître un fait, il faut encore en chercher les raisons et la mesure profonde. Dans une première partie, nous rechercherons donc pourquoi la seule psychologie, ne satisfaisant pas pleinement l'esprit humain, appelle la métaphysique. Nous verrons ensuite comment la psychologie, pour être liée aux premières intuitions de l'esprit, pose véritablement des problèmes métaphysiques. Le sujet, d'abord envisagé en son jour le plus extrinsèque, prendra toute son ampleur lorsque nous découvrirons son ultime solution dans les structures mêmes de notre esprit.
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encore que la psychologie pose des « problèmes métaphysiques ».
II
La psychologie appelle la métaphysique parce qu'elle se trouve liée aux premières intuitions de l'esprit.
— Nousvenons de voir comment l'esprit humain avide d'unité et mordu par la nostalgie de connaître les recoins les plussecrets de l'existence ne pouvait se contenter d'une connaissance expérimentale de problèmes qui dépassent lasimple analyse.
Il nous faut donc rechercher plus profondément comment il se fait que le psychologue rencontre, aumilieu même de ses analyses, ou tout au moins dans leur prolongement direct, une zone in touchée et encoreinexplorée, que son esprit aspire à rendre lumineuse.Il est intéressant de prendre conscience du sens de l'évolution qui, depuis ARISTOTE, et plus brusquement depuisun siècle environ, oriente l'élaboration des diverses métaphysiques.
Loin d'avoir été totalement absente de laphilosophie, la psychologie n'avait pas autrefois de rôle particulier à jouer comme fondement proprement dit de lamétaphysique.
Celle-ci avait plutôt tendance à devenir une pure construction de la raison.
Or, depuis ledéveloppement de la méthode expérimentale et réflexive, et surtout depuis la fondation de l'écolephénoménologique, l'apport de la psychologie à la philosophie de l'être est chaque jour plus importante.
Aujourd'hui,par exemple, HEIDEGGER, SARTRE, Gabriel MARCEL préfèrent partir d'une description psychologique pour déterminerles structures ontologiques de leur philosophie concrète.
Le paraître les conduit à l'être; la psychologie débouchesur la métaphysique.Ce fait s'impose à nous.
Il en faut chercher la raison profonde dans le fondement de la psychologie, qui la relieintimement aux premières intuitions qui intéressent précisément le philosophe.
En ce sens, on pourrait dire qu'unepsychologie pose avec plus ou moins d'acuité des problèmes métaphysiques, selon qu'elle effleure plus ou moinsdirectement ces intuitions premières- Et nous pourrions dresser, à partir de ce principe général, une échelleétablissant une hiérarchie de degrés dans les rapports de la psychologie et de la métaphysique.
Nous partirions ainsides lois positives d'une psycho-physiologie expérimentale pour atteindre le sommet, dans les découvertes ultimes dela psychologie rationnelle.
En d'autres termes, on pourrait affirmer qu'une psychologie débouche sur unemétaphysique dans la mesure où l'aboutissement de ses analyses et les conclusions de ses expériences révèlentl'existence d'un principe supra-psychologique, qu'il soit un je existentiel, centre du choix déterminé, le monde descosmo* logues, ou l'Être nécessaire et infini de la théodicée.
De fait, si l'expérimentateur qui manipule un ergographeou l'ingénieur qui contrôle par des tests la capacité de ses employés n'ont pas à quitter le domaine des purs faitspsychiques, le psychologue, au contraire, en réfléchissant sur les données de ces expériences, rencontreinévitablement des problèmes qui tout en débordant sa propre science, l'intéressent à la fois comme homme etcomme philosophe.Prenons en exemple le problème de la liberté.
Le psychologue cherchera à savoir s'il est vrai que l'homme aitconscience de sa liberté, et il éclairera son étude soit par l'expérience de la conscience morale ou psychologique,soit par celle de la responsabilité, soit par les deux.
Sa conclusion sera sans erreur possible, Mais une fois ceproblème résolu selon une méthode aussi objective que possible, il faudra aller plus loin.
Son esprit exige une véritétotale sur ces deux questions qui surgissent au milieu même de ses expériences : suis-je vraiment libre et comments'exerce nia liberté.
Or, nous sommes ici au cœur de la métaphysique.Parti de la découverte de mon moi libre, j'en arrive donc, sans heurts et comme guidé par une exigence foncière demon esprit, à sonder mon je qui se révèle comme le noyau ontologique de ma personnalité d'homme libre.
Entouchant au domaine de sa liberté, le psychologue ne pourrait donc pas ne pas rejoindre le métaphysicien.
Iciencore la psychologie pose des « problèmes métaphysiques ».
CONCLUSION. — « Maîtresse de science », spécialisée dans l'étude du comportement humain, la psychologie se suffit à elle-même dans les limites qu'elle s'impose.
Mais précisément parce qu'elle se limite à reconnaître des faits età établir des lois, elle ne saurait épuiser les secrets d'un être immergé dans la liberté et éminemment doué de raison.In compté tu de qui se change en source de richesses précieuses.
Car, en touchant aux structures ontologiques del'être ainsi qu'aux intuitions premières de l'esprit, la psychologie débouche sur les découvertes de la métaphysique;bien plus, elle contribue à rendre celles-ci plus réelles et plus humaines, en brisant la tour d'ivoire où risque toujoursde s'enfermer celui qui élabore des hypothèses sur la structure du concret.
On peut donc dire que plus unepsychologie trouvera de « mystères », dans sa course ou à son aboutissement, plus elle posera de « problèmesmétaphysiques », et plus elle satisfera les exigences de l'esprit.
Ce sera la qualité de réflexion du psychologue quidéterminera le degré d'ouverture de sa science; et le grand psychologue sera toujours celui qui, aux qualités dusavant, joindra la profondeur du métaphysicien..
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