Dans quelle mesure est-il possible d'affirmer : « à chacun sa vérité ? »
Publié le 24/01/2020
Extrait du document
• Glossaire : connaissance ; opinion ; relativisme.
• Éclaircissements :
A. « À chacun sa vérité » implique, si on prend l'expression dans son sens strict, qu'il n'existe pas de vérité universelle et objective, ni même intersubjective, c'est-à-dire qui puisse faire l'accord des esprits. C'est la position du relativisme*, défendue dès le Ve siècle av. J.-C. par les sophistes grecs. Le relativisme consiste alors à considérer la vérité comme s'il s'agissait d'une affaire de coutume ou d'opinion*.
Mais la relativité des opinions, comme la relativité des traditions, n'impliquent pas du tout nécessairement la relativité des vérités. L'existence même d'un accord des mathématiciens ou des physiciens, quels que soient les idéologies politiques, les engagements
«
religieux, etc., ne montre-t-elle pas qu'il existe des critères qui
contraignent à accepter comme vrais un théorème ou une loi
physique?
Le relativisme strict (celui des sophistes) est donc difficilement
tenable.
B.
On pourrait pourtant donner à l'expression «à chacun sa
vérité», ou plus généralement au relativisme, une signification
un peu différente, qui la rendrait plus acceptable.
On ne dira pas
alors que chaque individu est juge de la vérité, qu'il n'existe aucun
critère d'objectivité.
Mais on arguera que ces critères sont chan
geants dans le temps, autrement dit que la connaissance a une
histoire et que cette histoire montre qu'on s'entendait hier sur
telle ou telle vérité qui est réfutée aujourd'hui.
Ainsi la physique a-t-elle d'abord, aux xv11-xv111• siècles, .adopté les thèses de New
ton sur la propagation de la lumière (théorie corpusculaire).
pour
leur préférer au x1x• siècle les thèses de Fresnel (théorie ondu latoire) et opter aujourd'hui pour la théorie des quanta (qui com
bine des aspects des deux autres théories).
L'accord des esprits ne serait pas alors, dans cette perspec tive, l'indice de critères fondant la possibilité d'une vérité objec
tive et universelle : il serait plutôt le résultat de conventions (con
cernant les méthodes, les modèles d'explication du monde, etc.)
communément, et provisoirement admises par la communauté
scientifique.
Ce relativisme-là, qui prétend s'appuyer sur l'histoire des
sciences, est plus difficile à critiquer.
Plusieurs remarques peu
vent cependant être faites.
a) Il ne faut pas confondre «connaissance» et «vérité » (voir
connaissance*).
Considérer que l'état de la connaissance varie
et est relatif aux conditions d'une époque - ce qui est juste
-, cela peut signifier que les conditions d'appropriation de la
vérité sont relatives, et non nécessairement qu'il n'existe pas
de vérité objective.
b) La thèse conventionnaliste de la relativité de la connaissance
ne peut être tenue trop strictement, sans quoi elle aboutirait aux
mêmes difficultés que le « à chacun sa vérité » de Protagoras.
On ne peut pas, en particulier, considérer que la succession des
théories scientifiques est le résultat arbitraire d'un simple chan
gement de conventions.
Si c'était le cas, il faudrait encore expli
quer les raisons d'un tel changement.
En réalité, il existait bien
des raisons (expérimentales et théoriques) de préférer les expli
cations de Fresnel du phénomène lumineux à celles de New
ton, comme il existe des raisons de préférer aujourd'hui la théorie
70.
»
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