Dans les Châtiments Victor Hugo écrit :"Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent." Pensez-vous qu'aujourd'hui encore, la vie est faite de luttes ?
Publié le 31/03/2009
Extrait du document
Introduction :
Victor Hugo est très célèbre pour ses pièces de théâtre notamment Hernani et Ruy Blas, mais il ne faut pas oublier que cet auteur est aussi et surtout un poète dont on peut adorer ou exécrer les envolées lyriques. Nous ne pouvons évoquer en introduction, et là n’est pas notre propos, tous les grands aspects de son oeuvre mais il nous faut insister sur une période particulière de la vie de l’auteur (1851- 1870). Une fureur vengeresse anime Hugo contre Napoléon III, contre son crime, le coup d’état du 2 décembre, et le régime autoritaire qu’il a établi ; fureur spontanée d’abord puis exaltée par son propre déchaînement et orchestrée à des fins polémiques et esthétiques. C’est ainsi que naissent les Châtiments, une œuvre puissante, remarquable à la fois par l’unité de son inspiration satirique et par la vérité de ses accents. Dans cette œuvre Victor Hugo laisse sa haine du pouvoir éclater, il livre sa propre guerre mais il a pour arme la rhétorique. Dans cette œuvre, il écrit « ceux qui vivent sont ceux qui luttent «. Il présente ainsi la vie comme une succession de combats divers. Peut-on aujourd’hui encore approuver ce point de vue ? Dire que la vie est faite de luttes, n’est-ce pas proposer une conception de la vie où la violence tient une place importante ainsi que le défi et la concurrence ? Dès lors, considérer la vie comme un combat n’est-ce pas encourager des rapports tendus entre les hommes ? Tout l’enjeu du sujet consiste dans le sens que l’on donnera au mot « lutte « dont il faudra faire varier les définitions.
Problématique :
D’un côté, la vie peut apparaître comme une succession de combat mais d’un autre, envisager une telle conception de la vie, cela ne revient-il pas à légitimer la violence ? Peut-on proposer une vision de la vie plus nuancée ?
I. Se battre pour survivre ?
II. Les limites d’une telle conception : le culte de la violence
III Une nouvelle définition de vie comme espace de lutte
«
1) Un combat inégal Certes, comme le suggère Hugo, les hommes pour vivre doivent s'engager et défendre leurs idées pourtantil semble difficile de faire dépendre la vie toute entière de ces luttes dans la mesure où nous n'avons pas tous lesmêmes armes.
Hugo rédige les Châtiments dans un contexte politique, il a la chance de disposer de ce don qui lui confère le talent d'exprimer ses idées à travers ses œuvres.
De plus, il est un poète reconnu.
Ainsi, tous les hommesne sont pas égaux dans ce combat.
Un simple ouvrier intérimaire dans une usine automobile par exemple aurabeaucoup plus de mal à faire entendre sa voix qu'un écrivain reconnu ainsi leurs luttes n'auront pas le même impact.L'un doit recourir à un syndicat, l'autre peut agir directement.
Ainsi le combat est inégal et concevoir la vie revient àplacer en position d'infériorité tous ceux qui ne disposent pas des capacités suffisantes pour se battre efficacementdans quelques domaines que ce soit.
2) Les outrances du défi et de la concurrence Concevoir la vie comme une lutte revient à exalter la concurrence sous toutes ses formes puisqu'il s'agit deremporter la victoire, d'être meilleur que ses adversaires dès lors le rapport à l'autre n'apparaît plus que sous le signedu conflit d'intérêt.
Certes, la concurrence peut stimuler mais elle peut également renforcer les tensions puisqu'ellebrise l'harmonie des rapports humains et nuit à l'esprit de solidarité.
Nous touchons à l'aspect le plus problématiquedu sujet.
En assimilant la vie à un espace de lutte, on risque de concevoir les rapports humains comme un espacede tensions permanentes et de percevoir autrui comme un ennemi perpétuel, un rival ce qui risque d'attiser laconcurrence et la jalousie mais parallèlement il semble difficile de contredire totalement cette conception puisquecela reviendra à penser la vie sur le mode de la passivité.
On peut penser par exemple aux dérives du systèmeéconomique japonais qui connaît la plus forte proportion de suicides.
En effet, les employés considèrent leur travailcomme un espace de lutte ; il s'agit d'être le meilleur, de rapporter des bénéfices à tout prix si bien que nombreuxsont les employés qui en cas d'échecs ne parviennent pas à encaisser le choc.
Transition : Ainsi, on ne peut mettre en cause radicalement cette conception sous peine de prôner une attitudepassive face à la vie mais on ne peut non plus l'affirmer sans la nuancer c'est pourquoi il convient de redéfinir leterme « lutte ».
III Une nouvelle définition de vie comme espace de lutte Introduction partielle : Pour appliquer cette citation de Hugo à notre quotidien, il nous appartient de donner unesignification au terme « lutte ».
La métaphore de la lutte, de la guerre est très usuelle pour désigner les débatsd'idées mais il faut comprendre les limites de cette métaphore pour ne pas tomber dans l'excès et ne pas concevoirle rapport à l'autre à la vie comme une guerre perpétuelle 1) Quand « se battre » signifie défendre des opinions personnelles, la lutte est un échange On peut concevoir la vie comme une « lutte » à condition de comprendre qu'il s'agit d'une métaphore visantà mettre en évidence l'énergie et la somme d'effort indispensable à la vie.
Dès lors la « lutte » dans le débat d'idéesdésignent l'échange entre deux partis, chacun usant d'argument pour répondre à l'autre tout en tenant compte desidées de l'autre et en acceptant la remise en question.
Il s'agit là d'un idéal.
La lutte renvoie alors aux effortsaccomplis pour défendre son opinion.
2) Quand « se battre » signifie « donner le meilleur de soi », la lutte est assimilée à l'effort Il s'agit de concevoir la lutte non plus comme un combat mais comme un défi lancé à soi-même pourmobiliser toutes ses compétences physiques et intellectuelles et surmonter une difficulté.
Le terme lutte est alorspris au sens figuré.
On peut penser à Albert Camus qui affirme « je me révolte donc nous sommes » dans L'Homme Révolté .
Pour Albert Camus, la vie est placée toute entière sous le signe de la révolte mais il ne faut pas assimiler ce mot à une forme de violence, il s'agit d'abord de se révolter contre la mort puis contre toutes les formes d'in justice.Camus prend, dans Le Mythe de Sisyphe, l'exemple de Sisyphe qui pousse sans relâche un énorme rocher qui retombe sans arrêt ainsi, tous ses efforts sont vains.
Sisyphe est condamné à pousser son rocher pour l'éternité.Pourtant pour Camus, sa révolte n'est pas vaine car il trouve sa raison de vivre dans cet effort continu.
C'est ainsiqu'il faut définir le terme « lutte », comme un effort continu pour défendre ses idées, pour affronter la souffrance,notamment la mort des êtres chers ou encore l'échec.
En ce sens, la vie est une tension permanente, non une luttecontre autrui mais contre soi-même pour ne pas céder à la tentation du désespoir et trouver la révolte même si elleest vaine une raison de vivre.
Conclusion : Si la lutte peut apparaître comme une image pertinente, il n'en demeure pas moins qu'elle inclut le sème dela violence et pose problème.
En effet, pour Victor Hugo, la vie est un combat, il faut défendre ses idéaux ou mourir.C'est un idéal romantique ; mais on peut douter de la pertinence d'une telle conception dans la vie où l'on ne peuttoujours avoir gain de cause.
Faut-il songer au suicide si son parti politique vient à perdre les élections ?Assurément non.
Ainsi, on peut concevoir la vie comme un espace de lutte à condition de nuancer le sens du mot.
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