Dans la préface de Cromwell Hugo affirme: « On répète néanmoins, et quelque temps encore sans doute on ira répétant : "Suivez les règles ! Imitez les modèles ! Ce sont les règles qui ont formé les modèles !" Un moment ! Il y a en ce cas deux espèces de modèles, ceux qui se sont faits d'après les règles, et, avant eux, ceux d'après lesquels on a fait les règles. Or dans laquelle de ces deux catégories le génie doit-il se chercher une place ? Quoiqu'il soit toujours dur d'être en contac
Publié le 09/06/2009
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Dans le cadre de la production artistique et littéraire, la mimesis, héritière de la Poétique d'Aristote, s'inscrit à l'intérieur d'un réseau sémantique complexe qui révèle qu'imiter ne signifie pas copier mais bel et bien remanier et reprendre, refaire et renouveler. Avec la préface de Cromwell, en avançant que : « On répète néanmoins, et quelque temps encore sans doute on ira répétant : " Suivez les règles ! Imitez les modèles ! Ce sont les règles qui ont formé les modèles ! " Un moment ! Il y a en ce cas deux espèces de modèles, ceux qui se sont faits d'après les règles, et, avant eux, ceux d'après lesquels on a fait les règles. Or dans laquelle de ces deux catégories le génie doit-il se chercher une place ? Quoiqu'il soit toujours dur d'être en contact avec les pédants, ne vaut-il pas mille fois mieux leur donner des leçons qu'en recevoir d'eux ? Et puis, imiter ? Le reflet vaut-il la lumière ? le satellite qui se traîne sans cesse dans le même cercle vaut-il l'astre central et générateur ? «. En affirmant cela, Victor Hugo défend que l'artiste pur, le génie ne doit pas s'abaisser à imiter les modèles car « les règles qui ont formé les modèles « l'aliènent et font de lui un « satellite « au lieu d' «un astre central et générateur « source de lumière et de progrès. Cependant l'imitation n'est pas un frein à l'invention qu'elle favorise même.
La première source d'inspiration et le premier modèle des artistes a été la nature. De sa visite à la maison d'Auguste et de la découverte des grotesques Horace tire le principe de l'ut pictura poesis , qui refuse à tout artiste le droit de représenter ce qui ne serait pas issu de la nature, et qui sera le credo de tous les artistes jusqu'au XIXe siècle. En effet, la nature étant une création divine elle est source de perfection et aucun artiste ne saurait produire une oeuvre supérieure à l'oeuvre de Dieu. De ce principe découle une hiérarchisation des genres qui se met progressivement en place, surtout grâce à Alberti pour la peinture, puis pour la littérature grâce à la Pléiade. En peinture les oeuvres représentant l'homme sont toujours plus nobles que celles représentant un paysage. La nature morte est considérée comme le genre le moins noble car dénué de vie. Un peintre ne peut prétendre être un grand peintre que s'il excelle dans la peinture d'histoire. Ainsi Diderot se désolera toute sa vie de voir son ami Chardin ne produire que des natures mortes, alors qu'il le considérait comme un génie.
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d'être constamment tourné vers l'avenir.
Refuser l'imitation c'est refuser l'idéalisation pour voir le monde tel qu'il estet ensuite entreprendre d'atteindre un idéal de civilisation.
Ce refus de l'imitation entraîne un décloisonnement desgenres et la fin des idéaux de beau et de vrai hérités de Platon.
On assiste à une multiplication des catégoriesde beau, ce qui rompt avec le principe de l'ut pictura poesis puisque le grotesque devient une forme de beau.«L'antiquité n'aurait pas fait la Belle et la Bête.
» ou Notre Dame de Paris puisque la bonté y est détenue par desêtres difformes et non des chefs-d'oeuvre divins.
Les règles de l'imitation sont d'autant plus facilement remises en question qu'elles ont été fixées de façon arbitraire.En France Ronsard oeuvre pour la hiérarchisation des genres pour servir son dessein d'être un très grand artisteet veille à ce que les genres dans lesquels il excelle soient des genres nobles.
Ces règles servent uniquement lepouvoir monarchique puisque les artistes sont obligés pour être reconnus de produire des oeuvres édifiantes ouplus ou moins de propagande.
La politique et la religion sont deux thèmes très appréciés puisqu'ils servent à assoird'avantage le pouvoir en place et sont présents à toutes les époques depuis la Grèce antique.
Le refus de l'imitation permet de produire des oeuvres plus personnelles et donc plus satisfaisantes pourl'artiste.
C'est surtout le cas avec le romantisme qui redécouvre le lyrisme puisque le « moi » était devenu «haïssable ».
Cependant, Du Bellay désenchanté par son voyage en Italie affirme déjà dans les Regrets : « Je ne veux feuilleter les exemplaires Grecs,Je ne veux retracer les beaux traits d'un Horace,Et moins veux-je imiter d'un Pétrarque la grâce,Ou la voix d'un Ronsard, pour chanter mes Regrets.
» Du Bellay rejette le principe de l'imitation qui ne lui apporte aucun réconfort après qu'il a vu la médiocrité réelle del'Italie et qu'il a compris que l'idéalisation est dangereuse.
Il la rejette au prix même de sa renommée, prêt à ne pastraverser les siècles pour le droit de dépeindre des sentiments personnels.
Les surréalistes vont jusqu'à rejeter en plus de l'imitation toute description.
Dans le Manifeste du surréalisme Bretonmontre le ridicule d'une description grâce à un extrait de Dostoïevski et se moque de la profusion de détails, quicertes permettent d'imiter au mieux la nature, mais est absolument inutiles.
Les sentiments de l'artistesont exprimés au maximum en utilisant les principes de la psychanalyse dans la croyance que l'art est un moyen defaire parler son inconscient.
Pour cela les surréalistes inventent des jeux et des procédés qui leur permettent de nepas succomber à la tentation de l'imitation : cadavre exquis, hypnose, dictée de l'esprit.
Le refus de l'imitation a permis une production littéraire et artistique nouvelle et riche.
Victor Hugo oppose farouchement les principes de l'imitation et d'inspiration mais il est certain que l'imitationa depuis la Renaissance favorisé l'invention de procédés techniques et de concepts.
En effet, l'unedes caractéristiques de l'imitation en tant que renouvellement et reprise est le fait qu'on n'imite que pourmieux surpasser.
Contrairement à l'opinion de Victor Hugo l'imitation ne s'oppose pas au progrès.
Imiter c'est semettre sur un pied d'égalité pour ensuite dépasser.
Ainsi à la Renaissance l'ambition n'est pas de revenir à l'Antiquitémais de sortir grâce à l'imitation des temps obscurs du gothique et de commencer une ère nouvelle.
Raphaël traduitbien se projet avec l'École d'Athènes car s'il dit sa dette aux Anciens grâce à ce tableau, il n'hésite pas à sereprésenter à leurs côtés comme un égal.
Les artistes de la Renaissance aspirent à faire reconnaître la libéralité deleur art et par là-même se démarquent fondamentalement des Anciens.
Giotto est un des premiers à acquérir ladignité de l'artiste et non celle de l'artisan, étant l'un des premiers dont on rappelle le nom sur l'oeuvre.
LaMaesta porte l'inscription « protège Giotto car il t'a peint ainsi ».
Pour faire reconnaître la dignité et la libéralité de leur art les artistes s'appuient sur la théorie ainsi que laperspective pour les arts, soient un concept et un procédé.
La théorie est un moyen pour l'artiste de rendre comptede façon intellectuelle de son travail.
La perspective sert l'imitation et la narration.
Elle n'est pas uniquement unprocédé technique.
Connue depuis l'Antiquité de façon empirique (Euclide rappelle dans les Éléments que la tailledépend de l'angle de vue) elle devient à la Renaissance un véritable procédé intellectuel, conçu pour servirl'imitation.
C'est une recomposition de l'esprit qui donne l'illusion de la réalité mais qui s'en éloigne radicalement dansles faits.
Les deux procédés intellectuels les plus importants en art et en littérature, inventés à la Renaissance, résultent desbesoins de l'imitation.
Victor Hugo présente l'imitation comme un frein au progrès et à la création l'associant à l'institution quicontrôlait toute la production artistique de son époque, alors que l'imitation n'est pas incompatible avec l'inventionet peut même la favoriser.
Sujet désiré en échange : Dans La Métamorphose des dieux (1957), André Malraux écrit : « l'oeuvre surgit dans son temps et de son temps,.
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- Victor Hugo, Préface de Cromwell