Croire en la science, est-ce une forme de religion ?
Publié le 04/01/2004
Extrait du document
La religion, mobilise une croyance spécifique qui se nomme la foi et semble s’opposer d’emblée à la science en mettant celle-ci du côté de la vérité. On peut cependant déjà remarquer que religion et science se rejoignent en ceci qu’elles ont la même prétention à délivrer la vérité _ la vérité unique qui exclurait toute autre représentation du monde.
Ce sujet implique de définir ce que peut être croire en la science et nécessite de revenir sur le statut de la vérité.
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Descartes inscrit son projet philosophique en réaction au procès de Galilée : ils'agit d'établir une science universelle pour se garder de produire des idéesobscures et confuses.
C'est l'usage de la raison comme guide qui doitpermettre d'accéder à la connaissance du vrai.
Il y a donc un postulat de l'objectivité de la science : tandis que la foireligieuse est un état d'adhésion immédiat qui ne laisse place à aucunedémonstration, la science doit procéder selon une méthode déductive etmontrer les preuves de ce qu'elle affirme.
On peut même aller jusqu'à dire quela foi est un état émotif tandis que le regard scientifique totalement objectivéest un état intellectuel.
Pascal a d'ailleurs montré que la force des croyancesréside dans le désir que l'on a de croire.
Tandis que le scientifique n'est guidéque par une recherche désintéressée de la vérité.
C'est souvent le regardscientifique qui nous permet de dissiper les superstitions : dans une de sescorrespondances, Spinoza démontre à son ami que ce qu'il prenait pour unprésage _phénomène irrationnel et occulte_ n'était en fait qu'une prémonition_état mental, que l'on appellerait aujourd'hui cognitif_ et qu'il n'y a doncaucun fatum à y voir, mais seulement une chaîne causale selon laquelle lesphénomènes se sont succédés, que son ami n'a pas su voir et interpréter.
II.
Le regard objectivé du scientifique pourrait bien n'être qu'une illusion
Dans De l'Esprit géométrique et de l'art de persuader, Pascal met en évidence le rôle du désir dans la croyance mais aussi dans la connaissance.
Face à la puissance du désir, l'entendement est faible.
Pascal réfléchis sur le pouvoir etles limites de la raison humaine, sur fond du thème de la corruption de l'âme humaine.
Hors du contexte de laseconde moitié du XVIIe siècle, ce texte continue de mettre à notre disposition l'analyse d'un fait anthropologiqued'importance : ce qui nous persuade beaucoup plus que la logique et la preuve, c'est l'agrément, autrement dit ledésir.
Tout le monde affirme aimer la vérité, personne ne reconnait préférer ses désirs à la connaissance.
Le religieux et le scientifique se rejoignent par deux fois : ils sont tous deux à la recherche de la vérité et sont tousdeux enclins se laisser convaincre par la force de leur désir.
On peut observer que la science n'a pas toujours progressé de façon désintéressée : il arrive que l'on supposel'objet d'une recherche.
Tout le travail consiste ensuite prouver cet objet.
C'est là que peut intervenir le désir : sele désir du scientifique d'infirmer son hypothèse de départ est plus fort que le désir de vérité, les protocoles qu'ilétablit seront orientés vers un résultat voulu a priori et le résultat de ses recherches s'en trouver faussé.
En réalité,la science progresse bien plus par tâtonnement que selon une méthode absolument déterminée comme le souhaitaitDescartes.
Ainsi, refuser de reconnaître le rôle du désir dans la connaissance et le travail scientifique serait une illusion, demême nature que d'affirmer que l'univers tourne autour de la terre parce que la Bible le prescrit.
Accepter que lesconnaissances scientifiques sont toujours de l'ordre du provisoire, c'est se garder du fanatisme scientiste au mêmetitre que l'on doit se garder du fanatisme religieux.
III. Plutôt que de discréditer telle ou telle forme de rapport au monde, il faudrait considérer que chacune d'elle a quelque chose à nous apporter
C'est ici le statut de la vérité sur lequel il nous faut revenir.
Le fanatique scientiste discrédite le religieux en le rejetant dans la sphère de l'imaginaire.
Le fanatique religieuxdiscrédite le scientifique en le rejetant dans la sphère du fallacieux.
Tous deux croient détenir le seul accès valableà la vérité.
Sans tomber dans les dangers du relativisme, on peut considérer que l'homme dispose de plusieurs accès au mondeet qu'il n'est pas nécessaire de discréditer l'un au profit de l'autre.
Si l'ambition de Descartes était de fonder unescience universelle, il n'en rejetait pas pour autant la religion est n'était pas athée..
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