COUSIN Victor : sa vie et son oeuvre
Publié le 22/11/2018
Extrait du document
«
Allemagne, où
il est emprisonné pendant six mois pour
agitation politique; Hegel le fait libérer.
De retour en
France, il traduit Platon, édite Descartes, côtoie toutes
les figures marquantes du libéralisme et de l'opposition
doctrinaire.
Réintégré par Martignac, il acquiert un prestige égal
à celui de Villemain ou de Guizot.
1830 le consacre
définitivement : Académie françai,se; Chambre des pairs;
direction de I'E.N.S.; Conseil d'Etat; Conseil supérieur
de l'Instruction publique; présidence du jury d'agréga
tion (pendant vingt-cinq ans!); poste de ministre dans le
second gouvernement Thiers, en 1840.
Après 1 848, il se retire, conservant cependant son
appartement de fonction à la Sorbonne, où il mène une
vie paisible de célibataire galant et de bibliophile, n'écri
vant plus que des ouvrages mondains sur les grandes
dames du Grand Siècle.
Ces monographies sur Jacque
line Pascal ( 1853), Mme de Sablé (1854), Mm• de Haute
fort, Mme de Chevreuse ( 1856), M11e de
Scudéry (1858)
et Mme de Longueville (1859) lui conviennent mieux,
disent ses détracteurs, que la haute philosophie à laquelle
il s'était consacré, remaniant sans cesse ses cours pour
les publier à intervalles réguliers.
Ultime honneur: en
1864, de son vivant, on donne son nom à la rue sur
laquelle s'ouvre la Sorbonne.
L'éclectisme cousinien constitue pendant toutes ces
années la doctrine de l'Université, chargée du monopole
de l'enseignement philosophique.
Discipline étroitement
surveillée, la philosophie doit véhiculer un certain nom
bre de principe� et de préceptes sur le mode de la certi
tude et conférer au pouvoir légitime le sceau de la
conformité aux vraies valeurs : le Vrai, le Beau, le Bien.
En réaction contre la critique destructrice des Lumiè
res, le spiritualisme vise à restaurer une métaphysique
consommable.
Il s'agit de composer un système rassu
rant à partir de toutes les doctrines existantes, en le
présentant comme 1' aboutissement nécessaire d'une
méthode rigouteuse de pensée, donc de conforter et
d'exalter l'ordre social, manifestation concrète de la jus
tesse du système spirituel.
En affirmant.
lors de son premier cours à la Sorbonne :
« Soutenons la liberté française.
encore mal affermie et
chancelante, au milieu des tombeaux et des débris qui
nous environnent, par une morale qui l'affermisse à
jamais; et cette morale, demandons-la, messieurs, à cette
philosophie généreuse, si honorable à 1' humanité, qui,
professant les plus nobles maximes, les trouve dans notre
propre nature», Cousin trace un programme qu'il res
pectera point par point.
Il croit à une vérité philoso
phique éternelle dispersée dans les divers systèmes : la
philosophie esl inséparable de sa propre histoire; au
cours des siècles, elle a décliné tous les cas de l'univer
sel, autrement dit l'existence d'un être infini, la réalité
des êtres et des choses, la valeur absolue du Bien, l'exis
tence d'un Beau référentiel.
L'histoire de la philosophie va de pair avec une philo
sophie de l'Histoire, qui se définit dès lors comme syn
thèse des étapes de la perfectibilité humaine.
La philo
sophie modern:, héritière de tous les porte-parole de
l'humanité pen>ante, parle pour tout le genre humain et
donc peut légiférer pour lui.
L'éclectisme devient bien
alors la philosophie du juste milieu : ne garder que ce
que l'on croit ê:re le meilleur pour parvenir à l'équilibre.
Les principes ordonnateurs d'une telle construction
sont simples : accorder les évidences découvertes par le
sens commun avec les règles de la raison, passer de
l'expérience à l'affirmation d'un absolu, allier la sensibi
lité, la volo ntt· et la raison.
Ce faisant, Cousin entre
en conflit ave.; la théologie, alors même qu'il réfute
constamment l'athéisme.
En fait, il entend instaurer la
prééminence du philosophe, nouveau prêtre laïque.
L' Église l'accusera de panthéisme.
On serait plutôt tenté de
voir dans l'éclectisme spiritualiste la tentative de fon
dation d'un nouveau cartésianisme capable de remplacer
la religion tout en la respectant.
A cet égard, le spiritua
lisme cousinien connaîtra un réel succès : il dQnne un
corps de doctrine à un groupe social, celui des profes
seurs de l'Université bourgeoise.
L'échec philosophique (et non sociologique) du cou
sinisme, qui ne lui survivra pas et qui ne franchira pas
les frontières de la France louis-philipparde, réside dans
l'impossibilité de fonder de nouveaux concepts.
En com
binant l'observation de type scientifique et la réflexion
métaphysique, Cousin vise à définir une psychologie
selon laquelle la raison s'identifie à la conscience, d'où
procède la réalité par induction conceptuelle à partir des
faits de conscience.
A la réflexion philosophique Cousin
substitue une simple rhétorique, voire une scolastique,
condamnée à affirmer et réitérer : Dieu, le moi et le
monde se justifient l'un l'autre, et ainsi s'explique l'état
des choses.
La philosophie cousinienne apparaît alors
pour ce qu'elle est vraiment : une idéologie.
Certes, on peut relever une évolution dans cette
pensée au travers des principaux ouvrages, qui ne font
qu'élaborer et reprendre les mêmes préoccupations.
Le
cours de 1818, Du Vrai, du Beau, du Bien, est constam
ment réécrit, 1 'Introduction à l'histoire de la philosophie
de 1829 devient, après modifications, 1' Histoire générale
de la philosophie en 1863.
On distingue généralement
trois périodes principales : de 1815 à 1827.
Cousin s'en
tient à dégager la vérité éparse dans les divers systèmes;
en 1828, il considère que la philosophie moderne doit
ajouter son apport spécifique grâce à sa propre synthèse;
à partir de 1829, il ramène 1' ensemble du débat philoso
phique et son histoire à la récurrence d'un cycle éternel
qui voit se succéder sensualisme, idéalisme, scepticisme
et mysticisme.
De plus, conscient des insuffisances
conceptuelles de ses amalgames, il tente de constituer la
notion de raison impersonnelle, qui reste parfaitement
obscure.
Tout cela importe peu en regard de la fonction assu
mée par la philosophie cousioienne : proposer une
réflexion élégante et sans problèmes aux gens du monde,
fournir un cadre idéologique à la classe dominante, suffi
samment rigoureux pour maintenir les principes moraux
indispensables pour régir une société, suffisamment sou
ple pour intégrer les réformes prudentes rendues néces
saires par le progrès matériel.
De ce point de vue, l'éclec
tisme cousinieo constitue, avec le positivisme, la
philosophie bourgeoise du Xtx< siècle, expression ache
vée du pouvoir sans partage exercé par une classe sûre
d'elle.
BIBLIOGRAPHIE
Œuvres.
-qn peut trouver l'éd it io n des Œuvres complètes en
12 volum es.
Ed.
Anthropos.
1968-1971.
Par ailleurs, les Frag
ments philosophiques pour servir à l'histoire de la philosophie
ont été réédités en fac -simi lé , Genève, Sla tki ne , 1971.
Études.
-A.
Marras t, Examen critique du cours de M.
Cousin,
1828; J.
Dam ir on .
Essai sur l'histoire de la philosophie en
France au XIX' siècle, t834 (deux volumes); V.
Bers ot, Victor
Cousin et la philosophie de notre temps, 1880; Vincen�o Gio
berti, Considérations sur la doctrine religieuse de M.
Victor
Cousin, 1884; P.
Janet, Vict or Cousin er so11 œuvr e, 1885;
J.
Simon, Vic to r Cousin, 1887: J.
Barthélemy Saint-Hilaire,
Monsieur Victor Cousin, !895; J.
Pommier,.
»
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