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Cours de philosophie: LA CONSCIENCE

Publié le 26/01/2020

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philosophie

1. La prise de conscience: psychologie et philosophie

La conscience s’impose comme un fait'niais aussi bien comme une existence contradictoire.. On perd conscience, on la retrouve, ou plutôt, on dit retrouver « ses esprits ». On prend conscience également, mais comment peut-on perdre ou prendre ce qui est toujours là? La conscience peut-elle en effet avoir le statut d’une virtualité que l’on actualiserait quand envie vous en prend ou besoin en est ? Mais en ce cas comment peut-on perdre l’usage de cette potentialité? Dans la perte de conscience, il est vrai, intervient le corps : il s’agit d’un choc accidentel qui l’abolit momentanément ou longtemps ; mais ces sortes de comas ne sont pas les seuls, à manifester la perte de conscience, un choc «psychologique» peut en faire autant. La conscience retrouvée ne dissipe pas les obscurités de là conscience perdue : « où » était-elle tout le temps de son absence ? On ne saurait même limiter l’interrogation au phénomène du sommeil : le sommeil peut être peuplé de songes, et ceux-ci nous rassurer sur la continuité de la conscience et de l’existence, comme si nous étions de la même étoffe que nos rêves ? Mais on dit très bien « avoir l’esprit absent » et chacun d’entre nous a connu ces « états » où sans dormir la conscience cessait sa garde vigilante pour s’absenter ailleurs, «somewhere» et non pas «anywhere out ofthe world» : elle ne rêvait ni ne rêvassait, mais elle était ailleurs sans d’ailleurs qu’elle sache où, puisque son ignorance actuelle n’est pas le fait d’une censure qui réprime des contenus inavouables ou honteux, de ceux que l’on dissimule lorsqu’à la question : «A quoi penses-tu?», on répond par l’étonnant: «A rien». Nocturne ou diurne, ensommeillée ou vigilante, la conscience retrouvée garde le secret de ses lieux : son ailleurs d’où elle revient et où elle retourne est problématique. Ce qui ne laisse pas d’inquiéter pour peu que l’on y réfléchisse, mais les exigences de la vie ordinaire sont si pressantes qu’elles épargnent le souci afférent à ce type de questions.

Quand on dit « prendre conscience », on voit émerger cette évidence inquiétante et pourtànt éloignée. Le même ordinaire de l’existence qui interdisait à la conscience l’excès de souci et ce de manière salutaire, connaît soudain ou insensiblement une sorte d’inversion des valeurs : l’habituel, lieu rassurant des évidences massives de la réalité familière, devient un ailleurs où la conscience ne se sent plus chez elle. Que fait-elle ici ? Ne s’est-elle pas trompée en s’éveillant, ou plutôt ne sommeille-t-elle pas à présent qu’elle croit veiller? Rien n’a changé pourtant : ni les lieux, ni les temps, ni les personnes ! Pourtant tout est différent, donc cette différence vient d’elle. Les premiers mots du Procès et dé la Métamorphose sont: «Un matin...», c’est-à-dire la banalité même du quotidien, l’exemple même de ce qu’un «bon écrivain» doit éviter; or, par ces simples mots Kafka provoque la transmutation du banal en aventure, la métamorphose de l’ordinaire en extraordinaire. Le quotidien n’est familier que subi par une conscience endormie, adaptée et habituée à ses exigences, elle croit s’éveiller, elle passe du sommeil profond, peuplé ou non de songes, à la somnolence habituelle interrompue par les distractions de la rêverie, sauf si « un matin », une rupture se produit dévaluant les valeurs du familier et promouvant une interrogation : « Qui suis-je moi qui dormais jusque-là, incapable de distinguer entre veille et sommeil ? ». Dans la caverne, attentive aux ombres projetées sur la paroi, donc perpétuellement distraite d’elle-même par un spectacle continu, la conscience prisonnière se dresse et lâchant l’ombre, se lance dans la recherche d’une proie (Platon parle de chasse des étants dans le Phédon 66a), mais il ne faut pas confondre la chasse et la prise : lorsqu’elle prend..., la conscience ne saisit pas immédiatement quelque chose, elle-même ou un objet. C'est au contraire une absence qui la provoque à prendre : le familier est devenu étrange, voire étranger, et la route des évidences quotidiennes (le ce-qui-va-de-soi, ou Selbstverstândig) aussi rectiligne que la perspective Nevski à Pétrograd est désormais labyrinthe. Ou bien la conscience en restera prisonnière emportée dans un procès qu’elle subit plutôt qu’elle n’agit ou bien, au contraire, l’étrangeté soudain découverte du familier, l’obligera à se reprendre pour devenir ce qu’elle était sans le savoir jusque là, un point de départ inauguré dans une interrogation sur elle-même.

L’investigation de ces expressions courantes fournies par le langage ne peut pas donner davantage, mais elle permet de situer la réflexion à la croisée des chemins si l’on peut dire. La littérature est là qui peut fournir des réponses à ces questions. Montaigne ou Proust pourraient très bien être appelés à la barre, pour ne citer que ces deux noms. Les Essais ou la Recherche du temps perdu ne sont-ils pas, chacun à leur manière des prises de conscience de la conscience perdue? L’écriture, cette auto-recréation, n’est-elle pas une manière spécifique de saisir le labyrinthe et de s’y orienter en étant soi-même à soi-même Thésée, Ariane et le Minotaure ? Et là encore, il s’agit de littérature vigilante, mais que dire de celle qui traversant l’apparence du réel trouve dans le rêve une seconde vie (Nerval) ? Perte et reprise de la conscience y foisonnent et l’on aurait tort de se passer de cet apport ; cependant un problème de compétence subsiste : le statut de la littérature n’est pas celui de la philosophie, et l’utilisation d’exemples littéraires par la philosophie ne doit pas autoriser la confusion des disciplines.

De l’une en effet on attend qu’elle satisfasse à l’exigence de l’objectivité scientifique alors que l’autre peut bien le faire, mais en plus, « accidentellement » : le faire-beau n’est pas le faire vrai, coupera-t-on. Le terrain n’est pas libre pour autant, avec le faire-vrai, ce sont les sciences qui cette fois ont la part belle pour répondre à la question. La conscience a sans doute été un problème philosophique, comme d’ailleurs la matière, la « vie » etc, mais tant qu’une discipline scientifique ne s’en est pas emparée pour la soumettre à ses méthodes spécifiques et par là en transformer radicalement l’objet.

LA CONSCIENCE

1. La prise de conscience : psychologie et philosophie

2. Descartes et la découverte de la conscience par la méditation

3. La conscience incarnée : l'union du corps et de l’âme, la conscience de la mort

Conclusion

TEXTES

1. Descartes, Lettre à Hyperaspistes

2. Malebranche, De la recherche de la vérité, XI ° Éclaircissement

« l’histoire » ou la « fable7» qui inaugurent le Discours de la méthode sont ici parfaitement explicites. La méthode se définit non par quatre règles, mais d’un mot : méditations. Paradoxe ? Les quatre règles de la deuxième partie du Discours ne peuvent être opposées aux méditations comme si ces dernières leur ajoutaient quelque chose, quoiqu’on un certain sens ce soit le cas : en fait ce sont de simples « préceptes » tirés d’une expérience, celle de l’incertitude, rapportée comme telle dans les premières pages de cette deuxième partie ; une expérience, c’est-à-dire des conclusions dont Descartes donne des prémisses biographiques (« J’étais alors en Allemagne... Je demeurais tout le jour enfermé seul dans un poêle...8»), épistémologiques («je pris garde que, pour la logique, ses syllogismes et la plupart de ses autres instructions servent plutôt à expliquer à autrui les choses qu’on sait... ») mais non les véritables fondements philosophiques. Pourtant du Discours aux Méditations, le but est le même : la recherche de la vérité. Mais avec le deuxième ouvrage, ce ne sont plus des résultats que l’on livre au public dans un ouvrage - préface à des essais de méthode (La Géométrie, La Dioptrique et les Météores9) mais la genèse même de cette découverte, l’acte de fonder la méthode ramenée par le Discours aux quatre préceptes. Ici le terme de méditation devient capital.

Il signifie l’exercice répété en vue d’une fin déterminée. La méditation peut être sensible comme c’est le cas chez Ignace de Loyola : dans ses Exercices Spirituels (1524), le fondateur de la compagnie de Jésus invite le pénitent à méditer par exemple l’enfer, non point en général, mais tout au contraire en se figurant à l’aide de l’imagination les effets sensibles qu’il produit sur la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat, le goût : ainsi le risque de la distraction produite par l'abstraction d’une représentation (le châtiment et les souffrances) est conjuré et l’attention fixée sur une réalité concrète. Visualisation répétée la méditation sensible retient l’attention. Elle a, il est vrai, un support: les textes sacrés, en particulier, ceux de l’Évangile dont les détails stimulent. Métaphysique, la méditation cartésienne reste un exercice répété : il prend du temps, car il commence et se termine ; il a un ordre qui n'est pas seulement des raisons mais aussi d’une succession chronologique (« Maintenant... » dit le deuxième paragraphe de la première Méditation, « la méditation que je fis hier... » poursuit la seconde : «... il sera bon que je m’arrête un peu en cet endroit... »

7. « Mais ne proposant cet écrit (le Discours de la méthode) que comme une histoire ou, si vous l’aimez mieux, que comme une fable, en laquelle, parmi quelques exemples qu’on peut imiter, on en trouvera peut-être aussi plusieurs autres qu’on aura raison d’imiter, j’espêre qu’il sera utile à quelques uns sans être nuisible à personne, et que tous me sauront gré de ma franchise. » (Discours I° Partie, Pléiade p. 127)

8. Discours de la méthode II° Partie, p. 132.

9. Titre complet du Discours : Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences plus la Dioptrique, les Météores et la Géométrie, qui sont des essais de cette méthode. Leyde 1637.

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n'est pas le fait d'une censure qui· réprime des contenus inavouables ou honteux, de ceux que l'on dissimule lorsqu'à la question : «A quoi penses­ tu? », on répond par l'étonnant: «A rien».

Nocturne ou diurne, ensom­ meillée ou vigilante, la conscience retrouvée garde le secret de ses lieux: son ailleurs d'où elle revient et où elle retourne est problématique.

Ce qui ne laisse pas d'inquiéter pour peu que l'on y réfléchisse, mais les exigen­ ces de la vie ordinaire sont si pressantes qu'elles épargnent le souci affé­ rent à ce type de questions.

Quand on dit «prendre conscience», on voit émerger cette évidence inquiétante ~t pourtant éloignée.

Le même ordinaire de l'existence qui interdisait à la conscience l'excès de souci et ce de manière salutaire, connaît soudain ou insensiblement une sorte d'inversion des valeurs: l'habituel, ·lieu rassurant des évidences massives de la réalité familière, devient un ailleurs où la conscience ne se sent plus chez elle.

Que fait· elle ici? Ne s'est-elle pas trompée en s'éveillant, ou plutôt ne sommeille­ t-.elle pas à présent qu'elle croit veiller? Rien n'a.changé pourtant: ni les lieux, ni les temps, ni les personnes !.

Pourtant fout est différent, donc cette différence vient d'elle.

Les premiers mots du Procès et de· la Métamor­ phose sont:· «Un matin ...

», c'est-à-dire la banalité même du quotidien, l'exemple même de ce qu'un «bon écrivain» doit éviter; or, par ces 8. »

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