Corrigé du texte de Kant : le Je et la conscience - « L'homme, nous dit Kant, est capable d'avoir la notion de lui-même, du Je. »
Publié le 22/01/2012
Extrait du document
(Introduction)
« Faisons l'homme à notre image, et qu'il domine sur les poissons de la mer, et sur les oiseaux des cieux, et sur toute la terre «, est-il écrit dans la Bible.
Pour Kant également, l'homme semble fait à l'image d'un dieu : créature supérieure à toutes les autres, être privilégié au sommet de la création, il affirme en tant que personne son pouvoir sur le monde des choses.
Dans un texte extrait de l'Anthropologie du point de vue pragmatique, ce philosophe allemand du xviiiesiècle nous explique les raisons et les conséquences de cette supériorité dont il voit la source dans la conscience de soi.
Que révèle ce pouvoir de dire Je ? Quelle est la valeur du passage à la conscience de soi ? C'est à ces questions que nous devons tenter de répondre, à travers l'étude de ce texte de Kant, puis sa confrontation avec les thèses plus récentes de la psychanalyse.
Remarques :
* Cette introduction sensibilise le lecteur au devoir qui va suivre, à la faveur d'une comparaison avec la Bible portant sur une idée majeure du texte.
* L'auteur et le texte lui-même ne sont présentés qu'après, comme pouvant nous éclairer sur le point précédent.
* Cela permet enfin d'introduire le sujet principal sous forme de questions et d'annoncer le développement.
«
changements auxquels il est sujet ».
La conscience en effet est une faculté de synthèse des diverses perceptionset des divers états de conscience dans le moi.
Je change dans le temps, mon caractère peut se modifier, la joie quim'animait peut bien laisser place à la tristesse ; mais à travers tous ces changements je continue à dire Je.
Celui quiétait tout à l'heure joyeux et qui maintenant est triste, c'est toujours moi.
Comme l'affirmera, bien après E.
Kant, unautre philosophe, Emmanuel Lévinas : « Dire moi, c'est avoir l'identité comme contenu.
» Cela n'est pas sansconséquence.C'est ce qui fait de l'homme un être supérieur : cela « l'élève infiniment au-dessus de toutes les autres créatures ».L'homme est ainsi un être à part, unique en son genre, et la frontière fondamentale se situe entre lui et les choses.Il est nécessaire, à ce stade, de préciser ce que nous pouvons entendre par choses.Bien que le texte n'en explicite pas le sens, il nous laisse supposer que sont considérés comme choses : les objets,inertes, privés de vie, dépourvus de pensée et de toute conscience en général, les animaux, êtres vivants, douéspeut-être de conscience mais pas de conscience de soi.Ainsi l'animal agit-il par instinct et non par raison ; il obéit à des impulsions et non à son jugement.
Sans doute sesent-il, pour reprendre l'expression de l'auteur à propos du jeune enfant, c'est-à-dire qu'il a un certain sentiment delui-même, mais il ne se pense pas.
Autrement dit, il ne peut accéder à la notion toute intellectuelle du Je.
Il n'estpas un sujet.En ce sens, il est une chose.
Et une chose s'utilise, elle n'est qu'un moyen pour l'être supérieur qu'est l'homme, quipeut donc « les traiter et en disposer à volonté » : l'animal, qui n'est pas une personne, n'est pas un être libre etresponsable de ses actes, et ne peut donc être sujet de droit au sens moral et juridique du terme.(Nous pouvons observer ici que Kant semble nous donner une version laïque du récit biblique de la Création, danslequel les animaux semblent créés pour l'usage de l'homme...) Cette conscience de soi est propre à tout homme entant qu'homme.En effet, dans un second temps, Kant nous avertit qu'il ne faut pas se fier aux apparences du langage : il est deslangues qui ne possèdent pas de mot particulier pour exprimer le Je.
Ainsi en est-il de certaines langues àdéclinaison, des langues anciennes en particulier, comme le latin par exemple.N'en concluons pas, bien sûr, que les Romains n'avaient pas encore accès à la conscience de soi ! Ce n'est pasparce que le Je n'est pas exprimé qu'il n'est pas pensé : tout homme en tant qu'être pensant forme l'idée de lui-même.
(On peut d'ailleurs observer que les langues en question expriment en fait le Je par d'autres moyens : c'est lerôle de la déclinaison du verbe.
Si, en latin, amas signifie « tu aimes », amo signifie « j'aime ».) Arrivé à ce point dutexte, l'auteur, par la conjonction de coordination « mais », introduit toutefois une réserve dont il convient deprendre la mesure.
Si tout homme est capable de dire et de penser le Je, il n'y parvient toutefois pas aussitôt qu'ilcommence à parler.
C'est bien plutôt le fruit d'une évolution, ou plutôt d'une révolution.Le jeune enfant, remarque-t-il, parle d'abord de lui « à la troisième personne » jusqu'au jour où, accédant enfin auJe, « une lumière nouvelle semble en quelque sorte l'éclairer ».Comment ne pas lire dans ces quelques lignes écrites à la fin du xviiie siècle ce que les psychanalystes décriront unsiècle et demi plus tard sous l'expression de « stade du miroir » (voir J.
Lacan) ? Moment privilégié, momentextraordinaire où, entre un et deux ans, l'enfant, jusqu'ici indifférent à sa propre image, exulte et manifeste soncontentement parce qu'il se reconnaît.Mais ici surgit une difficulté : cela signifie-t-il qu'auparavant l'enfant restait semblable à l'animal ? Que cetteconscience de soi que tout homme semble posséder de manière native en lui, ne lui est donnée en fait que commepar accident, comme le produit d'une acquisition ?Il nous semble, en l'absence de précisions de l'auteur, que l'enfant doit plutôt être considéré comme un êtrepotentiellement raisonnable, ayant en lui cette faculté en puissance qui ne demande qu'un peu de temps pour semanifester en acte et devenir ainsi effective.« Une lumière nouvelle, écrit Kant, semble en quelque sorte l'éclairer.
» Cette lumière est bien celle de la raison,jusqu'alors ensommeillée mais non absente, et sans laquelle l'enfant ne pouvait accéder qu'au sentiment desoi, c'est-à-dire à une simple, confuse et immédiate perception de soi.
Désormais s'ouvre à lui un monde nouveau :« maintenant il se pense ».
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