Correction du devoir de dissertation n°1 « Peut-on jamais être maître de soi-même ? »
Publié le 06/11/2022
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«
PHILOSOPHIE
Correction du devoir de dissertation n°1 « Peut-on jamais être maître de soi-même ? »
1 ; (accroche) Etre maître de soi-même est en soi une expression imagée qui semble porter
l’idée que l’on pourrait s’approprier le moi comme s’il s’agissait d’une possession et donc
d’une chose ou d’un objet dont on pourrait disposer à volonté.
Cette expression, considérée
sous cet angle contraste avec l’idée positive que l’on attribue à la maîtrise de soi qui semble
impliquer à la fois rationalité et vertu.
2.
(explication des termes) Pourtant être maître de quelque chose c’est en effet disposer d’un
pouvoir total sur cette chose, c’est pouvoir en user selon son bon vouloir jusqu’à la détruire ou
l’aliéner.
C’est avoir des droits sur elle.
Ce qu’on entend dans le langage courant par maîtrise
de soi-même évoque plutôt l’équilibre et la modération, la fuite des excès.
Ce qu’il y a de
commun dans les deux sens c’est qu’on ne maîtrise bien que ce que l’on connaît et il faut
donc supposer pour se maîtriser, quelque soit le but, une connaissance de l’objet, et donc ici,
une connaissance de soi.
On aurait cependant tort de penser qu’être un maître, c’est
uniquement dominer et posséder, dans le contexte de l’éducation, il s’agit aussi d’élever,
d’éduquer et on comprend alors mieux pourquoi la maîtrise peut être connotée positivement.
De ce point de vue, être maître de soi, c’est se tourner vers le Bien et la connaissance, mais
c’est reconnaître alors qu’une telle tendance n’est pas naturelle et que bien des obstacles nous
en détournent.
3.
(Intérêt du sujet) De fait cette tension entre, d’une part, la simplicité et l’unité d’un Moi qui
se connaît et qui se maîtrise dans une parfaite transparence à lui-même et d’autre part, la
complexité et la dualité d’un Moi qui est tiraillé par des passions et des désirs qu’il ne
comprend pas et ne contrôle pas nous ouvre à la question des rapports entre la Conscience
réflexive, privilège que l’homme possède dans la connaissance de soi et la possibilité que nos
motivations appartiennent à un véritable continent noir que l’on nomme l’Inconscient.
4.
(problématique) On doit alors se demander d’une part s’il est jamais possible de
s’approprier ce « moi « en exerçant sur lui une contrainte et de ce fait se demander si la
volonté consciente peut faire plier à sa guise des émotions et des désirs ? Mais, si nous
répondons positivement, ne sommes-nous pas malgré tout le jouet de déterminations plus
profondes et la volonté n’est-elle pas qu’une illusion qui recouvre des pulsions ? Enfin, quand
bien même parviendrions-nous à une parfaite maîtrise nous-mêmes, cette maîtrise ne peut-elle
pas être critiquée dans la mesure où elle n’est pas nécessairement orientée vers le Bien mais
peut confiner à l’insensibilité ? Cela nous obligerait alors à définir le Moi comme une
nécessaire conjonction, un équilibre à trouver entre la souveraineté du Vouloir et la puissance
du Désir.
5.
(Annonce du plan) Dans un premier temps nous examinerons dans quelle mesure la
maîtrise de soi requiert une connaissance de soi et repose sur le triomphe d’une volonté qui
émane de la conscience et se retourne vers elle-même.
Dans un deuxième temps nous verrons
que cette souveraineté de la volonté est aussi contestable que celle de la conscience et que les
désirs reposant sur des motivations inconscientes l’emportent sans qu’il soit possible d’y
remédier.
Toutefois, une telle affirmation ferait de l’homme un être entièrement déterminé par
sa Nature ce à quoi il échappe précisément en raison de la nature duale de sa conscience qui
n’est ni un observateur surplombant mais impuissant, ni un démiurge se déterminant à tout
moment sans limites.
La connaissance de soi qui nous est conférée par la nature réflexive de notre conscience
trouve son aboutissement dans la Volonté et la Raison qui peuvent nous amener à
contraindre nos passions.
La conscience humaine a la particularité d’être réflexive, c’est-à-dire de pouvoir se considérer
elle-même comme un objet de connaissance.
Nous sommes capables de ne pas considérer nos
contenus de conscience comme de simples perceptions qui se succèdent sans que nous ne
puissions rien y faire.
Nous pouvons évoquer des souvenirs, faire preuve d’imagination à
notre initiative.
Nous pouvons donc agir sur nous-mêmes comme s’il s’agissait d’un objet
extérieur.
La conscience possède comme nous l’a expliqué Hegel une nature double étant à la
fois en-soi et pour-soi, mais puisqu’elle se définit par une certaine extériorisation dans le
monde.
Si produire une oeuvre ou un travail modifie le monde, il en va de même à l’intérieur
de la conscience : celle-ci peut agir sur elle-même et se modifier pour prendre conscience de
soi.
L’outil de cette maîtrise de la conscience sur elle-même est par excellence la volonté.
C’est la volonté qui permet d’agir dans le monde, d’agir sur son corps (lever la main) et, par
extension d’agir sur son esprit (repousser une pensée triste).
Les contenus de notre conscience
ne sont donc de ce point de vue pas considérés comme un flux mais comme une matière à
laquelle la volonté donne une forme.
Il faut donc imaginer que cette réflexivité a pour
prolongement le triomphe de la volonté sur les désirs.
Un penseur stoïcien comme Epictète
voyait ainsi la véritable liberté dans l’extinction même des désirs, extinction qui n’est
possible qu’à travers la domination qu’exerce la volonté sur l’esprit lui-même.
Puisque
l’esprit est dual, il peut mener en son sein une lutte dont la volonté sortira vainqueur parce
qu’elle est le consentement de l’esprit à ses propres désirs et ses propres actions.
Ainsi, la
connaissance de soi et la conscience de soi ne sont possibles que dans le but d’agir sur soi et
on ne peut agir sur soi que si l’on est actif et si l’on combat les passions qui semblent nous
faire agir comme des automates.
La volonté doit ainsi être vue comme le commencement
absolu de toute action.
Si l’homme est libre ce ne peut être qu’à travers la volonté comme
faculté d’échapper à l’enchaînement des causes et des effets qui existe dans la Nature
physique.
La volonté est alors la marque de notre autonomie, c’est « l’organe du futur » la
faculté qui fait naître ce qui est neuf.
Mener nos actions par la Raison est la deuxième grande possibilité qui nous est offerte de
nous maîtriser lorsque la volonté vient à défaillir.
Prenons ainsi l’exemple du joueur
compulsif, ce dernier ne peut s’arrêter de jouer au casino et de perdre de l’argent.
Quels que
soient les motifs psychologiques qui le mènent à sa perte, la compulsivité de ce comportement
semble écarter tout support de la volonté.
Toutefois, certains individus parviennent à une
connaissance suffisante de leur propre manque de volonté (aboulie) pour anticiper ces
comportements irrationnels et déraisonnables.
L’individu en question peut ainsi se faire
interdire de casino et prouver ainsi que la rationalité vis-à-vis de son propre comportement
l’emport sur la force mécanique qui le pousse à se détruire.
On voit dans l’Odyssée d’Homère,
Ulysse qui demande à son équipage de le nouer au mât pour ne pas succomber au chant des
sirènes qui peuvent l’entraîner à sa perte.
Comme l’explique Alain, dans ses Propos,
reconnaître l’existence d’un inconscient ne signifie pas accepter la supériorité indiscutable des
pulsions sur notre rationalité.
Nous sommes capables par la connaissance que nous avons de
nos faiblesses de remédier à celles-ci et de mettre en place des dispositifs qui l’emportent sur
nos motivations inconnues.
Il n’est donc pas nécessaire de trouver la cause de ces tendances si
l‘on parvient par la Raison à les orienter comme nous le souhaitons.
Se connaître soi-même,
ce n’est pas connaître les causes de ses pensées et de ses actes, c’est faire oeuvre d’un
jugement lucide sur soi et savoir par quels moyens ce jugement peut nous amener à adopter
des règles de pensée ou d’action.
C’est là encore en posant sa propre conscience comme un
objet extérieur sur lequel on émet des jugements, par la réflexivité que l’on obtient une
maîtrise rationnelle de soi.
Il n’est ici pas nécessaire d’avoir la capacité d’éteindre ses désirs
ou de supposer une toute-puissance de la volonté, il faut juste reconnaître que la Raison
circonscrit la conséquence de ses désirs et les défaillances de l’esprit.
C’est de la même
manière que nous tentons d’appliquer des méthodes de calcul pour réduire le risque d’erreur
mathématique.
Il faut reconnaître le caractère fini de notre esprit pour se doter de règles qui
lui permettent de mieux se diriger.
La conscience doit développer sa dimension d’anticipation
dans le temps que lui confère la raison.
Descartes réalise la synthèse de ces deux aspects lorsqu’il essaye de nous convaincre
d’adopter une méthode dans le Discours de la Méthode pour régler la manière de mener notre
esprit en matière de savoir et lorsqu’il nous invite à maîtriser nos passions dans le Traité des
Passions.
Descartes n’a jamais lui-non plus nié l’importance des passions et la difficulté à
maîtriser ces dernières.
Dans sa Lettre à Chanut, il cite par exemple un amour de jeunesse
qu’il éprouvait pour une jeune choriste dotée d’un léger strabisme qui le conduisit par la suite
à éprouver des sentiments amoureux envers des jeunes filles qui louchaient.
Toutefois,
Descartes souligne le caractère arbitraire et peu souhaitable de se laisser guider par de telles
tendances qui sont davantage la preuve de notre faiblesse.
Pour lui, la compréhension
rationnelle de l’origine de nos passions peut amener la volonté à prendre le dessus sur elle et
à les éteindre.
Pour Descartes, la volonté humaine est infinie, car elle est la seule faculté que
nous possédons à l’égal de Dieu.
Ce qui nous différencie de Dieu, c’est que notre volonté est
limitée par la finitude de notre esprit, de nos connaissances et par notre condition corporelle
qui nous limite dans l’espace et dans le temps.
De ce fait, puisque par ailleurs, l’existence de
la conscience est la première et la plus fondamentale des vérités que nous puissions connaître
à travers le fameux « Je pense, donc je suis » il semble que la conscience d’où émane la
volonté puisse agir de manière infinie sur elle-même.
La connaissance de soi et la volonté
permettent à Descartes de considérer que nous pouvons agir d’abord et par excellence sur
notre propre esprit aussi bien par la volonté qui va contraindre les passions que par la Raison
qui va nous prémunir de l’Erreur.
Il faut cependant reconnaître que quelques soient les règles dont on se dote et la volonté
dont on fasse preuve, nous demeurons principalement le jouet de passions parce que la
conscience réflexive est un phénomène qui ne résume pas notre « moi.
»
Les philosophes n’ont pas tous partagé l’optimisme de Descartes sur la volonté et certains ont
souligné qu’empiriquement nous sommes bien plus confrontés à la faiblesse de la volonté
qu’à sa force.
Il existe un nom pour désigner la faiblesse de la volonté, c’est l’acrasie.
De fait,
nous savons ce qui est bon pour nous ou pour autrui, nous en avons une connaissance précise
et pourtant il nous arrive de ne pas suivre ni ce qui est rationnel ni ce vers quoi notre volonté
tend et de faire des mauvais choix.
Le terme « s’en vouloir de quelque chose » traduit bien ce
phénomène on s’en veut de ne pas vouloir, on s’en veut car la volonté ou la raison a manqué à
notre action.
L’exemple du joueur compulsif nous montre qu’il existe des parades mais
combien de comportements similaires deviennent de la pure et simple addiction.
? Bien
souvent nous pensons que agir de manière A est bonne et pourtant nous choisissons B alors
que nous savons ce choix moins bon.
Cela souligne d’abord que la Raison à elle seule ne
saurait suppléer le manque de volonté.
Mains allons plus loin, n’est-ce pas la volonté ellemême qui est une faculté seconde par rapport aux désirs ? Aristote pense que c’est lorsque
notre rapport au monde sensible, matériel l’emporte sur l’exercice de notre intellect que nous
effectuons de mauvais choix.
Ce n’est pas tant la volonté qui est faible que les passions
puissantes.
Cela souligne par ailleurs que la maîtrise de soi n’est pas qu’une affaire de rapport
de la conscience à elle-même.
Il ne s’agit pas que d’une lutte intérieure entre la Volonté et le
désir, il s’agit d’une incapacité de la volonté et de la raison à trouver les règles du bien agir.
La volonté et la Raison nous permettent d’agir dans le monde de faire des actions efficaces
mais elles semblent impuissantes à nous faire agir au mieux lorsque plusieurs choix
s’imposent à nous parce que Volonté et Raison en outre ne se coordonnent pas toujours.
Peutêtre même la volonté n’est-elle que sous-tendue par des passions…
On peut par ailleurs critiquer toutes les théories de la réflexivité....
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