Correction de l'explication du texte de BERGSON
Publié le 28/12/2013
Extrait du document
«
• Deuxièmement, l'action humaine est intelligente, ce qui suppose de la part du sujet une activité de
réflexion logique et théorique sur les moyens et les fins de l'action personnelle.
Du côté de la nature, le mouvement physique ou le comportement animal sont parfaitement prédéterminés par les
lois de la nature ou l'identité génétique sans que l'individu soit capable de s'interroger ou de se projeter dans l'action à
accomplir.
C'est pourquoi l'action humaine, parce qu'elle suppose un écart dans la représentation entre la fin de l'action et
les moyens pour la réussir, est "mal assurée " alors que les phénomènes naturels, parce qu'ils sont absolument nécessités
par le déterminisme naturel, sont parfaits.
L'action humaine manque d'assurance parce qu'elle se fonde sur la conscience
et l'intelligence du sujet, facultés qui sont nécessairement limitées.
L'homme doit alors délibérer sur ce qu'il convient de
faire pour réussir l'action mais il n'est jamais certain d'y parvenir.
Il doit construire la totalité de ses moyens d'existence à
partir des ressources de sa propre raison et c'est son inventivité et son ingéniosité qui lui permettent de se garantir une
certaine pérennité dans la nature.
Mais l'homme n'est pas toujours ingénieux et il fait aussi l'expérience de l'échec, de
l'inefficacité ou des effets pervers de ses inventions.
Au contraire, les êtres naturels sont toujours parfaitement adaptés à
leur milieu et ils n'ont pas besoin de chercher à faire progresser leur existence car ils sont déjà entièrement tout ce qu'ils
peuvent être.
Les phénomènes de la nature sont les effets nécessaires de causes physiques involontaires et inconscientes
alors que les actions humaines sont les conséquences contingentes de motifs intentionnelles (volontaires et conscients).
L'intelligence de l'homme se définit ainsi comme la capacité à inventer les moyens efficaces de notre adaptation dans la
nature, ce qu'elle parvient à faire en inventant les sciences et les techniques qui sont les deux disciplines principales par
lesquelles l'homme construit son habitation artificielle dans le monde.
Si l'action humaine est tâtonnante, c'est parce qu'elle
progresse empiriquement en tentant de formaliser théoriquement les lois de la matière pour les mettre à son profit dans la
création d'objets artificiels.
L'intelligence de l'homme se cultive ainsi au rythme de l'histoire de la culture, qui approfondit
et améliore peu à peu sa connaissance de la matière pour y subsister le mieux possible.
De son côté par exemple, l'instinct
animal ne varie pas dans l'évolution naturelle parce que la nature l'a rendu déjà parfaitement efficace pour s'adapter aux
conditions de survie nécessaires à telle ou telle espèce.
Si l'homme hésite dans l'action, c'est parce qu'il est continuellement
attentif aux fins qu'il projette de lui-même et aux moyens rationnels qui permettent de les atteindre.
Avec le temps, il
accumule de l'expérience et du savoir-faire.
Sa nature perfectible, à partir de laquelle s'actualisent toutes ses disposition
naturelles, le distingue de la nature où tout est déjà et toujours parfaitement ordonné.
L'histoire de la culture se présente
alors comme l'effort du travail humain à trouver les manières intelligentes d'exister dans la nature.
Par son intelligence,
l'homme transforme son milieu et se forme lui-même.
Par la culture, l'homme invente son monde et sa nature ; il est
l'artisan libre de lui-même quand les autres êtres sont entièrement faits et contraints par la nature.
• Finalement, l'action humaine est aussi la seule qui soit morale.
Parce qu'il s'interroge sur ses actes et sur la manière de les accomplir, l'homme leur accorde une valeur en bien ou
en mal, c'est-à-dire une valeur morale.
La représentation qu'il a de sa propre existence fait que l'homme n'est pas un être
seulement de besoins, mais aussi de désirs: il a tendance à rechercher des biens qu'ils jugent être sources de satisfaction et
c'est pourquoi il a un rapport moral aux événements.
Il craint d'échouer ou espère de réussir, la crainte et l'espoir étant
deux sentiments moraux qui supposent la conscience de l'existence et la valeur morale de l'action.
C'est pourquoi la
conscience et l'intelligence exposent aussi l'homme à la possibilité du bonheur ou du malheur quand les autres êtres y sont
radicalement fermés.
S'il est le sujet actif de ses propres actes, l'homme a aussi conscience qu'il est aussi sujet passif et
soumis aux conditions nécessaires de la réalité naturelle comme la mort ou la maladie.
Sujet conscient de lui-même, il a
conscience de sa finitude, ce qui peut avoir une conséquence négative sur son équilibre moral s'il souffre de ces limites.
La
conscience peut en ce sens être une conscience malheureuse quand elle n'arrive pas à assumer moralement la limite
tragique et pathologique de l'existence individuelle.
2) Instinct et tranquillité
"Le reste de la nature s’épanouit dans une tranquillité parfaite.
Plantes et animaux ont beau être livrés à tous les hasards,
ils ne s’en reposent pas moins sur l’instant qui passe comme ils le feraient sur l’éternité."
Si l'homme est inquiet dans l'existence, c'est parce que la conscience l'éloigne de l'existence immédiate de la vie
naturelle, qu'elle soit inconsciente ou insensible.
Ayant conscience du temps qui passe et de la mort qui le menace, le souci
est la condition même de son existence.
Il a à être, à assumer son existence dans un temps en devenir où il projette ce qu'il
veut devenir et dans lequel il est toujours dans la mémoire ou l'anticipation de soi, dans la rétrospection ou la projection de
son être, ce qui l'empêche de vivre dans l'insouciance d'hier ou du lendemain.
De son côté, la nature, inconsciente et
immuable, est immergée dans l'instant présent, sans avoir la moindre représentation du mouvement du temps.
Dans la
mesure où elle n'a pas conscience du temps, elle n'en est pas affectée et se situe en ce sens "hors" de lui, participant ainsi
d'une certaine "éternité".
Comme le soulignait déjà Pascal, bien que l'univers soit infiniment plus grand et plus fort que
l'homme, de toute sa grandeur il ne sait rien quand l'homme tire la sienne de la conscience de sa misère.
De plus, le
temps de la nature est le cycle de l'éternel retour de l'identique: les saisons reviennent, le jour succède à la nuit, la lune et
le soleil passent les générations, et tout demeure dans un ordre rythmé, parfait et inflexible.
En revanche, le temps de la
culture est l'histoire incessante des révolutions et de l'agitation humaine : ce qui a été fait une fois ne se reproduira jamais
une seconde fois et l'événement humain est toujours singulier et irrégulier.
On a bien cherché à établir des lois de l'histoire
mais l'histoire elle-même dément les doctrines les plus visionnaires.
Les lois de la nature, elles, président aux mouvements
parfaitement réguliers de l'univers lequel maintient toujours son unité sans que rien ne soit en mesure de perturber son
2.
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