Corneille a écrit de la tragédie : « Sa dignité demande quelque grand intérêt d'Etat ou quelque passion plus noble et plus mâle que l'amour, telles que sont l'ambition ou la vengeance, et veut donner à craindre des malheurs plus grands que la perte d'une maîtresse. » Expliquer et discuter cette opinion. ?
Publié le 15/04/2009
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Les deux parties de cette dissertation sont indiquées par le texte même : expliquer — discuter. L'explication est donnée par les sujets précédents, par la doctrine de la tragédie grande. Le texte de Corneille vous dirige cependant ici vers les exemples qui devront nourrir votre développement; montrez comment dans les tragédies de Corneille, lorsque l'amour est en conflit avec quelque « grand intérêt «, c'est toujours lui qui est sacrifié (dans le Cid, dans Horace, avec Curiace), ou bien comment l'amour n'est qu'un « agrément « rejeté au second plan (Horace, Cinna, Nicomède, Mort de Pompée, etc.). Mais, quand on y regarde de près, le texte de Corneille pose un problème dont nous n'avons pas parlé explicitement. Comme exemple de « grand intérêt «, il cite l'ambition et la vengeance. Or ni l'honneur du Cid, ni le patriotisme d'Horace, ni la religion de Polyeucte, ni le patriotisme de Nicomède ne peuvent être appelés ambition ou vengeance.
Liens utiles
- Discuter, en l'appliquant à la tragédie du XVII, siècle, cette opinion de Corneille dans une lettre à Saint-Evremond : « L'amour est une passion trop chargée de faiblesse pour être la dominante dans une pièce héroïque; j'aime qu'elle y serve d'ornement, mais non pas de corps.»
- Racine, au dire de son fils, avait soumis sa tragédie d'Alexandre au jugement de Corneille : celui-ci dit à l'auteur qu'il avait un grand talent pour la poésie, mais qu'il n'en avait pas pour le théâtre. Sainte-Beuve, dans son zèle romantique, formule un jugement semblable : « Si Racine fut dramatique de son temps, c'est que son temps n'était qu'à cette mesure du dramatique. Est-ce vouloir le renverser que de déclarer qu'on préfère chez lui la poésie pure au drame et qu'on est tenté de
- Évoquant «ces ressemblances dissimulées, involontaires » qui éclatent «sous des couleurs différentes entre les chefs-d'oeuvre distincts» du même compositeur, Marcel Proust se demande dans La Prisonnière (À la Recherche du temps perdu, Pléiade, t. III, p. 761-762) où le compositeur l'a appris, «entendu», «ce chant différent de celui des autres, semblable à tous les siens», et répond : «Chaque artiste semble ainsi comme le citoyen d'une patrie inconnue, oubliée de lui-même, différente de
- Diderot, réfléchissant sur les conditions de la grande poésie, écrit : « Plus un peuple est civilisé, poli, moins ses moeurs sont poétiques... La poésie veut quelque chose d'énorme, de barbare et de sauvage... Quand verra-t-on naître des poètes? Ce sera après les temps de désastres et de grands malheurs, lorsque les peuples harassés commenceront à respirer. Alors les imaginations, ébranlées par des spectacles terribles, peindront des choses inconnues à ceux qui n'en ont pas été les tém
- George Sand a écrit, en 1860, un roman : Jean de la Roche, où l'héroïne, bien quelle l'aime secrètement, ne consent à épouser Jean de la Roche que lorsqu'elle le voit guéri d'un romantisme inquiet et fiévreux, lorsque sa passion exaltée est devenue un amour profond et sûr. Vous montrerez, à votre choix, soit comment un pareil roman symbolise l'évolution de George Sand, soit comment il reflète toute une évolution de la littérature et de l'opinion entre 1830 et 1860.