Devoir de Philosophie

Construire le monde à l'aide des mots de CASSIRER

Publié le 10/01/2020

Extrait du document

cassirer

Ce texte de Ernst Cassirer, philosophe allemand très proche du précédent dans le temps et par la pensée, est sous-tendu par une conception philosophique des rapports entre langage et pensée identique à celle de Merleau-Ponty.

Toutes les observations et les descriptions du parler enfantin ont insisté sur ce point ; elles ont fait ressortir la « révolution intellectuelle » qui éclate chez l’enfant au moment où s’éveille pour la première fois en lui la conscience du symbolisme verbal. «L’enfant —c’est ainsi que Stem4 décrit cet éveil— n’emploie pas seulement les mots comme symboles, mais il remarque que les mots sont des symboles et il est continuellement en quête de mots. Il vient de faire ici une des plus importantes découvertes de toute sa vie : à tout objet correspond pour toujours un complexe sonore qui le symbolise et qui sert à désigner et à communiquer ; toute chose a un nom. » Désormais s’éveille chez l’enfant un besoin presque insatiable de savoir les noms des choses, une véritable « faim de noms », qui se traduit dans des questions continuelles. Il se déclare chez l’enfant, comme un observateur le fait remarquer, une vraie manie de dénomination. Mais il ne me semble pas qu’on décrive, au point de vue psychologique, cette tendance en termes suffisamment exacts quand on ne voit en elle qu’une sorte de curiosité intellectuelle des choses nouvelles. Le désir de savoir, chez l’enfant, ne porte pas sur le nom en lui-même, mais sur la chose pour laquelle il a maintenant besoin du nom, et il n’en a besoin que pour la conquête et pour la stabilisation de certaines représentations d’objets. Quelques psychologues ont indiqué que le stade du langage où nous nous trouvons ici représente, au point de vue intellectuel, un progrès aussi important que l’apprentissage de la marche dans le domaine du développement corporel ; car, ainsi que l’enfant qui court n’a plus besoin d’attendre que les choses du monde extérieur viennent à lui, ainsi l’enfant qui pose des questions possède un moyen tout nouveau d’intervenir personnellement dans le monde et de se construire ce monde par lui-même. En poursuivant cette analogie, on peut dire que le nom et le savoir qui s’y rapporte jouent chez l’enfant le même rôle que la main qui le conduit et le guide dans sa marche, ou le bâton sur lequel il s’appuie. Armé du nom, il peut s’essayer à la représentation des objets.

Ernst Cassirer, Le langage et la construction du monde des objets (1933), trad. P. Guillaume, in Essais sur le langage, Minuit, 1969, pp. 46-47.

cassirer

« qui se traduit dans des questions continue lles.

Il se déclare chez l'enfant, comme un observateur Je fait remar quer, une vraie man ie de dénomination.

Mai s il ne me semble pas qu'on décrive, au point de vue psyc hologique, cette tendance en ter­ mes suffis amm ent exacts quand on ne voi t en elle qu'u ne sorte de curi osité intellec tuelle des choses nouve lles.

Le désir de sav oir, chez l'enfant, ne porte pas sur le nom en lui-mêm e, mais sur la chose pour laque lle il a maintena nt besoi n du nom, et il n'en a besoi n que pour la conquête et pour la stabi lisation de certaines représentations d'objets .

Quel ques psychologues ont indiqué que le stade du langage où nous nous trouvon s ici représen te, au poin t de vue intellectue l, un progrès auss i impor ­ tant que l'apprentissage de la mar che dans le domaine du déve­ loppement corporel; car, ainsi que l'enfant qui court n'a plus besoin d'att end re que les choses du monde extérieur viennent à lui , ainsi l'enfa nt qui pose des ques tions possède un moyen tou t nouveau d'i ntervenir personnellement dans le monde et de se construire ce monde par lui-même .

En poursu ivant cette analogie, on peu t dire que le nom et le savoir qui s'y rapport e joue nt chez l'enfant le même rôle que la ma in qui le condui t et le guide dans sa marche, ou le bâton sur leq uel il s'appuie.

Armé du nom, il peut s'essayer à la représentation des objets .

Ernst CASSIRER, Le lansase et la cons truction du monde des objets (1933), trad.

P.

Guillaume, in Essais sur le langage, Minuit, 1969, pp.

46-47.

POUR M1:=ux COMPRENDRE l E TEXTE Les observat ions de nombreux psychologues relatives au développeme nt du langage chez les enfants ne font que ren­ forcer la thèse d'une interdépendance entre les facu ltés de parler et de penser .

On pourra it commencer par noter naïve­ ment que plus les enfants connaissent de mots, plus ils savent de choses.

Mais là non plus (cf.

texte 5), il n'y a ma ni­ festement pas simple parallé lisme ent re la formation de repré­ sentations menta les des choses et la maî trise de leurs noms : c'est l'interaction entre les deux aptit udes qui permet leur élaboration simultanée.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles