Conscience et inconscient s'opposent-ils ?
Publié le 22/01/2004
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Le mot conscience vient du latin cum-scientia qui signifie accompagné de savoir. Etre conscient, c’est en effet agir, sentir ou penser et savoir qu’on agit, qu’on sent et qu’on pense. Le fait d’être conscient constitue donc pour l’homme un événement décisif qui l’installe dans le monde et lui commande de prendre position. Car l’homme, dans la mesure où il est conscient, n’est plus simplement dans le monde, chose parmi les choses, vivant parmi les vivants. L’homme « existe aussi pour soi, il se contemple, se représente lui-même, se pense et n’est qu’esprit que par cette activité qui constitue un être pour soi « : Hegel, Esthétique. Seulement avec la découverte de l’inconscient affirmé par Freud, s’accomplit décisive et radicale la dépossession du sujet, à travers la mise en question de sa souveraineté. La conscience de ses actes, de ses désirs, est en effet la condition requise d’un éventuel contrôle sur eux et c’est la conscience encore qui peut donner un sens à l’idée de responsabilité. Etre responsable, c’est en effet pouvoir répondre de soi, et c’est ce pouvoir que la conscience morale témoigne lorsqu’elle juge et condamne, affirmant ainsi la possibilité d’une maîtrise de soi sur soi. De la responsabilité nous ne serions nous en défaire, et pourtant il faut concéder à Freud qu’une partie de nous-mêmes nous échappe. Le tout est de savoir, si le conscient et l’inconscient s’opposent de façon irréductible ? Ou si la conscience est continuellement travaillée par l’inconscient ?

«
« Parce qu'alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensais qu'il fallait […] que je rejetassecomme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne resterait pointaprès cela quelque chose […] qui fut entièrement indubitable. »
Le doute de Descartes est provisoire et a pour but de trouver une certitude entière & irrécusable.
Or il est sûr que les sens nous trompent parfois.
Les illusions d'optique en témoignent assez.
Je dois donc rejetercomme faux & illusoire tout ce que les sens me fournissent.
Le principe est aussi facile à comprendre que difficile àadmettre, car comment saurais-je alors que le monde existe, que les autres m'entourent, que j'ai un corps ? Entoute rigueur, je dois temporairement considérer tout cela comme faux.
A ceux qui prétendent que cette attitude est pure folie, Descartes réplique par l'argument du rêve.
Pendant que je rêve, je suis persuadé que ce que je vois et sens est vrai & réel, et pourtant ce n'est qu'illusion.
Le sentiment quej'ai pendant la veille que tout ce qui m'entoure est vrai & réel n'est donc pas une preuve suffisante de la réalité dumonde, puisque ce sentiment est tout aussi fort durant mes rêves.
Par suite je dois, si je cherche la vérité :« feindre que toutes les choses qui m'étaient jamais entrées en l'esprit n'étaient non plus vraies que l'illusion dessonges ».
Mais le doute de Descartes va bien plus loin dans la mesure où il rejette aussi les évidences intellectuelles, les vérités mathématiques.
« Je rejetai comme fausses toutes les raisons que j'avais prises auparavant pour démonstrations.
»
Nous voilà perdu dans ce que Descartes appelle « l'océan du doute ».
Je dois feindre que tout ce qui m'entoure n'est qu'illusion, que mon corps n'existe pas, et que tout ce que je pense, imagine, sens, me remémore est faux.
Cedoute est radical, total, exorbitant.
Quelque chose peut-il résister ? Vais-je me noyer dans cet océan ? Où trouver« le roc ou l'argile » sur quoi tout reconstruire ? On mesure ici les exigences de rigueur et de radicalité de notre auteur, et à quel point il a pris acte de la suspicion que la révolution galiléenne avait jetée sur les sens (qui nousont assuré que le soleil tournait autour de la Terre) et sur ce que la science avait cru pouvoir démontrer.
« Mais aussitôt après je pris garde que, cependant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallaitnécessairement que moi, qui pensais, fusse quelque chose.
Et remarquant que cette vérité : je pense donc je suis,était si ferme et si assurée, que les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables del'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que jecherchais.
»
Il y a un fait qui échappe au doute ; mon existence comme pensée.
Que ce que je pense soit vrai ou faux, je pense.Et si je pense, je suis.
Le néant ne peut pas penser.
La première certitude que j'ai est donc celle de mon existence,mais comme pure pensée, puisque, en toute rigueur, je n'ai pas encore de preuve de l'existence de mon corps.Quand bien même je nierais que le monde existe, que mon corps existe, que je puisse penser correctement, je nepourrais remettre en cause ce fait : je pense, et par suite, je suis.
La volonté sceptique de douter de tout, l'idéequ'aucune vérité n'est accessible à l'homme, se brise sur ce fait : je pense.
Voilà le roc, voilà l'argile.
Voilà le pointferme grâce auquel j'échappe à la noyade dans l'océan du doute, par lequel je retrouverai la terre ferme de lascience vraie.
La difficulté provient de l'interprétation à donner à ce « je ».
Il n'est pas l'individu concret.
Ce n'est pas Descartes , homme du XVII ième siècle, c'est tout individu pensant qui peut dire « je pense donc je suis », pour peu qu'il refasse, pour lui-même, l'expérience entreprise.
Ce « je » est, par définition, désincarné ; tout ce que je peux affirmer, à ce moment, de l'itinéraire cartésien, c'est mon existence comme pensée, puisque, répétons-le, je dois encore, temporairement, nier l'existence du corps.
Les deux conséquences majeures que Descartes tire de sa découverte sont d'une importance cruciale pour l'histoire de la philosophie.
v D'une part Descartes montre que la nature de la pensée et celle de la matière sot différentes.
Ce qu'on nomme dualisme : « Je connus de là que j'étais une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser […] En sorte que moi, cad l'âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps.
» Le corps, en effet, n'est qu'une portion de matière, ayant une forme, et susceptible de recevoir du mouvement.
Lapensée est radicalement différente, c'est la faculté de concevoir, imaginer, sentir, vouloir.
Descartes ne nie pas que –en l'homme- il y ait interaction du corps et de la pensée, et il consacrera même un ouvrage, « Les Passions de l'âme » (1649), à ce qu'on nommerait aujourd'hui biologie des passions.
Mais il jette grâce au dualisme les bases de la science moderne, en limitant la physique à l'étude de la matière et de ses propriétés.
Ilfaut se souvenir qu' Aristote considérait l'étude de l'âme comme le couronnement de la physique, et que Pascal aura à batailler contre l'idée que la « nature a horreur du vide », comme si la matière était animée d'intention.
v D'autre part, dans l'expérience du « cogito », du « je pense », je prends conscience de moi-même comme pensée. Cela amènera notre auteur à identifier pensée et conscience, ce que contestera, outre Leibniz & Spinoza , Freud .
Avec le « je pense donc je suis », Descartes place la conscience, le sujet, à la racine de toute connaissance.
»
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