Connaît-on mieux ceux qu'on aime ?
Publié le 20/08/2005
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On peut distinguer deux façons d'attribuer la connaissance à l'amour: une première façon est celle del'intellectualisme, qui ramène à la connaissance tous les faits psychiques qui semblent s'en distinguer ; uneseconde façon est celle de la phénoménologie contemporaine qui, tout en admettant la spécificité desdifférentes catégories de faits de conscience, leur reconnaît un caractère cognitif ou « intentionnel », d'où lenom d'« intentionnalisme » que nous donnerons à cette théorie.A.
L'intellectualisme.
— La conception intellectualiste de l'homme peut se retrouver dans tous les chapitres dela psychologie qui traitent de faits attribués à quelque autre faculté que l'intelligence : l'intellectualisteprétend réduire tous ces faits à des faits intellectuels.
Pour lui, l'amour se réduirait à la connaissance : aimerquelqu'un consisterait à le reconnaître aimable-Les faits contredisent cette conception.
Il est des cas danslesquels nous jugeons un individu aimable, comprenant que d'autres l'aiment, mais sans éprouver nous-mêmescet attrait dénommé amour.
Inversement, nous éprouvons parfois des attraits auxquels ne correspondentencore ou ne correspondent plus les jugements que nous portons sur la personne qui nous attire : l'amour esttantôt en avance et tantôt en retard sur le jugement ; il se distingue donc de lui.B.
L'intentionnalisme.
— A la psychologie classique, trop souvent construite avec des abstractions, laphénoménologie veut substituer une étude plus objective fondée sur l'expérience immédiate et concrète : «Revenir aux choses elles-mêmes », tel est le mot d'ordre du fondateur de la phénoménologie, Edmond Husserl(1859-1938).
Mais Husserl avait appris de son maître Franz Brentano (1838-1917) le caractère intentionnel de la conscience, thèse que tous les phénoménologistes font leur.
Une desdonnées les plus évidentes de l'expérience, avant son interprétationdiscursive et sa traduction en concepts, est que la conscience ne serenferme pas sur elle-même, elle tend essentiellement vers un objet ;tout fait de conscience, qu'il soit d'ordre cognitif ou d'ordre affectif, estune attitude à l'égard d'un objet et implique par conséquent unecertaine connaissance de cet objet.
« La conscience, répètent lesphénoménologistes, est conscience de quelque chose ».Nous retrouvons la même idée chez les phénoménologistescontemporains, en particulier chez Jean-Paul Sartre : « Tout sentimentest sentiment de quelque chose, c'est-à-dire qu'il vise son objet d'unecertaine manière et projette sur lui une certaine qualité.
Avoir de lasympathie pour Pierre, c'est avoir conscience de Pierre commesympathique».Ainsi, la sympathie est un mode de connaissance.
Sans doute elle estelle-même déclenchée par une perception qui constitue ce qu'onpourrait appeler un mode de connaissance pure.
Mais, une foisdéclenchée, elle projette sur l'objet qui l'a provoquée une qualiténouvelle, un sens qu'il n'avait pas pour nous jusque-là, elle le faitconnaître autre.« Le sentiment de haine n'est pas conscience de haine : il estconscience de Paul comme haïssable ; l'amour n'est pas, avant tout,conscience de lui-même : il est conscient des charmes de la personne aimée.
(...) En un sens, le sentiment sedonne donc comme une espèce de connaissance.
(...) Mais ce n'est pas une connaissance intellectuelle».Que penser de ces observations et de la thèse que les phénoménologues fondent sur elles ?Leurs observations et leurs analyses sont fort justes et elles mettent heureusement en relief des faits tropnégligés par les psychologues.Il ne semble pas cependant qu'on doive se rallier à la thèse d'après laquelle l'amour serait un mode deconnaissance.
L'affectivité sensibilise nos fonctions cognitives, oriente le regard de l'esprit, mais c'esttoujours l'esprit qui connaît et non le coeur : « quand le coeur a des yeux, c'est l'intelligence qui lui prête sonregard ».
Il faut peut-être distinguer entre connaître un objet et connaître une personne.
Dans le premier cas, on peutaffirmer que l'on connaît mieux ce que l'on aime.
Cela semble être une vérité de bon sens: je connaîtrais mieuxla Grèce si j'éprouvais de l'intérêt pour ce pays que si je ne me sentais aucune affinité avec la culture grecque.De même, c'est bien parce que j'aime certaines disciplines que je ressens le désir de les étudier de manièreapprofondie.
Avec les personnes, le problème est plus difficile.
L'amour peut en effet reposer sur des illusions,.
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