Connaissons-nous mieux le présent que le passé ?
Publié le 04/02/2004
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Présent et passé: le traitement de la question «Connaissons-nous mieux le présent que le passé?« peut être considérablement orienté selon la définition et surtout l'extension données à ces termes. On peut en effet comprendre la notion de présent avec une certaine «épaisseur«. Le présent serait alors l'époque que nous vivons. Définition floue puisque pouvant varier en durée (de quelques jours à quelques décennies) et définition dépendante d'autres facteurs (politiques, sociologiques, épistémologiques ou purement individuels). Si l'on considère que le présent se réduit à l'instant, sans durée, sans épaisseur, on comprend que ce qui était présent selon la définition précédente devient immédiatement passé et la problématique s'en trouve changée.
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[III.
C'est le passé qui éclaire le présent]
Alors même que le passé se caractérise d'abord par son absence du monde dans lequel nous vivons, nous devonsconsidérer qu'il est plus facile à connaître que le présent lui-même.
Les événements qui l'ont constitué ont sansdoute perdu leur « actualité », mais c'est précisément ce qui autorise à en constituer une connaissance : nous n'ysommes plus engagés comme nous le sommes dans l'actualité, les événements les moins significatifs ont disparu dela mémoire collective, et le travail des historiens consiste bien, quelles qu'en soient les difficultés, à en proposer unecompréhension.Mais il faut ajouter aussitôt que le passé n'est évidemment pas entièrement absent du monde : en fait, il s'yprolongée et reste lié au présent parce qu'il le détermine.
En sorte qu'on aboutit à une sorte de paradoxe : pourconnaître un peu mieux ce qui constitue notre présent, il est sans doute nécessaire de connaître d'abord le passé.Si, par exemple, l'annonce apparemment brutale d'un événement nous surprend – un conflit entre deux payslointains –, c'est parce que nous ignorions la situation qui était celle de la région du monde en question.
Mais leparadoxe ne concerne pas que les aspects les plus graves du présent : c'est en réalité chacun de ses phénomènesqui trouve, au moins partiellement, son origine dans le passé, et qui nécessite donc que l'on se réfère à ce dernier sil'on veut en comprendre un peu mieux l'état actuel.
Car la connaissance, même à grands traits, du passé nous offrele recul que suppose toute connaissance : elle nous place en amont du présent, dans la position qui permet d'ensaisir la gestation et les transformations qui lui ont donné naissance.On doit considérer qu'un homme qui ne pourrait vivre qu'au présent serait soumis à une série ininterrompue demodifications auxquelles il ne pourrait trouver aucune signification, puisqu'il devrait se contenter d'en constaterchaque état en oubliant aussitôt le précédent : tout événement surgirait en quelque sorte du néant avant d'yretourner, serait insituable dans une chronologie ou dans une relation de causalité, et serait du même coupimpossible à caractériser, et à connaître.
[Conclusion]
Dans la mesure où le temps, dans son écoulement, n'est pas sécable en moments clairement distincts ou isolables,toute opposition se prétendant rigoureuse entre le présent et le passé est peu défendable : le présent lui-mêmedépend du passé, et seule une certaine connaissance de ce dernier, même vague, nous permet d'entreprendre unrepérage des caractères du présent.
En l'absence de cette connaissance du passé, nous serions totalementdémunis relativement au présent et nous ne pourrions en élaborer la moindre connaissance : face au présent, nousserions face à un monde en désordre, où la multiplicité des événements et des informations qui nous en parviennentnous plongerait dans un égarement complet..
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