Commentez et discutez cette citation de Paul Valéry : « L'homme moderne est esclave de la modernité : il n'est point de progrès qui ne tourne à sa plus com¬plète servitude... Il faudra bientôt construire des cloî¬tres rigoureusement isolés où ni les ondes, ni les feuilles n'entreront... On y méprisera la vitesse, le nom¬bre, les effets de masse, de surprise... C'est là qu'à certains jours, on ira, à travers les grilles, considérer quelques spécimens d'hommes libres.
Publié le 15/09/2014
Extrait du document
«
La machine travaille pour nous.
En quelques heures, elle nous
permet des déplacements qui jadis auraient demandé des mois.
De notre bureau d'ailleurs et même de notre lit, nous pouvons,
grâce
à elle, assister aux événements qui se passent aux divers
points de la planète, voire dans le cosmos.
Sans doute, la
science n'a pas
supprimé la mort; du moins a-t-elle doublé ou
triplé la durée moyenne de la vie et réduit considérablement
la douleur physique.
S'étant rendus " comme maîtres et possesseurs de la
nature '" pour reprendre ! 'expression de Descartes, les hommes
devraient, semble-t-il, se
trouver, bien plus que jadis, dans des
conditions favorables au développement de leur personnalité.
Or c'est le contraire que Paul Valéry croit observer : " L'homme
moderne, dit-il.
est esclave de la modernité.,,
Cet esclavage est dû d'abord à la vanité qui pousse à vou
loir paraître moderne: il faut être à la page en tous les
domaines.
Sans doute, il
est des créations du progrès auxquelles nous
tenons, non pour paraître modernes, mais parce
qu'elles contri
buent à notre bien-être réel.
Mais, la technique progressant à
une vitesse accélérée, il est difficile de se satisfaire de ce
que l'on
a.
Tous les jours quelque mieux se propose qui, non
seulement suscite de nouveaux désirs, mais encore altère sen
siblement la jouissance que procuraient des choses acquises
parfois à grand'peine.
La tension du désir passe par des hauts
et des bas, mais on ne parvient jamais à la détente qui libé
rerait.
La servitude qu'instaure le progrès s'étend jusqu'à l'activité
intellectuelle qui devrait bénéficier de l'enrichissement maté
riel résultant des progrès de la technique moderne.
Jadis, à peu
d'exceptions près, penseurs
et savants travaillaient par goût
personnel, bien souvent en amateurs et en tout cas dans un
climat de liberté.
Songeons aux expériences scientifiques de
Pascal et aux réflexions de Descartes dans son "poêle "· Com
bien, en comparaison, est austère le régime d'études de celui
qui, de nos jours, aspire à une carrière
intellectuelle! Il aboutit,
si un échec
à un examen ne l'arrête pas en route, au diplôme
ambitionné et, grâce à lui, obtient une chaire.
Mais il n'est libéré
des
servitudes de l'étudiant que pour assumer cel 1 es du pro
fesseur.
Aussi le progrès qui nous a valu ce qu'on a dénommé une
"civilisation des loisirs'" n'a pas élargi la sphère de notrcJ.
»
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