Commentez et appréciez cette pensée de Bergson : « La vraie connaissance a moins de rapports avec une information superficiellement encyclopédique qu'avec une ignorance consciente d'elle-même et accompagnée de la résolution de savoir. »
Publié le 15/09/2014
Extrait du document
«
connaissance est celle qui fait comprendre.
A qui me deman
derait si je connais le téléphone automatique, je répondrais par
la négative.
Sans
doute, je n'ignore pas l'existence de cet appa
reil; je sais m'en servir et je pourrais en donner une définition
convenable.
Mais je me reconnais incapable d'en faire la théo
rie, de vous expliquer son mécanisme en vous montrant ce qui
se passe
au central lorsque je forme un numéro d'appel.
Ce que
je sais
du téléphone automatique ne constitue pas une " vraie
connaissance
"· Au contraire, c'est une " vraie connaissance "
que j'ai du moteur à quatre temps : en quelques minutes, je
pourrais faire comprendre
au premier venu le fonctionnement
de cette machine.
Aussi, lorsque ma voiture s'arrête, je n'ai
ordinairement pas besoin
de recourir à un spécialiste, comme
je dois le faire lorsque mon téléphone ne fonctionne plus : le
plus
souvent, je me dépanne moi-même.
Tâchons maintenant
de préciser comment la connaissance
passe du niveau de la constatation, qui
constitue la pseudo
connaissance,
au niveau de la compréhension, sans laquelle il
n'est pas de "vraie connaissance "· Bacon, qui avait principa
lement en vue les sciences de la nature, a défini la vraie con
naissance d'un
mot célèbre : " vere scire, per causas scire '"
le vrai savoir est un savoir par les causes.
Mais notre définition
doit convenir à toutes les sciences, aussi bien aux mathéma
tiques
et aux sciences morales qu'à celles qui se rapportent à
la matière brute.
C'est pourquoi il faut modifier la formule de
Bacon
et définir la vraie connaissance comme une connaissance
par les raisons.
En effet, le mot raison convient spécialement
aux considérations
par lesquelles le mathématicien démontre
les propositions
qu'il a avancées, mais on appelle aussi raisons
les causes qui rendent compte des
faits du monde matériel et
les motifs ou les fins qui expliquent la conduite de l'homme.
Ainsi la pseudo-connaissance dont se contente le vulgaire s'ar
rête
au fait constatable : au vulgaire, il suffit de savoir ce qui
est.
La vraie connaissance remonte jusqu'à la raison de ce fait :
le savant
veut découvrir le pourquoi de ce qui est ; il aspire
même à
voir, non seulement dans le domaine des mathémati
ques, mais encore dans celui de tout le savoir, que, les données
de départ
étant posées, les choses ne peuvent pas être autre
ment qu'elles ne sont.
Illustrons ces remarques par quelques exemples.
" Le carré
de l'hypoténuse est égal à la somme des carrés construits sur
les deux autres côtés" : voilà un fait que nous pouvons cons
tater expérimentalement, en particulier en utilisant, ainsi que
le faisaient les géomètres avant
Pythagore, de petits carreaux.
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