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Commentez cette pensée de Françoise Sagan : « LA CULTURE, C'EST CE QUI RESTE QUAND ON NE SAIT RIEN FAIRE ». ?

Publié le 27/02/2008

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Un personnage de Françoise Sagan, Bernard, jeune écrivain sans talent et sans illusions, prenant conscience du vide de son existence, de la vanité des « voyages culturels », des « articles culturels » auxquels il s'emploie, déclare avec désespoir : « La culture c'est ce qui reste quand on ne sait rien faire ». Cette formule est en partie calquée sur celle d'Edouard Herriot : « La culture, c'est ce qui reste quand on a tout oublié ». Dans les deux cas la culture est un « résidu » mais, tandis que dans la pensée d'Herriot la culture est une quintessence de savoir, une substantifique moelle, la maxime désabusée de Sagan ne lui accorde plus de valeur; la culture est ici donnée pour quelque chose de négatif ; d'autre part, les intentions de ces deux pensées sont différentes. Herriot oppose la culture à l'érudition. L'érudition, c'est un savoir précis, littéral, abondant mais qui reste extérieur à la personne. A cette masse de connaissances que nous pouvons avoir pendant quelque temps mais que nous finissons par oublier, il faut préférer la culture, quelque chose que nous n'avons pas, mais que nous sommes réellement, un ensemble de dispositions intimes que nous avons véritablement acquises par un contact prolongé avec les grandes oeuvres littéraires ou artistiques. Françoise Sagan, oppose, dans sa boutade, la culture à la technique. Elle semble accuser la vanité de la culture en opposition avec l'efficacité des techniques et des savoirs spécialisés. Sa pensée semble révéler le complexe d'infériorité de « l'intellectuel » par rapport au technicien qui seul dispose d'un pouvoir réel. L'homme cultivé prend dans le mot d'Herriot conscience de sa valeur en s'opposant à l'érudit pédant. Dans la formule de Sagan, il saisit au contraire son impuissance au regard de l'homme du « faire », du technicien. Tel est le problème, éminemment actuel, qui nous est posé. Entre la culture générale et les techniques spécialisées, faut-il choisir ? Et que devons-nous choisir ?
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« N'est-elle pas l'expression de l'intelligence elle-même qui jouit de sa propre clarté en bâtissant les « belles chaînesde raison » et vérifie son pouvoir dans les applications techniques ? Et comprenons qu'on ne se fait pas une idée agénérale » de telle ou telle science.

Dans ce domaine, on ne connaît rien si on ne connaît pas le détail, si on ne suitle raisonnement en toutes ses articulations.

Une équation ne se comprend pas « en gros ».

Descartes déjà rejette lanotion littéraire et aristotélicienne de « vraisemblance » au profit de la rigueur scientifique.

Entre le vrai et le faux, iln'y a pas de demi-mesure.

Et, si la science n'est qu'une description mathématique de l'expérience, on conçoit qu'il ya autant de sciences que de régions expérimentales ; l'avènement de la science, c'est l'avènement des spécialités.Du tronc commun de la philosophie générale se sont détachés successivement au cours de l'histoire,mathématiques, physique, chimie, biologie et sciences humaines ; l'objet traditionnel de la culture littéraire,l'héritage des auteurs gréco-latins, est lui-même devenu la proie de diverses spécialisations scientifiques : philologie,grammaire, phonétique, archéologie, épigraphie, etc..

La précision et l'efficacité, deux règles d'or de l'action, sontdevenues la loi de la connaissance pure elle-même.

Connaître à fond, ne disons pas une science, c'est aujourd'huiimpossible, mais un secteur étroit et bien délimité à l'intérieur d'une science, cela n'apporte-t-il pas à l'esprit unenrichissement plus authentique qu'un savoir purement verbal de dilettante ? L'esprit n'est-il pas tout entier présentdans chacune de ses trouvailles, et l'approfondissement du singulier n'est-il pas la meilleure voie d'accès à l'universel? Goethe n'avait peut-être pas tort de soutenir que « bien savoir et bien faire une seule chose procure un plus hautdéveloppement que d'en faire à demi une centaine ».Mais insistons avant tout sur la vocation pratique du savoir moderne.

La culture traditionnelle, méditation surl'homme à travers ses œuvres, incline à la résignation moraliste : il faut que l'homme se connaisse, sache ses limiteset accepte sa condition.

Le savoir scientifique lié à la technique veut au contraire changer la condition humaine,ouvrir des perspectives d'avenir insoupçonnées.

Au sage cultivé dont toute la rhétorique vise, au fond, à nousenseigner à nous passer du bonheur, Diderot oppose le technicien moderne qui essaie de réaliser nos rêves et deconstruire des instruments de bonheur.

Si le technicien a l'œil fixé sur le présent, c'est pour nous fabriquer unmeilleur avenir.

Devons-nous donc, pour conclure, accepter le pessimisme du personnage de Sagan, et chanter les succès de latechnique spécialisée en rejetant le fantôme d'une culture générale désuète ?Ce serait assurément — pour reprendre une expression bergsonienne — ne quitter une frénésie que pour tomberdans une autre.

En fait, l'avènement du pouvoir technique ne saurait sonner le glas de la culture sans danger pour lasurvie de l'humanité elle-même.La culture demeure essentielle comme instrument d'une indispensable réflexion sur le pouvoir technique de l'homme.Certes M.

Guéhenno a raison de dire qu'il n'y a pas de culture désintéressée au sens de culture gratuite et qu' « ilfaudrait ne devenir plus savant que pour changer la vie et augmenter l'espérance ».

Mais, précisément, l'effroyablepéril suscité par le développement des armes nucléaires, ainsi que les dangers de « robotisation » constitués par lamécanisation de notre existence, soulignent avec éclat que la technique ne tient pas lieu de culture pas plus que lascience ne tient lieu de sagesse : « La technique, a écrit le R.

P.

Labertonuière, nous enseigne à nous servir deschoses.

Mais, saurons-nous nous-mêmes à quoi nous faire servir ? » La technique ne donne à l'homme que desmoyens d'action.

Elle reste muette sur les fins qui doivent guider notre conduite.

De là, les jugements ambigus del'humaniste cultivé au sujet de la technique : Socrate est le premier à faire l'éloge du technicien quand il s'agit derappeler à celui qui se paie de mots la probité d'un savoir réel et efficace.

A Alcibiade qui se mêle de politique sansrien savoir, Socrate cite sans cesse l'exemple du cordonnier et du pilote qui exercent avec succès un art qu'ils ontappris.

Mais il critique la technique oratoire des sophistes, parce que cette technique n'est pas au service del'homme.

Les critiques de Molière contre la médecine, de Pascal contre la casuistique, relèvent de la mêmepréoccupation : ici encore le spécialiste se laisse emporter par les règles de sa technique et oublie que toutepratique-doit être subordonnée aux besoins fondamentaux de l'homme»La fonction contemporaine — combien précieuse ! — de la culture est d'humaniser la technique.

A une époque où lesgraves conflit qui divisent l'humanité peuvent aboutir à sa destruction, il faut rappeler que la culture est un moyend'union entre les hommes « L'homme cultivé, écrit M.

Fernand Robert, c'est celui qui est toujours disposé à écouteret à comprendre ».

Oui, la culture est avant tout « ouverture d'esprit ».

L'homme cultivé est celui qui, par laconnaissance des grandes œuvres, des systèmes multiples et des civilisations diverses, est capable d'échapper à lasphère étroite de ses idées et de ses croyances personnelles.

Il peut, sans renoncer à ses opinions propres, entrerquelque temps dans un point de vue étranger.

« Dans culture il y a culte », disait Alain, c'est-à-dire politessefervente et respect de l'opinion d'autrui.

Ne reprochons pas à la culture de nous faire vivre seulement dans lepassé...

Le « sens de l'histoire » qu'elle nous donne en partage et qui fait, comme disait Fontenelle, qu' « un bonesprit cultivé est pour ainsi dire composé de tous les esprits des siècles précédents », ne nous rend pas inaptes àvivre dans le présent mais nous empêche d'être l'esclave du présent, et de confondre le « moderne » (révolu dedemain) avec l'éternel.

Une conscience cultivée est par là, tout simplement, comme dit justement M.

Jean Lacroix, «une conscience qui se situe ».Et quand bien même la culture n'aurait pas une telle portée, quand elle ne serait que « l'ornement du loisir »,faudrait-il pour autant la dédaigner ? Le rôle de la technique n'est, après tout, que de rendre le travail humain plusefficace, plus facile, plus rapide, afin de multiplier les loisirs.

L'homme ne se réduit pas à sa vie professionnelle.

Acôté de cette insertion active dans la collectivité que traduit notre participation à la technique, on ne saurait nier lerôle de la culture définie avec H.

Marrou comme « la forme personnelle de la vie de l'esprit ».. »

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