Commentez ce jugement de Théodore de Banville sur Baudelaire : « Il a accepté tout l'homme moderne, avec ses défaillances, avec sa grâce maladive, avec ses aspirations impuissantes. »
Publié le 28/06/2009
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INTRODUCTION Le succès persistant des Fleurs du Mal démontre bien que l'on peut voir en Baudelaire le précurseur des poètes contemporains. Théodore de Banville, percevant chez lui ces accents nouveaux, pouvait dire sur sa tombe : « Il a accepté tout l'homme moderne, avec ses défaillances, avec sa grâce maladive, avec ses aspirations impuissantes «. De fait, ce jugement met en lumière le ton souvent désespéré de l'oeuvre, source d'une esthétique nouvelle, mais aussi les tentatives de dépassement dont elle témoigne. I. LES « DÉFAILLANCES « DE L'HOMME MODERNE Cessant de magnifier l'homme, dont les poètes romantiques continuaient à exalter l'amour, la souffrance, la pensée, Baudelaire « accepte « la réalité, dans sa tristesse mesquine, que l'homme nie en vain. L'ennui Le mal du siècle, théâtral et parfois grandiloquent, devient chez lui « l'Ennui «, le « Spleen « ; il le présente en ces termes au lecteur qui se défend en vain d'être lucide : « Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat, Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère «.
«
La volupté Loin de célébrer l'équilibre et la clarté, cette poésie puise donc son charme dans les subtilités d'une sensibilité féline.
De cette rêverie langoureuse au culte de la volupté, il n'y a qu'un pas, et l'on sait avec quellesplendeur d'images Baudelaire évoqua la « déité noire »
« Statue aux yeux de jais, grand ange au front d'airain.
»
De cette sensualité pleine de remords, qui tourmente ses semblables, Baudelaire tire l'univers magique du Parfumexotique, de la Chevelure.
Quelque malsain que puisse être le culte de ces sensations, on ne saurait en nier lavaleur suggestive.
L'horreur Mais elles créent un climat douloureux d'insatisfaction, d'aspiration au néant, qui envahit de multiples poèmes.
Le Pendu de Cythère, la Charogne, nous entraînent dans un monde morbide, où les spectacles horribles,macabres et hideux se succèdent.
Tout un aspect de la poésie moderne naît là, et les surréalistes sont redevables àBaudelaire de cette brèche gigantesque faite au rempart du bon goût traditionnel.
Et ce n'est pas, quoi qu'on en aitdit parfois, le point d'aboutissement de l'esthétique baudelairienne.
Ses poèmes s'insèrent dans une enquête plusvaste, qui n'omet pas les aspirations de l'homme vers l'idéal.
III.
LES « ASPIRATIONS IMPUISSANTES »
La pensée de Baudelaire est fondée sur la prise de conscience d'une dualité inhérente à l'homme : « Il y a dans touthomme, écrit-il, à toute heure, deux postulations simultanées, l'une vers Dieu, l'autre vers Satan ».
La pureté Si les Fleurs du Mal peuvent annoncer par endroits les « déliquescences » du symbolisme, les images hallucinatoires du surréalisme, elles demeurent une œuvreclassique ; certains vers traduisent dans une forme impeccable une aspiration douloureuse à la pureté.
Sans doutele cygne voit-il son plumage terni dans la poussière parisienne, il ne demeure pas intangible comme dans le poèmede Sully Prud'homme ; sans doute Andromaque est-elle avilie, et l'albatros ridiculisé.
Mais de cet effort qui contraintles hommes à dépasser les compromissions pour accéder à une activité désintéressée, il demeure toujours quelquechose.
C'est l'exaltation de l'esprit momentanément vainqueur que chantent ces vers d'Élévation :
« Mon esprit, tu te meus avec agilité...Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides,Va te purifier dans l'air supérieur...
»
Il est vrai que ces tentatives, comme celles de Mallarmé plus tard, échouent souvent.
Mais il est un autre domainedans lequel le poète essaie de trouver « l'Idéal rongeur ».
La beauté Baudelaire fut un esthète remarquable et devança, dans le domaine artistique, les jugements de la postérité.
Son culte de la Beauté s'exprime souvent dans ses oeuvres critiques, et dans les Fleurs du Mal, il luiconsacre un hymne à la fois enthousiaste et désespéré ; il évoque son origine obscure, ses aspects paradoxaux :
«De tes bijoux, l'horreur n'est pas le moins charmant »,
mais elle demeure la grande consolatrice :
« Qu'importe, si tu rends...L'univers moins hideux et les instants moins lourds.
»
La déception, il est vrai, est proche de cette reconnaissance.
Dans un autre poème, la Beauté elle-même s'exprimeen ces termes, qui traduisent l'angoisse de l'homme devant son caractère inaccessible :
« Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierreEt mon sein où chacun s'est meurtri tour à tourEst fait pour inspirer au poète un amourÉternel et muet ainsi que la matière.
»
Ces échecs multiples entraînent le poète à la recherche d'un autre refuge.L'évasion Il aspire alors à l'évasion, celle des « paradis artificiels », celle du voyage surtout, d'un voyage magiquequi le mènerait vers d'étranges contrées, où tous ses désirs seraient satisfaits ; c'est le but de l'Invitation auVoyage :
« Là tout n'est qu'ordre et beauté,Luxe, calme et volupté.
»
Rien de plus illusoire que cette fuite dans l'imaginaire — et le poète le sent bien —, aussi les Fleurs du Mals'achèvent-elles sur une invocation à la mort, seule issue possible après tant d'aspirations déçues; mais l'espoirdemeure d'y trouver une solution :.
»
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