Commenter ce texte de Poincaré : « La foi du savant ne ressemble pas à celle que les orthodoxes puisent dans le besoin de certitude. Il ne faut pas croire que l'amour de la vérité se confonde avec l'amour de la certitude [...]; non, la foi du savant ressemblerait plutôt à la foi inquiète de l'hérétique, à celle qui cherche toujours et qui n'est jamais satisfaite.»
Publié le 04/04/2009
Extrait du document
-
INTRODUCTION
Les étonnants progrès réalisés par la science moderne dès le milieu du XIXe siècle ont engendré de grands espoirs. En énonçant la loi des trois états, Auguste Comte voulait dire que les explications scientifiques devaient désormais se substituer dans tout domaine aux explications théologiques et métaphysiques. Et nombreux sont ceux qui ont pensé qu'on pourrait trouver une solution positive à tous les problèmes que se pose l'homme, aussi bien sur le plan pratique que dans l'ordre spéculatif. On appelle scientisme cette attitude qui consiste à faire confiance à la science et à croire qu'elle satisfait entièrement le besoin humain de vérité et de certitude. Mais il n'est pas sûr que cette attitude soit celle des savants eux-mêmes et la foi que les savants ont dans la science, telle que la définit Poincaré, est sans doute assez différente de cette foi naïve que professent ceux qui ne connaissent de la science que ses résultats.
-
I. D'UNE FOI ANTISCIENTIFIQUE DANS LA SCIENCE
- A - Le besoin de certitude. Valéry disait que la passion d'avoir raison est peut-être l'une des plus puissantes passions humaines. Ne va-t-elle pas, en effet, jusqu'à l'extermination de l'adversaire comme en témoigne un des sens populaires de l'expression «avoir raison« (avoir raison de quelqu'un). C'est que l'homme a besoin d'être certain et qu'il supporte mal tout ce qui pourrait le faire douter de ces certitudes. Ce besoin de certitude est évidemment lié à la nature même de l'intelligence dont la fonction essentielle est la recherche de la vérité. Il s'explique aussi par les nécessités de l'action : l'irrésolution, comme le remarquait Descartes, est le plus grand des maux; il est difficile de s'engager dans quelque entreprise sans être certain de la légitimité et de l'efficacité de son action. Enfin, le besoin de croire a dans l'homme des racines affectives car nos croyances répondent toujours à nos sentiments et à nos passions: «Ce que le désir engendre, notait Valéry, est toujours ce qu'il y a de plus clair«. Il ne faut donc pas s'étonner que l'homme cherche avidement quelque chose qu'il puisse croire, dont il puisse être certain.
«
théorie ondulatoire pour aboutir aujourd'hui à la théorie de la mécanique ondulatoire, qui n'est sans doute pas ledernier mot de la science.
D'ailleurs l'analyse même de la méthode et de l'esprit scientifiques nous fait bien voir quele savant ne saurait donner dans aucune espèce de dogmatisme.
Comme le dit Claude Bernard, on ne peut se livrerà la recherche scientifique qu'à la condition de garder une entière liberté d'esprit : « Le grand principe expérimentalest donc le doute».
L'esprit critique est la qualité maîtresse du savant qui doit rester toujours prêt à substituer unehypothèse à une autre si cela lui paraît nécessaire pour comprendre les données de l'expérience.
- B - Science et foi.
Il ne faudrait pas toutefois se faire une fausse conception de l'esprit critique.
Le savant n'est pas un sceptique : s'ildoute, c'est à la manière de Descartes, c'est-à-dire pour mieux découvrir la vérité et non à la manière de Pyrrhonqui nie toute vérité.
Il est clair, en effet, que la science se définit par la recherche de la vérité et qu'en ce sens lesavant est aussi éloigné du scepticisme que du fanatisme.
On peut même dire que le doute scientifique, comme ledoute philosophique, est l'envers d'une foi, la foi en la raison.
L'œuvre du savant est une œuvre rationnelle puisqu'ils'agit pour lui de découvrir l'intelligibilité du monde et cette œuvre suppose évidemment que l'on se fie à la raison età ses principes; c'est ce que voulait encore dire Claude Bernard lorsqu'il écrivait : «il faut croire à la science c'est-à-dire au déterminisme nécessaire et absolu des phénomènes».
On voit mal, en effet, comment le savant pourraitchercher à découvrir dans le monde un ordre intelligible s'il ne croyait pas à l'existence de cet ordre et à lapossibilité pour la raison humaine de le découvrir.
Mais il est clair aussi qu'une telle croyance est un acte de foi etc'est en ce sens que l'on peut parler d'une foi scientifique.
- C - La croyance, le doute et la foi.
On voit donc que l'expression «croire à la science» est une expression ambiguë qui peut être entendue en deux sensdifférents et ces deux sens correspondent aux deux mots croyance et foi.
La croyance proprement dite relève de lacrédulité : elles consistent à admettre certaines propositions comme vraies sans les avoir soumises à l'épreuve dudoute ; croire ainsi à la science, c'est lui accorder une valeur que l'on est incapable de justifier.
La foi au contraireest au-dessus du doute ; elle est une attitude volontaire par laquelle on donne un sens à son activité pratique ouintellectuelle ; croire à la science en ce second sens c'est se fier à la raison pour expliquer les phénomènes et c'estla condition même de la science.
Cela revient à dire que la foi du savant a pour objet les principes de la recherchescientifique plutôt que ses résultats.
Le savant sait qu'il en est réduit pour comprendre les phénomènes à faire deshypothèses et il s'efforce à la fois d'établir la valeur de ces hypothèses et de n'oublier jamais qu'elles ne sont quedes hypothèses.
Quand Newton disait qu'il ne faisait pas d'hypothèse, il voulait dire seulement qu'il ne faisait pas desuppositions gratuites mais qu'il proposait une représentation du monde susceptible de donner un sens auxapparences.
La foi du savant n'est donc pas celle de l'orthodoxe qui croit détenir la vérité mais, semblable à celle del'hérétique, elle cherche toujours et n'est jamais satisfaite.
«Ridicule, dit Alain, celui qui met un petit drapeau ausommet de ses pensées comme s'il se disait : maintenant, je n'ai plus rien à apprendre».
CONCLUSION
Il est donc clair que l'amour de la vérité, par lequel se définit l'homme de science, ne se confond pas avec le besoincommun de certitude.
Certes, les résultats de la science sont positifs et nous permettent de comprendre de mieuxen mieux le monde, mais ils ne sont jamais définitifs et ne nous dispensent pas de chercher une compréhensionmeilleure.
L'attitude scientifique est l'attitude rationaliste qui se définit à la fois par l'esprit critique et par la foi en laraison.
Le savant doute parce qu'il se fie à la raison.
Comme le disait saint Augustin: «Que la foi doive précéder laraison, cela même est un enseignement de la raison»..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- explication de texte simon weil et le besoin sacré de vérité
- Les cadeaux Il faut croire que les enfants ont été particulièrement sages cette année car jamais auparavant ils n'avaient reçu autant de splendides cadeaux.
- Il me faut voir enfin, s'il est en la puissance de l'homme de trouver ce qu'il cherche, et si cette quête qu'il a employée depuis tant de siècles, l'a enrichi de quelque nouvelle force et de quelque vérité solide.
- Schopenhauer, extrait de l'Art d'avoir toujours raison. « La vanité innée, particulièrement irritable en ce qui concerne les facultés intellectuelles, ne veut pas accepter que notre affirmation se révèle fausse, ni que celle de l'adversaire soit juste. Par conséquent, chacun devrait simplement s'efforcer de n'exprimer que des jugements justes, ce qui devrait inciter à penser d'abord et à parler ensuite. Mais chez la plupart des hommes, la vanité innée s'accompagne d'un besoin de bavard
- Faut-il ne jamais croire ?