Commentaire d’un texte de Nietzsche extrait de Schopenhauer éducateur.

« « (…) on aurait en lui davantage de confiance qu'en soi-même » : ce n'est pas le simple statut du philosophe quinous conforterait (désormais nous nous mettrons à la place du jeune Nietzsche et de l'individu éduqué en général,d'où l'emploi de la première personne du pluriel) dans une totale confiance.

Non, le philosophe aurait surtout uneexpérience et un recul sur la vie que nous n'aurions pas, et c'est sa lucidité sur les choses et sur nous-même quigarantirait la base d'une bonne éducation.

Mais Nietzsche précise « un vrai philosophe ».

Il s'agit d'une attaque àd'autres philosophes, donc.

Or quels philosophes sont très en vogue à cette époque et dont Nietzsche ne partagepas les idées? Hegel ? Ou bien encore Kant ? Nous pouvons par ailleurs nous douter que par « un vrai philosophe »,Nietzsche désigne Schopenhauer.

C'est le titre même de l'ouvrage dont est tiré l'extrait. L'auteur désigne l'acte de s'éduquer soi-même comme un « terrible effort » et un « redoutable devoir ».

Cela faitréférence au fameux « deviens qui tu es » ( Ainsi parlait Zarathoustra ) : nous devons faire l'effort de trouver notre particularité et de la développer.

L'acheminement vers cette particularité est l'éducation de soi.

Seulement nous nepouvons y arriver seuls, car cela implique de se poser les bonnes questions, pour ne plus être ce que l'on a vouluque nous soyons.

Seuls nous ne pouvons avoir de recul.

L'éducateur est ce recul, qui ne doit pas apporter denouvelles réponses, mais nous amener seulement à nous poser les bonnes questions pour que nous découvrions quinous sommes. Il y aurait par ailleurs un moment propice pour l'éducation de soi : « au bon moment je trouverais un philosophepour m'éduquer ».

Ce point n'est pas développé dans l'extrait, mais nous pouvons nous demander s'il s'agit du mêmemoment propice dont parle Descartes dans le début de la Première Méditation , quand il dit pourquoi douter « maintenant » à « un âge qui fut si mûr ». Il est nécessaire que nous soyons éduqués et ce par un philosophe (« un vrai »), qui aurait suffisamment de reculsur nous-mêmes pour que nous ayons une totale confiance en lui. Mais quels sont les deux manières d'éduquer très « en vogue » à l'époque de Nietzsche et qui pourraient être lesfondements de l'éducation que nous prodiguerait ce philosophe ? C'est dans un deuxième temps, que Nietzsche présente les deux principales éducations pratiquées couramment àson époque, en se demandant si l'une d'elle serait celle employée par son éducateur. Il s'agit de deux maximes, dont à première vue les fonctionnements semblent opposés. La première veut que l'éducateur ait pour rôle de repérer notre talent, notre point fort, et de nous accompagnerà développer cet unique talent, en nous encourageant à nous focaliser sur lui pour l'amener à maturation.Spécialisation, donc.

Un peu comme à la manière des théories de Platon sur l'éducation, qui veut que l'on repère lepoint fort d'un individu afin de l'amener à maturation : la spécialisation fonctionnelle.

Il y a ici singularisation del'individu. La deuxième exige de l'éducateur qu'il développe de manière équilibrée tous les aspects de la personnalité de lapersonne, sans en privilégier un seul en particulier.

Etre bon dans plusieurs disciplines, mais n'exceller dans aucuneen particulier.

L'éducateur ne cherche pas à faire ressortir un aspect de notre personnalité, mais à l'uniformiser etl'équilibrer : « faire régner entre elles [forces existantes] un rapport harmonieux ».

Il faudrait réduire l'individu à uneuniformité, une homogénéité, un peu comme l'équilibre des quatre vertus ( scientia , benefiscientia , fortitudo et temperentia , à savoir l'équilibre entre savoir, justice, courage et tempérance) dans la modestia de Cicéron. Deux maximes : la première soutient la singularisation de l'individu par le développement et l'aboutissement d'unseul et unique talent ; la deuxième veut que l'éducateur cherche à uniformiser les penchants et à les harmoniserentre eux, car ceux-ci, pris chacun à part, ne sont pas suffisamment affirmés. Mais ces deux maximes sont-elles seulement applicables ? En effet, dans un troisième temps, Nietzsche dégage les problèmes de ces théories en montrant à quel type depersonnes chacune peut s'appliquer, et il met la première maxime en perspective en utilisant un exemple. En effet, il s'appuie sur l'exemple de Cellini, dont le père chercha à contrarier les goûts.

Car le jeune Cellini avaitun penchant avéré pour l'orfèvrerie, et pourtant son père ne cessait de vouloir l'exercer à la musique.

Nietzschepense qu'en pareil cas, quand le talent et le penchant est aussi affirmé, il ne faut pas forcer l'individu à développerun autre talent, il faut se concentrer sur celui déjà existant.

Ce n'est pas ce qu'Alain dira plus tard : selon lui il. »