Commentaire du fragment 78 des Pensées de Pascal
Publié le 11/08/2012
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L’existence humaine s’inscrit dans le paradoxe entre la nécessité pour la raison d’éliminer l’imagination et l’impossibilité de cette action. L’imagination empêche l’homme de voir les choses telles qu’elles sont et d’accéder à la vérité, mais, sans elle, le monde ne serait pas appréhendable. L’imagination devient une seconde nature pour l’homme. A son incapacité d’atteindre une quelconque certitude, l’imagination créer un autre monde qui divertie l’homme de sa misère. Elle établit un certain ordre qui n’étant pas idéal, garantit du moins la paix civile. Les actions humaines ne se mettent en mouvement que par l’action de l’imagination : « qui ne branlent presque que par ses secousses «. Elle est à la fois omniprésente dans la spatialité : « en chaque lieu « et dans toutes les situations qui constituent la vie humaine : « toute circonstance «. Détruire le monde créé par l’imagination c’est retomber dans le néant. Le philosophe, est, sur cette planche, placée entre le néant et une vie possible quoique vacillante. La planche représente un intermédiaire entre le néant et la lumière divine, seule pouvant restaurer la perfection
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surement plus charitable.
L'expression « zèle tout dévot » apparaît profondément ironique du fait qu'il est complété par « renforçant la solidarité de sa raison parl'ardeur de sa charité ».
La charité, normalement désintéressée sert ici un intérêt personnel.
La charité peut être générosité mais compte tenu de la nature double del'homme, elle peut également correspondre à un mouvement d'orgueil.
Son « zèle dévot » et sa « charité » semblent composer l'attirail parfait du bon catholique.L'imagination ne s'attaque pas seulement à l'homme du commun mais aussi aux hommes garants de la stabilité sociale.
En cela l'imagination a un champ d'actionomnipotent qui bouleverse les fondements mêmes de la société.
Pascal convoque des exemples puissants pour que son interlocuteur en déduise que les hommes demoindre qualité ne peuvent non seulement pas la combattre mais ne peuvent même pas en avoir conscience.
Le réseau d'images a une valeur uniquementdémonstrative dans la mesure où il n'y a aucunes définitions concrètes.
Plus que des personnes, le magistrat, le prédicateur et le magistrat ne sont que de simplesinstances convoquées par l'argumentation pour balayer les différentes instances de la société : la justice, la religion, la culture.
Le commerce de tromperie et defausses apparences devient problématique quand il s'agit des garants de la stabilité sociale.Il est regrettable de constater qu'un magistrat âgé, respectable, pieux et charitable se gausse de son prochain alors qu'il est le modèle d'un peuple qui le respecte :« sublime » indique que le magistrat est au-dessus des erreurs grossières et « vaines circonstances » désigne l'accessoire par opposition à la nature profonde.
Cetexemple semble indiquer que même les chrétiens peuvent être abusés.Le second garant de la justice, l'avocat, est un homme convaincu qui joue de son hypocrisie.
En ne s'intéressant à une cause qu'après avoir été rémunéré, l'avocatréduit l'exercice de la justice à une simple profession au lieu de la considérer comme l'une des plus grande valeur de l'humanité.
La justice devient un simple produitde la coutume et de la corruption individuelle.
L'action de l'avocat provoque une disproportion de la cause à effet : un individu corrompu suffit à stipendier la justiceentière puisqu'un seul contre-exemple dévoile la faiblesse de la justice humaine.
L'expression « la justice de face » peut correspondre à une humanisation de la justicequi aurait un visage sur lequel s'exprimerait pensées et sentiments alors que la justice doit représenter l'impersonnalité, la justice de Dieu.
La face de Dieu est, eneffet, impossible à contempler.
Or l'avocat perd toute impartialité à partir du moment où il fait de l'argent une valeur supérieure à la justice.
« Face » peut égalementreprésenter la distinction du bien et du mal dans la justice.
En tombant sur l'un de ses côtés, la pièce matérialise la chute de l'homme qui, en se défaisant la justice, estdamné car en perdant la justice, l'homme perd Dieu.De même le philosophe, censé constituer un modèle de raison et de sagesse laisse l'imagination l'emporter sur sa raison lorsqu'il est confronté à l'expérience.
L'idéal del'enquête rationnel serait réduit à une simple fiction théorique.Le prédicateur n'est pas la simple victime de l'injustice et d'une méconnaissance de ses talents.
« Si le hasard l'a encore barbouillé de surcroît » peut s'interprétercomme un dérèglement biologique mais surtout désigne de nouveau les « vaines apparences ».C'est l'illusion de la grandeur des puissants qui nourrit le petit peuple et qui est garant de la paix civile.
Les formules de suspension : « je ne veux pas rapporter tousses effets » , « etc » sont des figures de prétérition marquent le champ d'action infini de l'imagination qui a détruit jusqu'aux garants mêmes de notre société.
La déraison devient donc universelle et touche à la nature même de l'homme.
L'imagination est omnipotente et impose sa loi à la raison même qui, loin d'accéder à lavérité, se révèle impuissante.
Un combat inégal s'instaure entre la raison et l'imagination.
A armes égales, l'imagination a une puissance de persuasion dont la raisonest desservie : « la plus sage prend pour ses principes ceux que l'imagination des hommes a témérairement introduits en chaque lieu ».
L'une est sur le plan de laconviction, l'autre sur celui de la persuasion donc l'une est dans l'équité alors que l'autre s'impose dans la subjectivité.
L'impuissance de la raison est matérialisée parl'exemple du philosophe qui devient une véritable scène de comédie.
Celui qui se targue de réfléchir au sens du monde est confronté à une situation de trivialitésaisissante.
Le garant de la raison perd toute crédibilité entre devenant un acrobate ridicule.
Le philosophe, même en ayant compris la nécessité de la position dedoute est influencé par l'imagination.
Il recherche l'équilibre mais, même lui qui recherche un point fixe, ne le peut à cause de l'imagination.
Le verbe « prévaudra » ala valeur d'un fait constaté dans le temps ce qui souligne qu'il en sera de même pour toujours.
Cela correspond à la puissance de l'homme qui pense mais qui est dansl'erreur du fait qu'il pense des choses en dehors de son pouvoir.
Le fragment est en lui-même un vertige.
La raison, pensée puissante et magnanime et permettant des'abstraire des aléas de la vie, se voit balayée par l'imagination.
« La faculté imaginante » contrôle donc l'esprit humain et les indices grammaticaux le confirment.Elle a très souvent une fonction de sujet, elle est donc celle qui agit mais aussi celle qui fait agir.
La série d'exemples allusifs relatifs aux superstitions satirisent laraison, semblent abaisser notre esprit à l'élémentaire.
Le bruit du charbon paraît réducteur face à l'enjeu de la question.
De même l'image de la girouette « plaisanteraison qu'un vent manie et à tout sens » parachève la destruction de la supériorité de la raisonnable.Le combat de la raison et de l'imagination se traduit dans les procédés d'écriture.
Il semble paradoxale que Pascal rejette l'imagination tout en l'exploitant lui-mêmepour persuader son destinataire.
A plusieurs reprises, il s'adresse à l'imagination de son interlocuteur pour mieux le toucher mais surtout pour mieux l'inciter à seméfier de cette faculté.
Il emploie l'hypotypose dont le ressort est l'imagination de l'auditeur par la mise en scène de personnages dans des exemples qui permettent dese représenter des scènes précises.
Si la logique ne suffit pas à convaincre le lecteur, l'imagination parachèvera le travail.
Ils permettent également la participation del'interlocuteur qui peut réfléchir seul aux jalons de réflexion posés par Pascal d'où l'utilisation du dialogue et des interrogations.
Les images convoquées font appel àun narrataire particulier.
Pascal définit le narrataire qu'il veut c'est-à-dire un public intellectuel, cultivé et présentant la souplesse d'esprit des honnêtes gens.L'imagination est personnifiée par des expressions comme « consentement » et peut se donner à l'imagination comme une femme fourbe et diabolique.
L'imagination,par son genre féminin, apparaît dangereuse et rappelle la figure d'Eve qui a insinué l'obsession de la pomme dans l'esprit d'Adam.
L'imagination et la persuasionparticipent également de la memoria.
Le fragment est composé de formules bien tournées qui frappent le lecteur et s'insinuent en lui, le travaille.
La prolepse brutalequi place la fin du raisonnement au début du fragment met en perspective la thèse, la rendant ainsi plus frappante.
L'alternance de phrases courtes et longues mettenten valeur la dureté des phrases périodiques.
« Je ne veux pas rapporter tous ses effets » est une phrase qui, dans sa brièveté, désigne en fait toute la puissance del'imagination.
L'esthétique de la répétition et des oppositions frontales du pour au contre participent également de l'esthétique de la memoria : le premier paragrapherépète la même idée afin qu'elle s'insinue définitivement en l'esprit du lecteur.
Enfin, les images marquent par leur aspect hyperbolique.
Elles ont quelque chose del'outrance baroque qui frappe l'imagination.L'existence humaine s'inscrit dans le paradoxe entre la nécessité pour la raison d'éliminer l'imagination et l'impossibilité de cette action.
L'imagination empêchel'homme de voir les choses telles qu'elles sont et d'accéder à la vérité, mais, sans elle, le monde ne serait pas appréhendable.
L'imagination devient une seconde naturepour l'homme.
A son incapacité d'atteindre une quelconque certitude, l'imagination créer un autre monde qui divertie l'homme de sa misère.
Elle établit un certainordre qui n'étant pas idéal, garantit du moins la paix civile.
Les actions humaines ne se mettent en mouvement que par l'action de l'imagination : « qui ne branlentpresque que par ses secousses ».
Elle est à la fois omniprésente dans la spatialité : « en chaque lieu » et dans toutes les situations qui constituent la vie humaine :« toute circonstance ».
Détruire le monde créé par l'imagination c'est retomber dans le néant.
Le philosophe, est, sur cette planche, placée entre le néant et une viepossible quoique vacillante.
La planche représente un intermédiaire entre le néant et la lumière divine, seule pouvant restaurer la perfection originelle.
Le philosophesur sa planche est ainsi tiraillé entre sa nature sensible et corrompue et la marque très ancienne de son innocence adamique.
En dévoilant la puissance del'imagination, Pascal dévoile la misère de l'homme qui, prisonnier de son imagination et de son corps, ne parvient pas atteindre la vérité.
Sa raison est humiliée maisle fragment ne donne pas de solutions pour dépasser l'aporie.
C'est au destinataire de comprendre que l'aboutissement naturel de la démonstration est dirigé vers Dieu.
De façon méthodique et systématique, Pascal en appelle à l'expérience de son interlocuteur, qui, forcé de constater la suprématie de l'imagination, peut mieux encerner les enjeux et les conséquences, à la fois sur la société et sur la condition humaine en général.
L'imagination est cette maladie contagieuse véhiculée par lessens, les émotions et les vices de l'homme et conduisant à une forme de folie pathologique.
La maladie « imaginante » trouve ses conséquences directes dans lesrapports sociaux.
L'imagination condamne l'homme aux illusions engendrées par l'apparence en influant sur ses opinions et en l'empêchant de s'extraire de la comédiesociale.
Le monde de l'homme est déraisonnable et dans un mouvement perpétuel dans la mesure où il est dépourvu de qui pourrait l'assurer dans une position destabilité.
La déraison est universelle et touche à la nature même de l'homme.
Etre double, l'homme fait partie intégrante du monde aménagé par l'imagination et nepeut s'en abstraire sans se condamner au néant.
La raison a besoin que l'imagination s'efface en partie pour pouvoir exercer son pouvoir ce qui n'est radicalement paspossible.
Le fragment se conclue sur une aporie irrésolue qui convoque successivement l'imagination et la raison de l'homme afin de mettre en valeur la seule.
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