Commentaire du chapitre XI de Zadig ou la Destinée.
Publié le 26/02/2010
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Histoire orientale« de François Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), Zadig ou la destinée fut publiée en 1747. Zadig s'appela d'abord Memnon, qui ne comportait que quinze chapitres. Selon Longchamp, secrétaire de Voltaire, ce conte aurait été composé chez la duchesse du Maine, à Sceaux où le philosophe s'était réfugié à la suite d'un incident au jeu de la reine à l'automne 1747. Longchamp a sans doute confondu ce séjour à Sceaux avec celui de l'année précédente. Mais il n'a aucune raison de se tromper lorsqu'il raconte que Voltaire lisait à la duchesse des chapitres de ses contes, en particulier de Zadig. Encouragé par les applaudissements, Voltaire décide de le publier en limitant l'impression à mille exemplaires. Il recourt à une ruse étonnante, donne la première moitié de son manuscrit à Prault et la seconde à Machuel. Chaque libraire doit lui abandonner sa moitié d'ouvrage. Il fait brocher les deux parties ensemble, qui paraissent en septembre 1748. Il révise le texte en 1752 et en 1756. Le chapitre XI nous place au centre de l'ouvrage. Menacé de mort à Babylone pour sa passion pour la reine Astarté alors qu'il officiait en tant que premier vizir, il doit s'exiler. Sur le chemin de l'Egypte, il vole au secours d'une femme battue par un Egyptien, tue celui-ci, est invectivé par la dame, arrêté comme meurtrier et vendu comme esclave. Accompagnant Sétoc, son maître, Zadig parvient à faire que celui-ci renonce à ses croyances héritées de l'Islam. Ensuite, il parvient à faire revoir une coutume très ancienne qui voulait que les femmes, dont le mari était mort, et qui voulait être sainte, se brûle sur le corps de leur mari en public. Ce chapitre est une nouvelle illustration du génie de la raison chez Zadig et de sa capacité à faire changer les mentalités. Nous verrons dans une première partie que ce chapitre constitue dans le récit un chapitre de transition ; puis, dans une seconde partie, de quelle manière le philosophe tel que le pense Voltaire, entre en action dans le domaine de la religion et de la loi.
«
Zadig apparaît ainsi comme un bienfaiteur de l'humanité : on retrouve ici la figure du Zadig comme premier vizir deBabylone.
Empreint des valeurs humanistes, il écoute les gens, s'en fait respecter et parvient à rendre la sociétéplus juste ; ce faisant, il applique à des régions diverses des valeurs occidentales qui ne leur correspondent pasnécessairement.
Cette critique, que l'on peut faire à Zadig et à la philosophie des Lumières en général, n'a pasvraiment de valeur dans le contexte : la philosophie des Lumières se veut être universelle en tant qu'elle prônel'existence de droits universels (comme le droit à la vie pour les veuves ici).
II La religion et la loi : le philosophe en action
A/ La religion Zadig met en valeur de façon très nette une opposition entre polythéisme et monothéisme.
Sétoc fait montre decroyances païennes.
Pour lui, l'armée céleste (c\'est-à-dire le soleil, la lune, les étoiles) sont à adorer car ces astressont éternels et règlent la nature sur terre.
Voltaire pousse son raisonnement à l'absurde, reprenant les croyancesanimistes qui prêtent à chaque chose sur terre une âme.
L'attitude de Zadig est assez singulière : le protagoniste singe les pratiques de son maître, remplaçant les étoilespar des flambeaux, montrant à Sétoc que tout, somme toute, est relatif, sous l'idée qu'une illustration vivante vautbien mieux son discours.
L'enjeu de cette évangélisation reste problématique.
Voltaire ne place pas ici son héros dans une dynamique athée,mais dans une perspective monothéiste.
Zadig ne cherche pas à faire renoncer Sétoc à toute croyance religieuse,mais plutôt à lui montrer combien le monothéisme « est plus intelligent » que le polythéisme, puisque l'on y adore leCréateur et non les créatures.
B/ La loi la raison pour laquelle Zadig remet en question « le bûcher du veuvage » est problématique.
On ne voit pasréellement apparaître le souci de la vie humaine, et encore moins un débat sur l'infériorité de la femme par rapport àl'homme (qui ne fait pas réellement encore débat au XVIII°s).
La raison alléguée est « le bien de l'Etat » : « Zadigremontra à Sétoc combien cette horrible coutume était contraire au bien du genre humain; qu'on laissait brûler tousles jours de jeunes veuves qui pouvaient donner des enfants à l'État, ou du moins élever les leurs; et il le fitconvenir qu'il fallait, si l'on pouvait, abolir un usage si barbare.
» Zadig se pose ici en philosophe politique plus qu'enphilosophe humaniste, probablement parce que c'est la façon la plus simple de faire abolir cette « coutume barbare».
le discours de la raison et de l'humaniste apparaît en tête-à-tête avec la veuve : Zadig sait moduler son discoursselon les interlocuteurs.
Il est intéressant de noter que Zadig en posture de philosophe ici, ne cherche pas àdémontrer rationnellement (comme il l'a fait pour Sétoc) l'absurdité de l'immolation à Almona, mais jour sur lesémotions de celle-ci.
Il en joue si bien, qu'à la fin de cette discussion, la dame répond vouloir l'épouser.
Zadig va ensuite voir les « chefs des tribus » pour « faire une loi par laquelle il ne serait permis à une veuve de sebrûler qu'après avoir entretenu un jeune homme tête à tête pendant une heure entière.
».
On constate l'intelligenceet la lucidité de Zadig-philosophe, qui ne propose pas d'abroger la loi, tant il sait que la tradition a une puissancetrès forte à cette époque (et encore aujourd'hui, et bien évidemment en France au XVIII°s : c'est sur la traditionque la monarchie absolue puise sa légitimité), mais d'y ajouter une limite.
Cette limite apparaît probablementdérisoire et inutile aux chefs des tribus pour qui cette modification ne doit rien changer et ils n'ont ainsi pasl'impression de changer véritablement la loi.
Zadig se joue d'eux : il apparaît en philosophe rusé et manipulateur.Voltaire nous dit que la raison ne vainc pas toujours sur les croyances et les traditions.
C/ La philosophie voltairienne l'illustration in vivo et le discours forment les deux voies principales et idéales pour convaincre son auditeur.
Zadigutilise et joue des deux, selon le problème auquel il se trouve confronté.
Zadig use de toutes les ressourcesdisponibles pour amener ses différents publics à devenir plus humains et plus rationnels, même si ces ressources nesont pas rationnelles.
L'esquisse d'une romance sentimentale : Zadig est tellement intelligent qu'il parvient à faire qu'Almona renonce à sebrûler vive, mais également à faire en sorte qu'elle tombe amoureuse de lui.
Le philosophe, et la raison en général,deviennent ainsi séduisants.
Almona devient dès lors littéralement « philosophe », c\'est-à-dire amoureuse de lasagesse.
L'ironie est également une des formes de la philosophie voltairienne : les propos rapportés par Sétoc et Almona sontrapportés de telle façon qu'ils paraissent ridicules.
On étudiera cette prise en charge de la parole erronée dans letexte et la structure du conte, et comment cette prise en charge ne sert qu'à mettre en valeur les défauts et leserreurs de ces discours dévoyés.
Le ridicule permet à la raison de triompher.Ce chapitre XI est donc un chapitre très dense, très vif, où Zadig fait une fois de plus montre de ces talents dephilosophe.
Tant dans le domaine religieux que juridique, il parvient en un laps de temps très court à bouleverser descoutumes millénaires en Arabie.
Zadig est une forme accomplie de l'homme éclaire formé à l'école des Lumières.
Onretrouvera ce Voltaire dans le « Traité sur la tolérance ».
Sujet désiré en échange :
Rédiger une préface pour le recueil les Fleurs du mal de Baudelaire ?.
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