Commentaire de texte: « Pour l'artiste, la couleur, le bouquet, le tintement de la cuiller sur la soucoupe sont choses au suprême degré » Sartre
Publié le 09/06/2013
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Dégagez l'intérêt philosophique du texte suivant en procédant à son étude ordonnée:
Pour l'artiste, la couleur, le bouquet, le tintement de la cuiller sur la soucoupe sont choses au suprême degré; il s'arrête à la qualité du son ou de la forme, il y revient sans cesse et s'en enchante ; c'est cette couleurobjet qu'il va transporter sur sa toile et la seule modification qu'il lui fera
subir c'est qu'il la transformera en objet imaginaire. Il est donc le plus éloigné de considérer les couleurs et les sons comme un langage. Ce qui vaut pour les éléments de la création artistique vaut aussi pour leurs combinaisons : le peintre ne veut pas tracer des signes sur sa toile, il veut créer une chose ; et s'il met ensemble du rouge, du jaune et du vert, il n'y a aucune raison pour que leur assemblage possède une signification définissable, c'est-à-dire renvoie nommément à un autre objet (...) L'écrivain peut vous guider et s'il vous décrit un taudis, y faire voir le symbole des injustices ,sociales, provoquer votre indignation. Le peintre est muet : il vous présente un taudis, c'est tout; libre à vous d'y voir ce que vous voudrez.
La comparaison entre art et langage est fréquente, elle peut même être illustrée par des esprits respectables (Lévi-Strauss, par exemple), mais estelle justifiée ? Si l'on analyse les constituants d'une œuvre d'art, y rencontre-t-on les signes et un mode de les combiner qui constituent un langage ? Sartre soutient ici le contraire.
Introduction.
1- L'objet représenté est singulier.
2- L'œuvre plastique n'est pas conceptuelle.
3- Particularité de la littérature.
Conclusion.
«
de la forme l'objet n'est qu'une position dans l'espace, qui ne s'articule sur
rien d'exté rieur à lui -même.
Or, ce qui se trouvera sur la toile achevée demeure de même nature :
cou leur -objet, localement disposée, inscrite en son lieu précis, mai s là
encore dénuée de signification par elle -même.
La seule modification
intervenant est la transformation de l'objet réel en objet imaginaire, mais il
est clair qu'elle ne lui confère pas davantage de sens ; bien au contraire, elle
prive désormais l'objet peint de tout rapport possible avec une intention.
Sartre sous -entend ici ce qu'énonçait Kant : l'œuvre d'art est indépendante de
nos intérêts pratiques ou immédiats.
De la sorte, la cuiller ou la soucoupe
sont totalement défonc tionnalisées, elles ne son t même plus cuiller pour
(faire fondre le sucre dans ma tasse), ou soucoupe avec (laquelle le mendiant
peut faire la quête).
Sans doute ne l'étaient -elles pas dès le départ pour
l'artiste, puisqu'il ne les consi dérait que comme des choses, mais elles ne
peuvent plus l'être désormais pour les autres, c'est -à-dire notamment pour
les spectateurs du tableau.
La cuiller peinte ne sert plus à rien, elle n'évoque
plus même la possibilité de son utilisation ou du geste qui la faisait tourner
parce que, désormais i maginaire, elle est coupée du réel et de toute pratique.
Si l'on veut à tout prix comparer les éléments de la peinture à un
langage, on ne peut donc que les assimiler, au mieux, à des signifiants sans
signifiés, vides ou, plus agressivement, creux.
De plu s, les combinaisons de
ces élé ments telles que les comprend Sartre sont également étrangères au
langage le peintre n'est préoccupé que par la création d'une chose -non pas
équiva lente à celle d'origine, mais qui portera cette fois le nom de tableau.
La ju xta position des couleurs (ou la définition des formes) ne vaut que pour
elle -même, de façon autonome : un tel « assemblage » ne possède aucune
signification définissable.
On peut en effet remarquer qu'un tableau est rarement titré par la
simple énumérati on de ses figures : on dira « nature morte » et non
accumulation de différents poissons, d'un saladier et de citrons.
Même
lorsque de telles œuvres sont, plus précisément en apparence, intitulées «
Bouquet avec coquillages et papillon », il est immédiateme nt évident que ce
qui compte dans la composi tion n'est pas ce qu'en disent ces mots (de toute
façon toujours communs et ne correspondant pas à une énumération précise
des éléments peints).
Si le tableau, par sa composition même, manque ainsi de «
signific ation définissable », il ne peut être ramené à un ou des concepts :
Sartre retrouve ce qu'affirmaient Kant et Hegel.
C'est que le rapport au
sensible (à ce qu'il nomme la chose) y est trop présent et empêche une
généralisation, condition minimale de la con struction d'un concept.
L'insistance sur les particularités de l'objet, sur ses qualités de matière et de
couleur contredit l'abstraction qu'implique nécessairement le passage au
concept : ce que montre une toile, ce n'est pas la notion abstraite de paysag e.
»
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