Commentaire de texte : Pascal, Pensées, 143 édition Brunschvicg (207) - Philosophie
Publié le 16/08/2012
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Divertissement. «On charge les hommes, dès l'enfance, du soin de leur honneur, de leur bien, de leurs amis, et encore du bien et de l'honneur de leurs amis. On les accable d'affaires, de l'apprentissage des langues et d'exercices, et on leur fait entendre qu'ils ne sauraient être heureux sans que leur santé, leur honneur, leur fortune et celle de leurs amis soient en bon état, et qu'une seule chose qui manque les rendrait malheureux. Ainsi on leur donne des charges et des affaires qui les font tracasser dès la pointe du jour. - Voilà, direz-vous, une étrange manière de les rendre heureux ! Que pourrait-on faire de mieux pour les rendre malheureux ? - Comment ! Ce qu'on pourrait faire ? Il ne faudrait que leur ôter tous ces soins; car alors ils se verraient, ils penseraient à ce qu'ils sont, d'où ils viennent, où ils vont; et ainsi on ne peut trop les occuper et les détourner. Et c'est pourquoi, après leur avoir tant préparé d'affaires, s'ils ont quelque temps de relâche, on leur conseille de l'employer à se divertir, à jouer, et à s'occuper toujours tout entier. Que le coeur de l'homme est creux et plein d'ordure(s) ! «
Pascal, Pensées, 143 édition Brunschvicg (207)
«
bonheur, ainsi l'idée de la mort ôte parfois toute capacité à jouir de la vie.
N'en est-il pas ainsi pour ceux que l'annonce d'une maladie à l'issue probablement fataleparalyse au point de ne plus être capables de profiter des joies qu'ils affectionnaient auparavant et de sombrer dans le désespoir ? L'ignorance heureuse et radicale deleur condition future est donc préférable pour ces individus.
Sans savoir ce qui va leur arriver, ils continueront à vivre normalement, en décalage avec la réalité.
Enrevanche, pour d'autres, la connaissance de la vérité est nécessaire.
Ainsi, une personne, apprenant qu'elle est condamnée, pourra choisir de profiter au maximum dutemps qu'il lui reste à vivre, au lieu de le perdre en futilités.
La vérité n'est donc pas nécessairement incompatible avec le bonheur et peut même être à l'origine d'uneforme de bonheur.
Il apparaît ainsi que, bien que difficile à assumer, la vérité n'est pas nécessairement en opposition avec le bonheur.
Derrière les proposcontradictoires de Pascal on sent bien pourtant que cette vérité ou acceptation de la réalité, pourrait même être à la base d'un bonheur plus profond.Cependant, on peut s'interroger sur la portée de la réflexion de Pascal.
En effet, son analyse semble, à priori, limitée.
Il s'attache apparemment à présenter l'éducationdes hommes, en tant qu'êtres masculins, puisqu'il évoque des occupations propices au bonheur qui leur sont spécifiquement destinées au XVIIe siècle, telles lesaffaires, mais qu'en est-il des femmes ? Il est important de rappeler que le statut des femmes à l'époque de Pascal était totalement différent de celui qui est le leur auXXIe siècle, la société alors ne se préoccupait guère d'elles.
De plus, Pascal ne prend en compte que la situation des classes aisées et des milieux intellectuelsauxquels il appartient.
On peut comprendre son attitude : les pauvres luttent avant tout pour leur survie et leurs activités ont pour but de satisfaire leurs besoinsélémentaires.
Enfin, Pascal, dans cette Pensée, n'échappe pas à son pessimisme habituel, en effet quelle que soit la voie choisie, étourdissement ou affrontement de lavérité, l'homme ne peut parvenir au bonheur suprême.
Son existence n'est qu'une suite de petites joies qu'il doit enchaîner sans répit et bien vite rendues vaines par lessoucis qui les accompagnent.
Cependant, sa vision de l'humanité est plutôt lucide : un bonheur matériel tient à peu de choses, d'ailleurs Héraclite d'Ephèse, dansFragments Originaux, ironise : « Si le bonheur était des jouissances corporelles, nous dirions les boeufs heureux quand ils trouvent du pois chiche à manger ».
Cebonheur est à la fois dérisoire et fragile, une maladie ou tout autre accident pouvant y mettre un terme.
Ainsi, il apparaît nécessaire de trouver une autre voie aubonheur, plus spirituelle cette fois-ci et, par conséquent, moins dépendante des aléas de la vie.
[Conclusion]Il apparaît ainsi que la majorité des hommes privilégient le bonheur matériel et aveugle, plutôt que la vérité et ce qu'elle implique : le doute, l'interrogation, la crainte.Ils préfèrent ainsi fermer les yeux et se leurrer pour supporter leur existence.
Les divertissements, au sens que leur donne Pascal, leur permettent de se détourner decette réflexion sur eux-mêmes, mais les rendent-ils vraiment heureux ? Rien n'est moins sûr, si l'on considère tous les tourments causés par ces multiplesdivertissements.
De plus, l'homme n'est jamais certain d'avoir oeuvré suffisamment pour assurer son bonheur et celui des autres, il est donc poussé à en faire toujoursplus.
Ainsi, selon Pascal, l'homme est nécessairement malheureux, soit du fait de ses préoccupations constantes, soit du fait de sa lucidité, cette vision pessimiste dudestin de l'humanité a de quoi troubler.
Au final, de deux maux, les hommes choisiront le moindre, s'étourdir pour la plupart, regarder leur existence en face pour lesautres.
Pour qui ne croit pas en l'au-delà, il est fort à parier que, pour supporter la fragilité de son existence, il sera porté à choisir la mascarade du divertissementplutôt que l'abîme de la vérité de sa condition mortelle..
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