Commentaire de texte : Nietzsche - Humain, trop humain
Publié le 18/04/2022
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«
EXPLICATION DE TEXTE
Friedrich NIETZSCHE - Humain, trop humain ; I, IV, 162.
Dans cet extrait de Humain, trop humain, Nietzsche s’interroge sur l’activité artistique, et
plus précisément sur la dé nition communément admise de l’artiste.
La question est de savoir si
l’opposition que l’on fait communément entre l’artiste et le technicien (ou l’artisan) est
philosophiquement justi ée : l’activité artistique suppose-t-elle, par dé nition, du « génie », c’està-dire, dans le texte, à la fois un pouvoir « d’intuition » et de « création », à l’inverse de l’activité
technique qui, elle, n’impliquerait rien d’autre que la maîtrise de règles préalablement apprises,
c’est-à-dire l’acquisition d’un savoir-faire ? Cette question est problématique : si l’opposition
entre l’artiste et le technicien est justi ée, la question se pose de savoir quel est, exactement, ce
« génie », et pourquoi les artistes seraient les seuls à le posséder ? N’y a-t-il pas non plus, par
exemple, un « génie » de l’activité technique ? D’où vient alors « cette croyance qu’il n’y a de
génie que chez les artistes ? » Inversement, si cette croyance est fausse, d’où vient maintenant
qu’elle soit si répandue ? Si l’opposition entre l’artiste et le technicien est une fausse opposition,
comment expliquer la croyance si communément admise en l’existence d’une telle opposition ?
La thèse centrale que l’auteur soutient est à la fois polémique et nuancée : entre l’artiste et
le technicien, il y a bien une distinction, très nette, mais cette distinction n’est pas absolue.
Selon
Nietzsche, l’activité de l’artiste ne requiert pas plus de « génie » que celui requis dans l’activité du
technicien.
Ce qui veut dire que le critère de distinction n’est pas le « génie » lui-même.
« Foncièrement », donc, l’artiste ne se distingue pas du technicien.
Là où, en revanche, il y a bien
une distinction, voire une opposition, c’est dans le résultat de l’activité artistique : les oeuvres que
l’artiste réalise, à l’inverse de celles du technicien, produisent une illusion.
Elles donnent à croire
que seuls les artistes possèdent du « génie » ; elles donnent à cette croyance fausse une
apparence de vérité.
L’argumentation de l’auteur est, dans ce texte, essentiellement réfutative.
Nietzsche
cherche à récuser la dé nition communément admise de l’artiste, celle qui est devenue
dominante dans le sens commun depuis le XVIIIe siècle, et qui est dé nie au milieu du texte
(lignes 9 à 12).
Selon cette thèse adverse, il y a une di érence absolue entre l’artiste et le
technicien.
L’activité artistique requiert, nécessairement, du « génie », et seuls les artistes, par
dé nition, possèdent du « génie ».
Cette thèse aurait d’abord, en sa faveur, un argument « intuitionniste ».
A l’inverse du
technicien, seulement capable de déduction, d’application et de méthode, l’artiste, lui, aurait, en
plus, de « l’intuition ».
Il serait capable de saisir immédiatement, sans raisonnement, l’essence
même des choses, i.e.
« l’être » au-delà des apparences.
Il aurait le pouvoir de voir les choses
telles qu’elles sont, et non pas seulement telles qu’elles nous apparaissent.
Comme une
« lorgnette », qui nous permet de mieux voir les choses, de manière plus précise, et donc d’avoir
accès à une réalité qui, sans elle, nous demeurerait inaccessible.
L’artiste aurait le pouvoir,
exclusif et exceptionnel, de nous dévoiler la réalité, c’est-à-dire de nous donner accès, au-delà
des apparences super cielles, à des réalités essentielles.
C’est par exemple le genre d'argument
que développera, quelques années après Nietzsche, le philosophe et mathématicien Bergson,
dans La pensée et le mouvant.
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Mais Nietzsche, lui, s’oppose à cet argument.
Même par anticipation.
Et il tente de le
réfuter au moyen d’une analyse des conditions requises pour voir ce que tout un chacun ne voit
pas.
Certes, à la faveur de la thèse adverse, Nietzsche lui-même le reconnaît, l’artiste est bien
capable de voir des choses que nous ne voyons pas.
Mais Nietzsche refuse une double idée :
d’une part l’idée selon laquelle cette vision de l’artiste serait une saisie de « l’être » même des
choses ; d’autre part l’idée selon laquelle cette vision artistique des choses serait une vision
rendue possible par « l’intuition »..
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