Commentaire de texte. « D'où viennent les idées qui s'échangent ? Quelle est la portée des mots ? » Bergson, Extrait du Rire
Publié le 08/06/2013
Extrait du document
Dégagez l'intérêt philosophique du texte suivant en procédant à son
étude ordonnée :
D'où viennent les idées qui s'échangent ? Quelle est la portée des mots
? Il ne faut pas croire que la vie sociale soit une habitude acquise et
transmise. L'homme est organisé pour la cité comme la fourmi pour la
fourmilière, avec cette différence pourtant que la fourmi possède les moyens
tout faits d'atteindre le but, tandis que nous apportons ce qu'il faut pour les
réinventer et par conséquent pour en varier la forme. Chaque mot de notre
langue a donc beau être conventionnel, le langage n'est pas une convention,
et il est aussi naturel à l'homme de parler que de marcher. Or, quelle est la
fonction primitive du langage ? C'est d'établir une communication en vue
d'une coopération. Le langage transmet des ordres ou des avertissements. Il
prescrit ou il décrit. Dans le premier cas, c'est l'appel à l'action immédiate ;
dans le second, c'est le signalement de la chose ou de quelqu'une de ses
propriétés, en vue de l'action future. Mais, dans un cas comme dans l'autre,
la fonction est industrielle, commerciale, militaire, toujours sociale. Les
choses que le langage décrit ont été découpées dans le réel par la perception
humaine en vue du travail humain. Les propriétés qu'il signale sont les appels
de la chose à une activité humaine. Le mot sera donc le même, comme nous
le disions, quand la démarche suggérée sera la même, et notre esprit
attribuera à des choses diverses la même propriété, se les représentera de la
même manière, les groupera enfin sous la même idée, partout où la
suggestion du même parti à tirer, de la même action à faire, suscitera le
même mot. Telles sont les origines du mot et de l'idée.
BERGSON
Lorsqu'il s'agit d'apprécier les pouvoirs du langage, la réflexion a sans doute intérêt à s'interroger d'abord sur son origine : d'où viennent les mots et quels sont leurs buts initiaux ? C'est ce que fait ici Bergson, et cela le mène finalement à souligner combien nos mots et nos idées sont liés à des préoccupations d'ordre avant tout pratique.
Plan
Introduction.
I- Caractère « naturel « de la vie sociale et du langage.II -Fonction initiale du langage.
III - La préoccupation pratique détermine les mots et les idées.
Conclusion.
«
II -Fonction initiale du langage.
III - La préoccupation pratique détermine les mots et les idées.
Conc lusion.
C o m m e n t a i r e
Lorsqu'il s'agit d'apprécier les pouvoirs du langage, la réflexion a sans
doute intérêt à s'interroger d'abord sur son origine : d'où viennent les mots
et quels sont leurs buts initiaux ? C'est ce que fait ici Bergson, et cela le
mène f inalement à souligner combien nos mots et nos idées sont liés à des
préoccu pations d'ordre avant tout pratique.
La première affirmation du texte peut d'abord surprendre : il n'est
pas habi tuel de soutenir que la vie sociale n'a rien à voir avec « une
ha bitude acquise et transmise ».
Cette dernière expression évoque en effet
un fait de culture, et l'on doit donc admettre que la vie sociale de l'homme
est indépendante de sa culture : comprenons que le besoin de vivre en
société est antérieur aux diffé rent es formations sociales et à leur diversité,
et que c'est en ce sens que la vie sociale relève de la « nature ».
C'est ce que confirme la comparaison avec la fourmilière : l'homme
et l'insecte sont destinés à s'intégrer dans une organisation.
Reste bien
en tendu une différence majeure : pour la fourmi, ce but est inscrit
relativement à des « moyens tout faits » (instinctifs), ce qui a pour
conséquence directe l'invaria bilité de la fourmilière, tant à travers le temps
que d'un exemplaire à un autre ; au cont raire, dans l'homme, il n'y a pas de
« moyens tous faits » : il faut alors « réinventer » des moyens pour réaliser
le but, c'est -à-dire pour vivre en société, et cela a pour conséquence une
variabilité des « formes », des solutions sociales (tant, à nouvea u, dans le
temps que dans l'espace : les sociétés se distinguent historiquement et
culturellement).
Le langage correspond au même besoin « naturel » que la vie sociale,
et même que les activités du corps (marcher, mais aussi bien respirer ou
man ger).
Et c'est également à partir de ce besoin naturel que peuvent se.
»
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