Commentaire de texte Auguste Comte
Publié le 14/05/2014
Extrait du document
« Les gouvernants voudraient faire admettre la maxime qu'eux seuls
sont susceptibles de voir juste en politique «
Dégagez l'intérêt philosophique du texte suivant en procédant à son
étude ordonnée :
Les gouvernants voudraient faire admettre la maxime qu'eux seuls
sont susceptibles de voir juste en politique, et que par conséquent il
n'appartient qu'à eux d'avoir une opinion à ce .sujet. Ils ont bien leurs
raisons pour parler ainsi, et les gouvernés ont aussi les leurs, qui sont
précisément les mêmes, pour refuser d'admettre ce principe, qui,
effectivement, considéré en lui-même, et sans aucun préjugé, soit de
gouvernant, soit de gouverné, est tout à fait absurde. Car les gouvernants
sont, au contraire, par leur position, même en les supposant honnêtes, les
plus incapables d'avoir une opinion, juste et élevée sur la politique
générale, puisque plus on est enfoncé dans la pratique, moins on doit voir
juste sur la théorie. Une condition capitale pour un publiciste' qui veut se
faire des idées politiques larges, est de s'abstenir rigoureusement de tout
emploi ou fonction publique : comment pourrait-il être à la fois acteur et
spectateur ?
Mais on est tombé, à cet égard, d'un excès dans un autre. En
combattant la prétention ridicule du savoir politique exclusif des
gouvernants, on a engendré, dans les gouvernés, le préjugé, non moins
ridicule, quoique moins dangereux, que tout homme est apte à se former,
par le seul instinct, une opinion juste sur le système politique, et chacun a
prétendu devoir s'ériger en législateur.
A. COMTE
Plan
Introduction.
1- Engagement et théorie sont incompatibles.
2- La tentation démagogique.
3- La liberté nécessaire aux publicistes.
Conclusion.
Devoir rédigé
Il est fréquent que des gouvernants soient critiqués par les citoyens :
on leur reproche de mal faire leur travail, ou de n'être pas plus aptes que
d'autres à l'exercice du pouvoir. De leur côté, ils se targuent au contraire
d'une connaissance des affaires publiques justifiant la place qu'ils occupent
« au sommet «. Comte, ici, conteste à la fois leur compétence et la prétention de quiconque à « s'ériger en législateur «. Ainsi renvoyés dos à
dos, les deux partis, bien que pour des raisons différentes, devraient
commencer par reconnaître que la politique est une affaire de spécialistes.
Tout individu qui assume le pouvoir est tenté d'affirmer qu'il lui
appartient de « voir juste en politique « : cette justesse ne paraît-elle pas
être, par définition, la condition du pouvoir ?
«
prétention de quiconque à « s'ériger en législateur ».
Ainsi renvoyés dos à
dos, les deux partis, bien que pour des raisons différentes, devraient
commencer par reconnaître que la poli tique est une affaire de spécialistes.
Tout individu qui assume le pouvoir est tenté d'affirmer qu'il lui
appartient de « voir juste en politique » : cette justesse ne paraît -elle pas
être, par défini tion, la condition du pouvoir ? Mais en face, les gouvernés
semblent bien ne pas être du même avis : ils reprochent volontiers aux
gouvernants leurs erreurs.
Du point de vue de Comte, les deux groupes ont
tort.
Pour lui en effet, c'est le fait même d'exercer le pouvoir qui empêche
de développer des jugem ents politiques appropriés, à cause d'un principe
général affirmant que « plus on est enfoncé dans la pratique, moins on dort
voir juste sur la théorie ».
Cette séparation rigoureuse du travail paraît,
telle qu'elle est ici affirmée, de portée universelle. En tout cas, elle doit
s'appliquer dans le domaine politique.
Une telle conception n'est pas nouvelle ; on la rencontre par exemple
chez Rousseau, bien que dans des termes assez différents : au début du
Contrat Social, Rousseau affirme en effet qu'il n'a ppartient pas au
gouvernant de dis serter sur les principes de la politique juste, mais de les
appliquer sans tarder.
Et c'est précisément, ajoute -t-il, parce qu'il ne
participe pas du pouvoir qu'il a le droit d'écrire à son sujet et d'en exposer
les fonde ments.
L'argumentation de Comte considère qu'un responsable politique est
trop engagé dans sa propre pratique pour avoir le recul nécessaire à la
formation d'idées justes en politique générale.
D'une certaine façon, c'est
l'idée qui fonde aussi sa critiqu e de l'introspection : je ne puis être
simultanément engagé dans une action et extérieur à la même action,
occupé à y réfléchir (thème qui connaîtra une longue descendance
lorsqu'on analysera les difficul tés des « sciences humaines » à conquérir
une « obj ectivité » qui ressemble à celle des sciences de la nature :
comment le sociologue, qui est bien inscrit dans une société, peut -il s'en
abstraire pour l'analyser ?).
En conséquence, celui qui veut réfléchir ou écrire sur la politique ne
doit aucunement y participer : « comment pourrait -il être à la fois acteur et
specta teur ? » La réflexion politique n'a rien de commun avec l'action :
l'affirma tion de Comte n'admet aucune dialectique entre les deux aspects.
À qui serait tenté de déduire d'une telle situ ation que les gouvernés,
puis qu'ils n'exercent pas le pouvoir, risquent d'avoir en partage, de façon «
ins tinctive », une juste opinion sur le système politique, aussi bien qu'une
capa cité législatrice, Comte réplique qu'il ne s'agit là que d'un préjugé ,
même s'il est moins dangereux que le premier.
Sans doute doit -on
comprendre que le gouverné manque de réflexion, et de formation aux
idées politiques : on n'est pas « par instinct », naturellement apte à débattre
en ce domaine.
11 y a dans la politique t rop de facteurs et de subtilité pour.
»
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