Devoir de Philosophie

Commentaire de texte Alain

Publié le 24/03/2019

Extrait du document

alain

CORRIGÉ DE L'EXPLICATION DE TEXTE N°1 On supporte moins aisément la passion que la maladie ; dont la cause est sans doute en ceci, que notre passion nous paraît résulter entièrement de notre caractère et de nos idées, mais porte avec cela les signes d’une nécessité invincible. Quand une blessure physique nous fait souffrir, nous y reconnaissons la marque de la nécessité qui nous entoure ; et tout est bien en nous, sauf la souffrance. Lorsqu’un objet présent, par son aspect ou par le bruit qu’il fait, ou par son odeur, provoque en nous de vifs mouvements de peur ou de désir, nous pouvons encore bien accuser les choses et les fuir, afin de nous remettre en équilibre. Mais pour la passion nous n’avons aucune espérance ; car si j’aime ou si je hais, il n’est pas nécessaire que l’objet soit devant mes yeux ; je l’imagine, et même je le change, par un travail intérieur qui est comme une poésie ; tout m’y ramène […]. Toutes les flèches sont lancées par vous et reviennent sur vous ; c’est vous qui êtes votre ennemi. Quand le passionné s’est assuré qu’il n’est pas malade, et que rien ne l’empêche pour l’instant de vivre bien, il en vient à cette réflexion : « Ma passion, c’est moi ; et c’est plus fort que moi. » Alain, Propos sur le bonheur (XXe siècle) La passion est généralement considérée comme ayant un caractère aliénant. Lorsque je suis sujet à la passion, je ne suis plus maître de moi-même. N'est-il pas courant d'entendre dire par celui qui, après avoir succombé à la colère, revient à lui : « je n'étais plus moi-même, c'est la colère qui parlait » ? C'était la colère qui parlait et pourtant c'est bien lui et non un autre qui a dit les mots. La passion, donc, ne m'est pas totalement étrangère. Elle est de moi et pourtant elle me déprend de moi. C'est peut-être là ce qui constitue le caractère si pénible et si dangereux de la passion. Le passionné se sent possédé par une force étrangère et pourtant cette force vient de lui, c'est lui qui subit mais c'est aussi lui qui agit. C'est ce qui fait dire à Alain, dans ses Propos sur le bonheur, que la passion se supporte moins aisément que la maladie. Car la maladie s'impose certes à moi, mais elle n'est pas de moi. Je ne suis pas, au moins directement, à l'origine de ma maladie. Elle ne dépend pas de moi. La passion, au contraire, se présente sous une figure tragique, c'est-à-dire d'une force qui s'impose à moi et me domine, force qui, pourtant, vient de moi, dont je suis l'origine involontaire et impuissante, tout comme Œdipe, dans la pièce de Sophocle Œdipe roi, est à l'origine de sa propre perte lorsqu'il jure de châtier le meurtrier de Laïos, meurtrier qu'il est lui-même sans le savoir. C'est ce caractère tragique de la passion que ce texte expose. La passion est tragique car le passionné ne saurait imputer la cause de son mal à nul autre qu'à lui-même, à lui-même qui, pourtant, n'y peut rien. Alain compare d'abord (lignes 1 à 3) la passion à la maladie, deux maux que leur passivité rapproche mais qui se distinguent par leur rapport différent à la nécessité. Il est alors en mesure (lignes 3 à 7) de comparer ce mal qu'est la passion à d'autres maux (la souffrance physique, la peur et le désir) afin de mettre en évidence la moindre gravité de ceux-ci : aucun de ces maux n'aliène véritablement la liberté du sujet. Au contraire, la passion (lignes 7 à la fin) vient de moi et s'impose à moi en dépit que j'en aie – je ne suis plus libre quand je suis passionné. La passion est d'abord quelque chose que je subis. C'est une affection, une modification de mon être. Je ne choisis pas ma passion, elle naît et grandit en moi sans que j'en sois l'auteur. C'est en ce sens que la passion peut être comparée à la maladie qui, elle aussi, est subie passivement. Le rapprochement de la passion et de la maladie que propose Alain dans ce texte repose sur une proximité étymologique qui mérite d'être signalée. En effet, le mot « passion » vient du grec « pathos » qui signifie la douleur et, plus largement, désigne ce que je subis dans une position de passivité, ce qui m'affecte. Or, la maladie est justement un tel type d'affection. Ne parle-t-on pas de pathologie pour qualifier l'étude des maladies ? La maladie m'affecte, je la subis. Je n'en décide pas. La mise sur le même plan des deux concepts n'est donc pas arbitraire, mais signale une parenté entre les deux phénomènes : la maladie et la passion sont, en premier lieu, des choses qui m&apo...

alain

« pathologie pour qualifier l'étude des maladies ? La maladie m'affecte, je la subis.

Je n'en décide pas. La mise sur le même plan des deux concepts n'est donc pas arbitraire, mais signale une parenté entre les deux phénomènes : la maladie et la passion sont, en premier lieu, des choses qui m'arrivent au sens où je suis le sujet passif qui subit ces affections.

Pourtant, ce rapprochement sert l'affirmation du caractère moins supportable de la passion (ligne 1).

Or, une telle affirmation, il faut le remarquer, ne va pas du tout de soi.

La maladie en effet est une altération de mon organisme qui est potentiellement douloureuse, voire mortelle.

La passion, en tant que telle, ne paraît pas avoir de telles implications nuisibles.

Le texte s'ouvre donc sur l'énoncé d'un paradoxe qu'il s'agira d'expliquer. Le caractère paradoxal de l'affirmation d'Alain appelle donc une justification.

Cette justification procède en deux temps.

Il faut d'abord montrer ce qu'est l'origine apparente de la passion.

La passion « paraît résulter entièrement de notre caractère et de nos idées » (ligne 2).

Il importe de souligner d'abord qu'Alain s'en tient explicitement à l'apparence.

Peut-être la cause réelle de la passion n'a-t-elle rien à voir avec notre caractère et nos idées ? Peut-être cette passion n'est- elle que l'effet d'un dérèglement de mon organisme dont je ne sais rien ? En toute rigueur, nous ne le savons pas car nous ignorons ce qu'est cette cause réelle.

Ce n'est d'ailleurs pas l'essentiel.

En revanche, ce que nous savons, ce que nous éprouvons, c'est que cette passion que nous subissons vient de nous, qu'elle est la conséquence de ce que nous sommes.

Si j'aime passionnément quelqu'un, je ne crois pas, je ne peux pas croire, que cet amour m'est imposé de l'extérieur, comme si un virus m'avait contaminé.

Il vient de moi, c'est moi qui aime de tout mon être.

Comme le dit Montaigne pour expliquer pourquoi il aimait tant son ami La Boétie : « parce que c'était lui, parce que c'était moi ».

La passion, contrairement à la maladie, dépend de moi quant à son apparition. L'origine apparente de la passion se distingue donc de celle de la maladie : nous ne croyons pas que la maladie vienne de nous.

Passion et maladie diffèrent donc quant à leur origine apparente. Mais à en rester là, on n'explique pas encore pourquoi la passion serait moins aisément supportable que la maladie.

Leur origine diffère, soit, mais encore ? C'est que la passion, bien qu'elle paraisse résulter de ce que je suis – et donc paraisse dépendre de moi –, « porte avec cela les signes d'une nécessité invincible » (lignes 2-3).

En effet, si j'aime passionnément quelqu'un, je ne suis pas libre de ne plus l'aimer.

Cet amour que j'éprouve paraît venir de moi, de ce que je suis, mais dans le même temps, il s'impose à moi.

Il ne dépend pas de moi de cesser d'aimer.

C'est pourquoi, comme l'écrit Aragon, l'amour peut être si douloureux quand l'être aimé est absent : « Sais-tu ce qu'il est long qu'on meure / A s'écouter se consumer / Connais-tu le malheur d'aimer ».

Le voudrait- on que l'on ne pourrait cesser d'aimer.

Bien qu'elle paraisse venir de moi, j'éprouve pourtant la passion comme absolument nécessaire, c'est-à-dire comme ne pouvant pas être autre qu'elle est, c'est-à-dire encore comme si elle ne venait pas de moi mais m'était imposée.

En ce sens, la passion ne laisse aucune prise à ma maîtrise ; elle me soumet.

C'est là ce qui permet, on le verra, de comprendre pourquoi la passion est moins aisément supportable que la maladie : la maladie, au moins, ne vient pas de moi, je n'y suis pour rien, alors que la passion paraît venir de moi.

Comme l'écrit encore Aragon dans le même poème : « Et de toi moi seul à blâmer ».

L'amant ne saurait accuser personne d'autre que lui du malheur qu'il éprouve. Au terme de cette première partie, le paradoxe apparent du caractère moins aisément supportable de la passion relativement à la maladie se dissout.

On comprend en effet que si la passion et la maladie sont toutes les deux des affections qui renvoient le sujet humain à sa passivité , la passion paraît pourtant trouver son origine non pas dans l'extériorité mais dans ce sujet même qui se trouve donc, d'une certaine manière, responsable impuissant de ce qu'il subit. A ce niveau, cependant, on peine encore à comprendre pourquoi la passion, en tant que telle, n'est pas aisément supportable.

La maladie altère mon organisme.

Mais la passion, pourquoi est-elle si difficile à supporter ? Pour le comprendre, il faut d'abord la comparer à d'autres maux. 2. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles