Commentaire de la première partie du chapitre 13 des Politiques d'Aristote.
Publié le 14/12/2009
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L'ouvrage Les Politiques présente les difficultés propres à la science politique et donne les premiers éléments de ce qu'est une philosophie politique. Il traite de la nature, de la cité, des constitutions, du citoyen et de l'éducation. Dans le chapitre 13 du Livre III des Politiques, Aristote soulève la question des prétentions légitimes à l'exercice du pouvoir. Il entend prouver que seules l'excellence et la capacité politique donnent droit au pouvoir. S'il ne s'agit pas pour Aristote de conclure quelle constitution choisir puisqu'il ne dégage pas dans ses travaux l'idée d'une constitution idéale, il établit dans le chapitre suivant un ordre parmi les constitutions « déviées « pour savoir laquelle est la moins mauvaise, après avoir montré sa considération pour les sociétés aristocratiques, qui donnent le pouvoir aux meilleurs. Le terme constitution doit être compris dans le texte comme une ½uvre humaine et politique plutôt qu'un document juridique. Une constitution déviée (ou déviante) est celle qui ne vise que l'intérêt des gouvernants. En revanche les conclusions qu'il porte sur cette première partie du chapitre l'amènent à critiquer l'ostracisme pratiqué envers les groupes distingués par leur excellence et qui seuls ont une légitimité pour exercer le pouvoir selon lui. On trouve dans le texte, sujet du commentaire, les trois éléments axes de sa réflexion que sont l'Un, le "petit nombre" (les meilleurs [aristoi]) et le "grand nombre" (la plupart [oi polloi]). Les prétentions à l'exercice du pouvoir par la richesse, la naissance ou encore le nombre sont-elles justifiées ? Dans un premier temps, Aristote expose l'apparente logique défendue par chacun des groupes ayant vocation à l'exercice du pouvoir. Puis, il démontre que les qualités invoquées par chacun d'eux peuvent parfois mieux être exprimées par d'autres, d'où le caractère incorrect de leur revendication. Enfin, après avoir résolu le problème des cibles de la loi (il faut légiférer en vue de l'avantage de tous les citoyens), il montre qu'un petit groupe d'excellence et de capacité politique sensiblement supérieure ne peut être considéré comme égal au commun des citoyens, étant lui-même assimilable à une loi.
«
Vient à Aristote de s'interroger sur l'existence de conflits relatifs à l'attribution des magistratures, c'est-à-dire del'exercice de la justice.Il sait qu'il n'a jamais été question de tels conflits entre les quatre catégories traitées précédemment.
En effet lesconstitutions sont différentes précisément au niveau des détenteurs du pouvoir, c'est-à-dire que c'est le texte de laconstitution qui donne droit à une catégorie particulière d'individus d'exercer le pouvoir.Aristote réoriente la question en présentant l'hypothèse où il faudrait choisir entre ces catégories.
La difficultéenvisagée immédiatement est celle d'un nombre trop faible d'hommes de vertu, les hommes de bien, si peu nombreuxqu'ils failliraient à leur tâche pour des raisons logistiques.Pour répondre à cette question, Aristote commence par mettre un terme à la validité des arguments déployés parchacune des quatre catégories ayant vocation aux honneurs politiques en soumettant des situations qui, si l'onutilise leur propre raisonnement, causeraient leur perte du pouvoir.
Il souligne que chaque qualité revendiquée peuttoujours s'exprimer en mieux chez un nouveau groupe ou même un seul individu.Or, si respectivement chaque catégorie suit sa propre conception de la justice, elle perd sa légitimité aussitôt quesa qualité substantielle, lui donnant droit au pouvoir, s'exprime radicalement mieux ailleurs.Ainsi, si une constitution prévoit l'exercice du pouvoir par les riches, un seul nouvel individu peut contrarier l'ordre s'ilest plus riche que tous les autres car le pouvoir lui serait dû par le droit constitutionnel.Tel est aussi le cas lorsque le pouvoir est à la noblesse puisqu'il existe une hiérarchie entre les hommes libressuivant la qualité du lignage.Il en va de même pour les aristocraties où un homme bien meilleur que les autres vertueux devrait logiquementexercer seul le pouvoir.Enfin, la logique est identique pour une société régie par la masse majoritaire légitimée par la force : on conçoitqu'un petit nombre, s'il est plus fort, s'installe légalement au pouvoir.Cette partie nous pousse déjà à déduire qu'il faut plutôt considérer l'excellence de l'expression d'une qualité plutôtque la simple existence de cette qualité qui ne suffit pas chez Aristote.Chaque revendicateur fait donc cette même erreur qui est à chaque fois la cause de l'équilibre précaire du pouvoir.Cela est d'autant plus vrai que les suppositions qui viennent d'être mentionnées sont facilement réalisables par lamasse qui peut, prise dans son ensemble, facilement devenir plus riche ou meilleure que le petit nombre.Clarifier ce point autorise Aristote à trancher la question des cibles de la loi, c'est-à-dire quels sont ceux qui doiventen bénéficier et s'y soumettre.De fait, comme la majorité peut bien être meilleure dans son ensemble que le groupe des meilleurs lui-même, il n'y aplus lieu de se demander si la législation doit favoriser les meilleurs ou la majorité.
C'est la cité toute entière, c'est-à-dire l'avantage commun de tous les citoyens, qui doit être considérée par le législateur.Pour Aristote la réponse n'aurait certainement pas été de légiférer en vue de l'avantage de la majorité.
Dansl'Ethique à Nicomaque, sur la nature du bonheur, Aristote dit que « les réponses de la foule ne ressemblent pas àcelles des sages ».
Il compare la foule et les gens grossiers en ce qu'ils ont des remarques identiques sur la naturedu bonheur qui tient dans le plaisir.
Ailleurs il écrit : « la foule se montre d'une bassesse d'esclaves ».
Plus loin : « lafoule ne demande pas à raisonner mais à sentir ».S'il admet que la foule puisse avoir une vertu supérieure, prise dans son ensemble, il infirme immédiatement cettethèse par la théorie des hommes providentiels, sans préciser quelle est l'essence de la légitimité et de la vertu deces hommes.La notion de « citoyen » s'interprète comme celui qui est à la fois gouvernant et gouverné, et si l'on envisage « uneconstitution excellente », la considération de la vertu vient s'enchevêtrer en ce que la vertu guide la réflexion et ladécision.
Enfin, Aristote envisage un groupe d'individus qui ne peut, en raison de son faible nombre, constituer une société àlui tout seul.
Si l'excellence de ces individus se démarque franchement de celle du commun des citoyens et de lacapacité politique de ceux-ci, Aristote souhaite que la loi fasse état de cette distinction.Ce groupe est supérieur aux autres sur le critère du citoyen car il connaît les causes et les fins comme le chef ou lesage.
Ses avis ont logiquement beaucoup plus de valeur.
Ce sont même les seuls avis qui comptent, les autrescitoyens n'ayant pas cette capacité politique si poussée.Ledit groupe constitué d'hommes de bien n'est pas égal aux simples bons citoyens du point de vue de cetteexcellence et de cette capacité politique.
Aristote va jusqu'à comparer un homme de bien à un dieu au milieu deshommes qui sont, eux, égaux par la naissance et la capacité.C'est par cette dernière distinction qu'il met en lumière l'existence, ou du moins le principe, d'un homme providentielqui est un centre irradiant comprenant l'ordre absolu des choses.
Il est le dirigeant idéal : il détient savoir, sagesseet raison, les qualités du philosophe.On retrouve ce genre d'homme évoqué par Platon (le philosophe-roi) et plus récemment théorisé sous une autreforme par Hegel et son homme cosmo-historique.
En revanche Protagoras, en fondant les principes de la démocratie,rejette l'idée qu'une personne ait un savoir plus important qu'une autre en matière politique, il ne distingue donccertainement pas les citoyens selon leur excellence et soumet tout le monde au même régime.Selon Aristote, il est nécessaire que la législation ne concerne que les simples bons citoyens, car pour les hommesde bien « il n'y a pas de loi, ils sont eux-mêmes des lois ».
Il est évident qu'une loi ne peut pas se soumettre à uneautre loi si elles ont la même valeur.
Aristote illustre son propos en évoquant une fable d'Antisthène où les lionsmontrent aux lièvres qu'ils sont ridicules lorsqu'ils réclament l'égalité de tous..
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