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Commentaire de la Lettre 132 des Liaisons Dangereuses

Publié le 24/06/2012

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liaisons dangereuses

Il y aurait donc une noblesse affirmée de l'amour, l'érotisme étant inférieur à l'amour car se rattachant à une notion de nature primitive. Mais l'amour est contingent comme la Marquise s'en rend bien compte dans la question rhétorique : « et de l'amour, en a-t-on quand on veut? « ce qui justifie que l'on se tourne quelque fois vers le plaisir aussi pauvre soit-il.  La marquise semble aller encore plus loin dans le brouillage : dans le paragraphe qui clôt la lettre, celle-ci se permet d'évoquer le temps où Valmont et elle étaient ensemble. La nostalgie ponctue cette fin et lui donne des accents lyriques : évocation d'un temps passé (« dans le temps où nous nous aimions... «) qu'il semble impossible de ressusciter (voir l'irréversibilité du présentif « c'est un retour impossible «, la négation « ne peut revenir «) ou autres regrets (« je regrette quelques fois «).  La marquise a toujours renié un sentiment dont elle n'a pas voulu devenir la victime, puisqu'il n'était pas autre chose qu'un « jeu « destiné à perdre les femmes. La Marquise connait ce que vit Mme de Tourvel et cela la rend sans doute nostalgique. C'est un rapport inégal entre les deux partenaires comportant une victime, condamnée à la souffrance.

liaisons dangereuses

« et le roman se place dans la continuité de ce projet libertin bafoué dont seul un élément persistera à la perte de tous : la manipulation.Les tensions inavouées s'expriment à travers la technique d'argumentation (l'argumentation suppose toujours la tension entre deux forces, deuxpensées) employée : elle est présentée dès le départ ; il s'agit de « convaincre ».

renforcé par toutes les injonctions que la Marquise adresse au Vicomte(« causons », « dites-moi », « croyez-moi », « suivons », « n'oublions », « n'allons »), l'exemple qu'elle invoque pour soutenir ce qu'elle avance(« l'histoire de ces deux fripons »), convaincre bien sur le Vicomte de différer leur nuit d'amour.

Ensuite elle devient plus pernicieuse : la marquise tentede faire appel à ses souvenirs, les sentiments qu'il aurait eu autrefois pour elle (le dernier paragraphe évoqué précédemment) ou plus encore la mentionqu'elle fait de Belleroche, qu'elle méprise par la dénomination qu'elle lui donne (« ce triste Belleroche », le démonstratif connoté très péjorativement,sans mentionner l'adjectif qui le qualifie) et qui pourtant se débat à ses pieds (« se battre les flancs »), reprenant le topos de l'amant éconduit pour s'enmoquer.

La « jalousie » qu'elle mentionne quant à ce dernier n'est que la jalousie qu'elle cherche à provoquer chez son destinataire, par la mentionentre autre des « caresses » que le verbe à valeur hyperbolique souligne encore : « surcharge ».Il s'agit dès lors de persuasion, persuasion qu'elle utilise pour essayer de cerner son adversaire qui semble lui échapper, marque de faiblesse de laMarquise qui semblait jusqu'alors réussir à lire dans l'Autre comme dans un livre ouvert.

Toutes les questions qu'elle lui adresse ne sont là que pourmontrer du doigt cette opacité de Valmont dont la Marquise est consciente et qui pique son amour propre.

Elle tente de savoir si le Vicomte est oui ounon sous l'emprise de Tourvel, savoir jusqu'où cela va, si la présidente lui écrit, lui a écrit, combien de fois (voir la pique « ou la tendre Dévote doitbeaucoup écrire », hypothèse dans le balancement et le verbe).La Marquise n'en reste pas là et attaque même si cela reste dans le sous entendu (elle prétend dans une double négation n'agir « ni par humeur, ni parcaprice ») : c'est par ailleurs le mode de fonctionnement de la Marquise.

Tout d'abord, la question qu'elle adresse au Vicomte « Mais dites-moi, Vicomte,qui de nous deux se chargera de tromper l'autre? » peut être entendue de plusieurs manières : tromper au sens tromper dans une relation amoureuse(qui est certes une trahison mais n'a pas de conséquence matériellement constatable), mais tromper aussi trahir, trahir face aux autres et à la société.Les deux libertins sont dépendants l'un de l'autre, et si l'un abandonne la partie, il fait tomber l'autre.

La marquise par ailleurs l'a très bien compris.Avouer à la Présidente son amour, c'est tout avouer, toutes les machinations.Cette tromperie est étroitement liée au pacte conclu entre les deux personnages, pacte que Valmont n'a pas rempli (« sans que vous vous soyez mis enrègle avec moi », « oublié les conditions d'un marché ») et qu'elle n'oublie pas de lui rappeler par « quelques petits reproches ».Ces reproches se transforment ultimement en une jalousie exacerbée.

Il faut comprendre que jusqu'alors, la marquise occupait une place unique dans lavie de Valmont.

C'était une femme dont l'intelligence et la malignité étaient supérieurs à tout ce qu'il connaissait.

Or, d'un jour à l'autre, cette déesse dulibertinage se trouve détrônée par une femme qu'elle méprise, à cause d'un sentiment auquel elle ne croit pas.

Ainsi faut-il relever la dénigrement quesubit Mme de Tourvel par la Marquise dans cette lettre.

Si le lecteur a beaucoup de mal à identifier la Marquise, celle ci ne se lasse pas d'ironie pourenfermer la Présidente dans des types comme on peut le voir dans les périphrases : « la céleste Prude », « la tendre Dévote ».

De même, le sousentendu ironique « la tendre dévote doit beaucoup écrire » pour évoquer la correspondance assidue entre le Vicomte et la Présidente est une piqued'autant plus amère qu'elle est renforcé par une exclusion de cette dernière : « elle n'a surement pas le bon goût de se distraire », le verbe « sedistraire » ayant une forte connotation sensuelle, la distraction que serait le plaisir libertin, O combien bannit par la « Prude », la « dévote » Mme deTourvel. Le mélange du sensible et du cynique rend tout repérage impossible dans cette lettre : en effet le personnage de la Marquise jusqu'alors semblait être lepersonnage le plus lucide par son pouvoir de clairvoyance et de manipulation qui désignait symboliquement le pouvoir d'effraction du lecteur lui même,violeur d'intimité, dominateur parce qu'il épousait son regard et avait accès à toutes l'ensemble épistolaire.

Cependant cette lucidité semble imparfaite etouvre sur des interprétations diverses : la Marquise n'est plus sure de ce qu'elle ressent, de ce que Valmont « parait » être.

Les faiblesses respectivesdes personnages se dévoilent bien que ces derniers fassent tout pour les cacher.

Aucun portrait n'est figé : comme la Présidente n'est pas une simple« Prude », Valmont et la Marquise ne sont pas seulement des libertins.

il faut donc noter l'art de la structure narrative dans l'épistolaire: Laclos traduitau travers de cette lettre l'évolution psychologique des deux personnages et fait progresser l'intrigue jusqu'au point de non retour avec l'exclamation dela Marquise « hé bien ! la guerre » au bas de la lettre 153 de Valmont.

Peut-être est-ce là la virtuosité propre à Laclos et propre à tout écrivain, ouvrirsur tout possible.. »

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